On en parle avec de plus en plus d’insistance. « Taxer les robots », voilà ce que revendiquent des personnalités publiques de différents horizons politiques, depuis le milliardaire américain Bill Gates jusqu’au Parlement Européen, en passant par le candidat à la présidentielle française Benoît Hamon. En Suisse, l’Université de Genève vient de débuter son semestre de printemps avec une conférence publique dont le titre « Taxer les robots ? » est déjà une entrée directe en matière : une matière qui seulement en apparence peut sembler futuriste ou fantastique. En effet, comme l’évoque le conférencier, le professeur de droit fiscal Xavier Oberson, les robots non seulement sont de plus en plus présents dans l’industrie et la sphère des services mais ils s’« orientent » désormais vers une plus grande autonomie voire vers une capacité accrue d’évoluer dans la hiérarchie de l’entreprise. (Cité d’après le journal Le Temps).
Il s’agit, on le comprend vite, de taxer non pas les robots mais les entreprises qui ont désormais un recours plus ou moins large à la robotique, souvent au prix d’une réduction de leurs effectifs « humains ». Mais en même temps, oui, il s’agit bien de taxer les robots. On envisage de soumettre ceux-ci au système de cotisations sociales, à la TVA et à d’autres impôts, traitant ainsi lesdits robots comme des personnes fiscales et exigeant d’eux, après être devenus la cause du licenciement de personnes « humaines » dont ils ont repris le travail, d’assumer également la responsabilité sociale liée à ce travail et au poste occupé.
Car le problème réside là également : le licenciement de personnes physiques provoque des pertes fiscales considérables et irrécupérables qui sont presque aussi à déplorer que la détresse humaine causée par la suppression d’emplois. Le fait d’imposer les robots et les entreprises qui les « emploient » générerait donc des moyens pour un double volet censé à la fois indemniser les salariés licenciés et compenser les pertes fiscales causées par le départ forcé de ces employés « humains ». Mais la taxation des usurpateurs artificiels servirait aussi à autre chose : elle créerait des fonds de financement d’un revenu universel capable de contre- balancer, d’une manière plus générale et à un plus long terme, les méfaits de la robotisation et de la numérisation de l’économie.
Le revenu universel – encore et toujours
Le revenu universel, cette sorte de prime d’Etat dont on parle de plus en plus souvent, émerge à son tour de la sphère de la « social- fiction » et prend la forme d’un argument sérieux dans les débats économiques et politiques. En France, Benoît Hamon, le candidat socialiste à la présidentielle du mois d’avril, en a fait la proposition – phare de son programme. S’il reste controversé, le revenu universel est de moins en moins considéré comme une mesure saugrenue ou isolée. Au contraire, en le mettant à l’ordre du jour, Benoît Hamon surfe sur une vague puissante et écumeuse : le revenu universel s’impose de plus en plus comme objet de réflexion au plus haut niveau, et cela à l’échelle européenne et internationale. S’y penchent désormais des institutions et des forums aussi compétents en matière d’économie et de gestion des affaires politiques et sociales que sont le Forum de Davos et le Parlement Européen. Le milliardaire Bill Gates apporte donc aussi sa touche, en liant étroitement son propre soutien à l’idée de taxation des robots à celle de financement d’un revenu universel.
Des robots et des milliardaires
Et on sait d’expérience que les causes soutenues par des milliardaires- philanthropes et par leurs fondations au budgets plus que généreux, s’avèrent tôt ou tard gagnantes. Pour le meilleur ou pour le pire. Rappelons-nous George Soros et son idée de l’« Open society » mise à l’œuvre dès le début des années 90 : ne vivons-nous pas tous aujourd’hui, un peu plus de deux décennies plus tard, dans cette même société que le financier d’origine hongroise avait souhaitée et si substantiellement soutenue ? Et si en ce moment la marche glorieuse de Soros s’est quelque peu ralentie, le philanthrope se voyant accusé de vouloir mener à tout prix et par tous les moyens son « objectif mondialiste », son collègue Bill Gates semble en train de se refaire une popularité en mettant, notamment, à l’ordre du jour la question du revenu universel. L’idée semble allécher plus d’un, et pourtant elle reste controversée. Il y lieu de se poser des questions. En effet, est-ce cela que l’on nous prépare à l’avenir – une société où le travail serait confié aux robots et où tous les autres – entendons par là les (anciens) employés humains, voués à l’inaction, dépendraient de l’aide de l’Etat ? Comme rêve futuriste de quelques milliardaires, c’est peut-être séduisant et original, mais comme réalité sociale, c’est nettement moins captivant.