Des résultats record pour la biotech au niveau mondial, mais une croissance ralentie par la pression des organismes payeurs

12 juin 2016

Des résultats record pour la biotech au niveau mondial, mais une croissance ralentie par la pression des organismes payeurs

2015 nouvelle année record pour la biotechnologie mondiale – chiffres d’affaires, bénéfices et dépenses de recherche en hausse. Climat mitigé cependant depuis le début de l’année.

L’essor de l’industrie mondiale de la biotechnologie s’est poursuivi en 2015. Ainsi, les chiffres d’affaires des entreprises européennes et américaines analysées par EY ont augmenté de 13 % à USD 132,7 milliards, et les bénéfices de 18 % à 16,6 milliards. Le secteur compte en outre 33 000 emplois de plus qu’en 2014. Cela dit, bien que la capitalisation boursière ait encore légèrement progressé en 2015, un quart de la valeur a été anéanti depuis l’été dernier. D’autres indicateurs sont eux aussi en train de décliner cette année, notamment en raison des mesures agressives de réduction des coûts du secteur de la santé. Il est probable que le faîte du succès ait entre-temps été dépassé.

Pour la troisième année consécutive, les entreprises internationales de biotechnologie ont battu des records en termes de chiffres d’affaires, de bénéfices, de financement et de transactions. Toutefois, ces valeurs sont en recul cette année, et l’on constate une perte d’intérêt de la part des investisseurs. Il ne faut donc pas s’attendre à de nouveaux records dans un proche avenir, comme le précise le rapport actuel de la société d’audit et de conseil EY :Beyond borders – Returning to earth.

« Malgré une performance à nouveau impressionnante, les entreprises de biotechnologie en phase d’exploitation commerciale sont confrontées à maints défis. La pression croissante sur les prix due aux mesures toujours plus agressives des caisses-maladie et d’autres organismes payeurs prête tout particulièrement à souci. Pour convaincre les investisseurs du potentiel à long terme de l’industrie et créer le fondement nécessaire à la croissance future, les sociétés de biotechnologie doivent clairement démontrer la valeur de leurs produits aux yeux des caisses-maladie, médecins, patients et du public », explique Jürg Zürcher, responsable du secteur des biotechnologies pour la zone EMEIA et responsable du secteur des sciences du vivant pour la Suisse chez EY.

Chiffres d’affaires et bénéfices en hausse

L’année 2015 s’est soldée par un nouveau record pour les sociétés de biotechnologie analysées, avec une hausse des chiffres d’affaires de 13 % à USD 132,7 milliards (progression en 2014 : 18 %). Pour leur part, les bénéfices bruts ont grimpé de 18 % à un nouveau sommet de USD 16,6 milliards. En 2014, ils avaient enregistré une envolée spectaculaire de 214 %, en grande partie grâce aux excellents revenus touchés sur les médicaments novateurs contre l’hépatite C.

Sur le plan du financement, la biotechnologie jouit d’une situation solide, les sociétés engrangeant près de USD 71 milliards grâce à un apport de capital-risque frisant le record et à un intérêt accru des investisseurs externes à la branche. Le montant levé par les entreprises de taille plus modeste (chiffre d’affaires inférieur à USD 500 millions) a atteint un sommet historique de USD 41 milliards. Compte tenu de la retenue croissante des investisseurs, cette source de financement des futures activités de recherche et de développement commercial tombe à pic.

La biotechnologie : le miracle de l’emploi

Les dépenses de recherche et développement (R&D) constituent un indicateur important de la santé de l’industrie. Or, elles ont grimpé de 16 % à USD 40,1 milliards en 2015, deux tiers de ce montant étant attribuables à des sociétés au chiffre d’affaires inférieur à USD 500 millions. L’expansion de la R&D a donc même réussi à surpasser celle du chiffre d’affaires, signalant que le secteur investit fortement dans de nouveaux principes actifs et traitements et se montre confiant à l’égard de leur potentiel commercial.

Par ailleurs, la branche a connu un vrai « miracle » au niveau de l’emploi en 2015. Globalement, les effectifs des entreprises analysées se montaient à 203 850 personnes à la fin de l’année, soit une hausse de 19 % par rapport à 2014. Cette énorme progression des deux côtés de l’Atlantique s’explique entre autres par le fait que ces sociétés ont foi en l’avenir, qu’elles se sont procuré le personnel qualifié nécessaire et ont étendu leurs capacités de production. À elle seule, la société Eurofins Scientific, qui se spécialise dans les services bio-analytiques, a recruté quelque 5400 collaborateurs. Pour leur part, les géants de la biotechnologie Regeneron et Gilead Sciences ont engagé plus de 1000 personnes, et 4000 employés ont nouvellement été inclus dans les statistiques du fait de l’introduction en Bourse de leur société.

La valeur des nouvelles thérapies mise en avant

À l’avenir, les sociétés de biotechnologie devront démontrer plus clairement la valeur ajoutée de leurs produits et focaliser leur modèle d’affaires. Pour réussir, une approche prometteuse consiste à viser une position prédominante dans un petit nombre seulement de domaines thérapeutiques judicieusement choisis, afin d’être concurrentiel et de stimuler la croissance. Cette concentration sur des modèles d’affaires ciblés a grandement contribué au climat très propice aux transactions constaté en 2015.

Ainsi, le nombre de fusions et acquisitions (F&A) dans le secteur de la biotechnologie a battu un record pour la deuxième fois d’affilée : le total de 89 transactions a nettement surpassé celui de l’année passée (69 transactions), qui constituait déjà le plus haut niveau depuis dix ans. Par rapport à 2014, le volume cumulé des transactions a bondi de 120 % à USD 100,2 milliards, une valeur proche de la moyenne des trois dernières années.

« L’activité sur le marché des fusions et acquisitions va rester forte, malgré le durcissement de la loi fiscale aux États-Unis, qui a rendu moins lucratif le déplacement à l’étranger des sièges d’entreprise pour des raisons liées à l’impôt », estime Jürg Zürcher. Selon lui, les considérations stratégiques ont repris le dessus sur les aspects fiscaux en tant que motivation des transactions : « Nombre de compagnies pharmaceutiques ne peuvent maintenir leur croissance qu’en acquérant des entreprises et des thérapies à l’extérieur. Entre-temps, les grandes entreprises de biotechnologie disposent elles aussi d’une assise financière assez solide pour pouvoir exécuter des stratégies de rachat énergiques cette année et l’année prochaine. »

Importance croissante des alliances

Les grandes sociétés de biotechnologie misent également sur les alliances stratégiques, dont la valeur potentielle a atteint la valeur historique de USD 55,4 milliards en 2015. Les alliances à l’intérieur de la branche ont également gravi un nouveau sommet de USD 20,9 milliards. « C’est là un signe de plus qui indique la maturité concurrentielle des grandes sociétés de biotechnologie et démontre qu’elles recourent elles aussi de plus en plus souvent aux alliances pour contourner les obstacles à leur croissance », ajoute Jürg Zürcher.

À titre d’exemple, 17 accords d’une valeur potentielle dépassant le milliard de dollars ont été conclus en 2015, contre douze en 2014 et cinq seulement en 2013. Avec une valeur totale de USD 2,63 milliards, la collaboration stratégique entre la société bâloise CRISPR Therapeutics et Vertex Pharmaceuticals décroche la palme d’or. « De tels partenariats représentent généralement un moyen pour la plus grande des parties de s’assurer l’accès à des plates-formes technologiques novatrices. Des paiements en espèces sont normalement versés à la réalisation d’objectifs de développement strictement définis dans le contrat, ou en cas d
e succès thérapeutique de principes actifs donnés », explique Jürg Zürcher.

En moyenne, les preneurs de licence du secteur ont avancé 11 % de la valeur totale potentielle de la transaction à titre d’acompte, ce qui représente une quatrième hausse consécutive. Fait significatif, ces avances incluent près de USD 2 milliards en fonds propres, ce qui indique que les partenaires cherchent de plus en plus à établir des relations à long terme avec des sociétés de biotechnologie plus petites.

Fort recul de la capitalisation boursière

Sur l’année 2015, la capitalisation boursière cumulée du secteur n’a marqué qu’une modeste avance de 5 % à USD 1070 milliards, un recul considérable par rapport aux taux de croissance de 65 % et 34 % respectivement en 2013 et 2014. Après cinq ans d’expansion à la Bourse, la valeur de l’industrie a atteint son plus haut historique de USD 1230 milliards le 19 juillet 2015, avant de diminuer de près d’un quart, à USD 918 milliards au 31 mai 2016. « Les évaluations du secteur de la biotechnologie ont été tirées vers le bas par divers facteurs, dont notamment le mécontentement au sujet des prix des médicaments exprimé durant la campagne électorale américaine, les incertitudes croissantes sur le marché mondial et la rotation des secteurs par les investisseurs. Les titres américains ont davantage souffert que leurs homologues européens », ajoute Jürg Zürcher.

Capacité à collaborer avec les organismes payeurs et d’autres partenaires

Pour réussir, les entreprises de biotechnologie devront à l’avenir chercher le dialogue en dehors de la branche également, et en particulier avec les organismes payeurs, pour obtenir les données prouvant la valeur ajoutée apportée par leurs produits. À l’heure actuelle, plusieurs médicaments sont proposés dans chaque domaine thérapeutique. Lors de l’introduction de nouveaux traitements sur le marché, leur valeur ajoutée est généralement qualifiée de « potentielle », au lieu de « avérée ». Pour combler cette absence de preuves, de nouveaux modèles commerciaux fondés sur des données sont requis, qui accélèrent la transition entre « potentiel » et « avéré » et convainquent les organismes payeurs de l’efficacité de la thérapie. Pour élaborer de tels modèles, les sociétés de biotechnologie doivent conclure des partenariats avec des entreprises technologiques.

« Cela fait longtemps que la biotechnologie a dépassé le stade embryonnaire, et elle est désormais confrontée à des questions qui préoccupent nombre d’industries matures. Il s’agit d’assurer une croissance durable et de produire de réelles innovations dans un contexte caractérisé par des limitations de ressources qui modifient la valeur des produits et thérapies ainsi que par des énergies perturbatrices générées par de nouvelles entreprises du numérique. Pour poursuivre leur expansion dans ce climat, les entreprises ne peuvent pas continuer d’agir comme par le passé, mais doivent investir dans de nouvelles compétences, renouveler leurs stratégies de recherche et développement et adapter sans cesse leur modèle d’affaires », c’est ainsi que Jürg Zürcher résume la situation du secteur.

 

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