Par Ivan REGO
Pour la troisième année consécutive, les primes de l’assurance maladie augmenteront en 2025. Le « Worry Barometer« , enquête effectuée par Crédit Suisse, décernait en 2023 le titre de « principale préoccupation des Suisses » au système de santé. La LAMal (loi sur l’assurance maladie), très décriée et soumise à différentes initiatives, peine de plus en plus à convaincre. Et ce notamment suite à l’envolée du prix de ses primes. Pensez à votre réaction quand vous avez reçu le courrier de votre assureur, il y a quelques semaines, avec le nouveau montant mensuel à payer. Alors finalement, comment fonctionne cette assurance sur laquelle nous adorons débattre ?
La LAMal est introduite en 1996 et remplace un système dans lequel l’affiliation était non-obligatoire. Son adhésion étant loin de faire l’unanimité à l’époque (était-ce un signe prémonitoire ?), acceptée à 51.8% des voix suite à un référendum, a notamment pour objectif de contrôler et contenir l’expansion des coûts de la santé. Mission échouée diront certains ?
Toute personne domiciliée en Suisse est tenue de s’affilier à la LAMal (sauf exceptions) auprès de l’assureur de son choix. Pour les personnes arrivant dans le pays, il est important de noter que ceci doit être fait dans les 3 mois afin de pouvoir profiter d’une rétroactivité des prestations (depuis la date d’arrivée) et surtout afin d’éviter des désagréments pouvant avoir un impact important (augmentation des primes ou encore prise en compte de l’adhésion uniquement dès l’inscription).
Les prestations assurées dans le cadre de l’assurance obligatoire sont identiques. Néanmoins, l’assuré peut choisir entre plusieurs formes d’assurances ; ordinaires (franchise fixe) ou particulières (choix limité des fournisseurs de prestations et/ou franchise à options). Les modèles de médecin de famille ou telmed, ou une franchise à CHF 2500.- font donc partis des formes particulières. Un catalogue d’assurances complémentaires est également proposé.
Les primes facturées au sein d’une même assurance doivent en principe être les mêmes pour tous les assurés (en fonction du groupe d’âge). Néanmoins, elles peuvent différer d’une assurance à l’autre. Cela permet de créer une concurrence entre assureurs au bénéfice de l’assuré. Elles diffèrent également d’un canton à l’autre. La franchise, quant à elle, est un montant forfaitaire que l’assuré doit assumer par année civile. Enfin, La quote-part est un pourcentage que l’assuré doit payer sur chacune des prestations, une fois la franchise dépassée, avec un plafond.
Coûts annuels (participation) = Primes + Franchise + Quote-part
EX : Franchise à CHF 500.- et quote-part à 10% Paiement des 500 premiers francs et 10% des coûts dès le 501ème franc (jusqu’à un plafond de CHF 700.-).
Une réduction des primes est possible pour les formes particulières. En effet, un assuré optant pour un choix limité/imposé de prestataires de services (ex: médecin de famille) se verra bénéficier d’un rabais. Une autre mesure d’économie est de choisir une franchise plus élevée que celle ordinaire (CHF 300.- VS CHF 500/1000/1500/2000/2500.-).
Les prestations doivent permettre de couvrir l’impact des risques de maladie, accident et maternité. Ces prestations fournies par des prestataires agrées selon la LAMal sont facturées selon TARMED (points par prestations définissant un prix). La facture est ensuite réglée soit par l’assuré (tiers garant) ou par l’assureur (tiers payant) qui la refacture ou la prend en compte pour le décompte final (selon la franchise de l’assurance).
Pourquoi un système ayant l’air si rodé et avec une existence de presque 30 ans est aujourd’hui sous le feu des projecteurs ? Principalement à cause de la hausse des primes. En effet, ces dernières ont triplé depuis l’introduction de la LAMal.
Pourquoi les primes ont autant augmenté ces dernières années ? A cause de la hausse des coûts de la santé. Augmentation des consultations, des prestations en milieu hospitalier et des prix des médicaments sont des raisons ayant amené des coûts considérables à assumer pour les assurés et assureurs, ces derniers faisant répercutés année après année cet impact sur les primes.
De plus, notre système de santé fait face a de nombreux défis démographiques, médicaux ou encore politiques qu’il convient de lister ci-dessous.
1. Vieillissement de la population : Avec une population vieillissante, les besoins en soins augmentent, car les personnes âgées nécessitent davantage de traitements et de suivis médicaux.
La pyramide des âges montre très clairement que la proportion des personnes âgées en Suisse a augmenté. Nous comptions 2 centenaires en 1900, contre 1948 en 2022. Les « baby-boomers » entrent aujourd’hui en âge de retraite et le taux de natalité sur le territoire continue de baisser.
2. Progrès médicaux : Si les nouvelles technologies médicales et les traitements innovants améliorent la qualité des soins, ils sont souvent coûteux. Ces avancées font augmenter le coût des soins de santé, qui est ensuite répercuté sur les assurés.
3. Densité des prestataires : La Suisse dispose d’un système de santé très dense, avec un grand nombre d’hôpitaux et de cliniques par rapport à sa population. Cette disponibilité accrue peut conduire à une consommation plus élevée de soins.
Il est d’ailleurs connu que certains assurés profitent d’avoir dépassé leur franchise pour effectuer des contrôles et soins non-indispensables. La quote-part ne serait donc pas très dissuasive.
4. Prescription élevée de médicaments : Les coûts des médicaments, notamment les médicaments spécialisés, augmentent à un rythme rapide. La Suisse a des prix de médicaments souvent plus élevés que dans d’autres pays européens, ce qui contribue à l’augmentation des primes.
Interpharma et SantéSuisse ont d’ailleurs mené une enquête en 2023, comparant le prix des médicaments suisses avec ceux de 9 pays étrangers. Un des constats est alarmant ; les médicaments génériques seraient presque 2 fois plus cher en Suisse.
Face à cette situation, plusieurs solutions sont explorées par les acteurs de la santé et le gouvernement pour essayer de contenir les coûts tout en préservant la qualité des soins :
1. Promotion de la prévention : En investissant davantage dans la prévention et la santé publique, l’objectif est de réduire l’incidence de certaines maladies chroniques, ce qui permettrait de limiter les dépenses à long terme. Par exemple, encourager des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les maladies liées au mode de vie, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires.
2. Contrôle des coûts des médicaments : Des initiatives sont en cours pour réguler les prix des médicaments, en particulier ceux dont les prix sont plus élevés en Suisse qu’ailleurs en Europe. Une politique de négociation centralisée pourrait également être envisagée.
3. Renforcement des modèles alternatifs de soins : Encourager l’utilisation de modèles de soins comme les réseaux de soins intégrés ou les médecins de famille pour les soins de première ligne. Ces modèles permettent une coordination des soins, ce qui peut réduire les coûts en évitant les doublons ou les traitements inutiles.
4. Digitalisation et télémédecine : La digitalisation et la télémédecine permettent de diminuer certaines consultations physiques et d’améliorer l’efficacité des traitements. La télémédecine a montré des résultats prometteurs pendant la pandémie et pourrait contribuer à diminuer les coûts en facilitant l’accès aux soins de base.
La plupart des assurances communiquent désormais de manière électronique avec les assurés, par exemple à travers une application, afin d’éviter les coûts administratifs et faciliter le suivi.
5. Augmentation des franchises : Certains proposent d’augmenter les franchises pour que les assurés prennent en charge une plus grande partie des coûts initiaux, ce qui les encouragerait à utiliser les services de santé de manière plus responsable.
Ceci pourrait néanmoins augmenter la charge sur les assurés les plus vulnérables, ce qui socialement et politiquement pourrait s’avérer controversé.
La réforme de la LAMal et du système de santé en Suisse est un sujet complexe, car il touche à des questions politiques, économiques et sociales. Certaines initiatives populaires, comme l’introduction d’une caisse unique publique, ont échoué par le passé. Cependant, l’insatisfaction grandissante des Suisses face aux primes élevées pourrait favoriser une évolution vers des réformes plus ambitieuses dans les années à venir.
Le système de l’assurance maladie en Suisse, bien que conçu pour garantir l’accès aux soins pour tous, se trouve aujourd’hui confronté à des défis de taille. Il devient essentiel de trouver un équilibre entre la qualité des soins et la maîtrise des coûts pour éviter que les primes ne continuent de peser lourdement sur les budgets des ménages. Les initiatives en cours devront être suivies avec attention pour évaluer leur impact et, espérons-le, redonner confiance aux assurés suisses.
Arrivera-t-on donc à trouver le médicament miracle permettant à la LAMal de regagner en popularité et soigner les maux de la population ? Et cette population est-elle prête au(x) changement(s) ?
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