Quiconque a déjà ouvert un livre concernant la stratégie, le management ou la conduite d’équipe (ou parfois les trois à la fois) a rencontré ce concept cardinal de la « vision », parfois qualifiée de stratégique. Mais bien souvent, si l’on nous fait comprendre par de nombreux et pertinents arguments l’importance de cette idée, au point de la présenter parfois comme la clé de voûte de toute activité de direction, on reste souvent sur sa faim. Certes, la vision est importante, on nous le dit et on le ressent aisément, mais comment faire ? Souvent les auteurs restent flous sur cette question.
D’abord, de quoi s’agit-il ? Là aussi les définitions abondent, au point qu’on ne sait plus très bien de quoi on parle. Si je tente ici de résumer ce concept de « vision », il s’agirait d’une image générale, d’une situation, avec, de plus, une idée de ce que cette situation va (ou devrait) devenir. Cette image peut ensuite servir de base à la conduite d’actions, typiquement par des prises de décisions. Appliqué au monde de l’entreprise, cette image correspond à l’environnement de l’entreprise, à l’interne (état des lieux) et à l’externe (marché, tendances, etc.), avec une idée de ce que serait l’entreprise dans les quelques années à venir.
Personnellement, je trouve intéressant de distinguer deux types de visions. Il y a d’abord une vision que l’on pourrait qualifier de « grand angle », qui correspond à l’image générale de la situation actuelle interne et externe à l’entreprise (ou à son département ou équipe selon le niveau de responsabilités). Il y a ensuite la vision que l’on pourrait appeler « télescope », qui renvoie à l’idée de l’avenir, c’est-à-dire ce à quoi ressemblera l’entreprise d’ici quelques années. La vision générale ou stratégique est alors la combinaison des deux aspects.
Cette distinction est importante, car elle permet de structurer l’élaboration de la vision. D’une part, il est possible de construire le tableau de la situation actuelle (« vision grand angle ») par touches et questions successives, par exemple en restant informé sur ce qui se passe dans le reste de votre entreprise et dans votre champ d’activité en général, mais aussi en sollicitant votre équipe pour définir quelles sont vos forces, vos faiblesses, les changements en cours et en préparation, etc. A partir de là, vous pourrez déterminer les conséquences qui en découlent pour votre équipe et agir en fonction, que ce soit pour anticiper des problèmes ou pour réagir aux imprévus. Finalement, communiquez cette image à votre équipe pour que vos collaborateurs puissent la comprendre et agir en accord avec elle. Bien entendu, il est essentiel de maintenir à jour ces éléments régulièrement.
D’autre part, la « vision télescope » doit répondre à la question « à quoi ressemblerons-nous dans trois ou cinq ans ? » Pour ce faire, il convient d’analyser les risques et les opportunités qui se présenteront, mais aussi les missions et les valeurs qui gouvernent et qui gouverneront l’entreprise. La définition de ces points peut se faire individuellement, mais aussi avec votre hiérarchie et avec votre équipe. Et comme précédemment, communiquer et mettre à jour cette idée (qui devient une intention) de l’avenir est essentiel.
Malheureusement, bien souvent les directions, les managers et les chefs d’équipe ne prennent pas la peine de définir et de communiquer cette vision. Ils sont souvent submergés par les tracas du quotidien et ont l’impression que ces considérations stratégiques ne les concernent que peu. Rien n’est plus faux.
En effet, définir ces points prend souvent peu de temps, et permet d’identifier clairement quels seront les enjeux à venir pour l’équipe ou l’entreprise. Or, la conscience de ces enjeux, des difficultés ou des chances à venir est essentielle car elle permet de les anticiper ! Et cela donne à une entreprise ou une équipe une vraie « longueur d’avance », permettant à sa direction de se préparer et de se décider plus facilement et rapidement.
Finalement, le lecteur averti aura évidemment reconnu certains principes de l’analyse SWOT dans ces lignes (pour Strengths-Weaknesses-Opportunities-Threats, c’est-à-dire Forces-Faiblesses-Opportunités-Risques, qui est d’ailleurs un excellent outil). Mais comme tout modèle d’analyse de problème ou d’aide à la décision, il n’est utile que s’il est utilisé… Dans le cas présent, faire régulièrement une photo de la situation avec un objectif « grand angle » et la compléter par un aperçu de l’avenir avec votre « télescope » vous apportera des éléments précieux dans la prise de décision et la conduite de votre équipe.
Julien Rosselet