La route de demain s’invente aujourd’hui ; désormais, elle est capable de produire de l’électricité, de recharger des batteries de véhicule hybride, de s’illuminer en pleine nuit, de nous avertir de manière sonore ; voire d’absorber de fortes quantités d’eau en un temps record… Ces innovations (vont ou) ont déjà commencé à modifier notre manière d’appréhender la route.
Tour d’horizon de quelques innovations surprenantes, qui pourraient bien définir le paysage de demain :
L’asphalte solaire
Il s’agit de dalles photovoltaïques disposées sur le sol, en lieu & place du bitume : ce n’est pas nouveau mais celles-ci produisent de l’électricité. Le premier tronçon d’1 km de longueur fut inauguré fin 2016 en France voisine ; depuis, il a fait des petits, et en mieux ! L’électricité produite sert désormais à chauffer une piscine municipale ou encore une gare de péage autoroutier. Prochaine étape dans la démocratisation de ce procédé : le circuit automobile de Nevers Magny-Cours, qui reçoit notamment le Championnat du monde de Formule 1.
« Roulez, c’est chargé ! »
Ou comment conjuguer recharge par induction avec déplacement routier. Recharger son véhicule électrique à l’arrêt par l’intermédiaire de bornes sans contact, c’est bien ; le faire en roulant, c’est encore mieux !! Sachez que ce système existe aujourd’hui, grâce à une piste à induction testée à Versailles (F). L’institut VeDeCoM a mis au point un procédé de recharge dynamique sans fil, qui permet de recharger les batteries d’un véhicule sans que celui-ci ne soit arrêté. Intérêt supplémentaire : durant la recharge, le véhicule est entièrement pris en charge par le système, en parfaite autonomie. Autrement dit, vous pouvez lire le journal ou faire un somme, sans la moindre appréhension. Quand on vous dit que vous serez un jour un « conducteur-passager » de votre propre véhicule…
La piste aux étoiles…
Derrière ce terme évocateur se cache en réalité une piste cyclable fluorescente, développée en Pologne. L’idée d’un marquage au sol, capable de capter la lumière le jour pour la restituer la nuit, n’est pas nouvelle ; elle est même largement utilisée autour de nous. C’est en 2014 que le designer Dan Roosegaarde avait tenté l’expérience sur une autoroute ; malheureusement sans succès, en raison d’un produit ne résistant pas à la pluie… Nouvelle tentative, toujours en Pologne, avec une piste cyclable faite d’un revêtement constitué de luminophores (particules luminescentes), et permettant aux usagers un éclairage nocturne d’une durée de dix heures. Prometteur, non ?
La route qui klaxonne…
Transportons-nous en Inde oú tout ce qui roule est différent de ce que nous connaissons en Europe… Le système anticollision inventé sur la route NH44 est juste improbable : afin de la rendre plus sûre, deux radars, installés de part & d’autre de virages serrés, détectent les véhicules en approche. Dès leur présence détectée, ils actionnent une avertisseur sonore (klaxon) pour prévenir les usagers d’une rencontre imminente… Plutôt malin, non ?
Le béton « boit-sans-soif »
C’est un béton-éponge, nommé Topmix, produit par la société Lafarge Tarmac (GB), et capable d’absorber l’équivalent de 4’000 litres d’eau en 1 minute !? Ce drainage ultra-rapide est rendu possible grâce à une couche supérieure composée de cailloux espacés, reposant sur une couche inférieure dite d’atténuation ; la mission de cette dernière étant de rediriger l’eau de pluie dans le réseau de recyclage de la ville. Seul bémol à ce revêtement hyper absorbant : les températures hivernales négatives, qui pourraient faire « éclater » ce thirsty concrete…
La « chaucéramique »
Du côté de Limoges (F), la société Colas a eu l’idée d’incorporer dans son enrobé 30% de débris de porcelaine usagée. « Quelle drôle d’idée ! » me direz-vous. Outre le principal intérêt (d’ordre économique), un tel procédé apporte un double avantage : faire un geste pour l’environnement grâce au recyclage intelligent, et produire une route plus « lumineuse » grâce aux éclats de céramique, à la réverbération « sécurisante » ! A l’utilisation, cet éco-revêtement s’avère performant en termes d’adhérence, malgré une usure plus rapide que les enrobés existants…
L’enrobé façon Légo
Alors qu’on évoque un 8ème continent constitué de déchets flottants, la société néerlandaise (Volker Wessels) s’est mise en tête un double défi : débarrasser les océans des tonnes de plastique qui les polluent, tout en recyclant ces déchets pour fabriquer des routes « emboitables » !? Après collecte, ils serviront à produire un matériau plastique brut, qui sera utilisé en revêtement routier. De conception « coquée », ils s’emboiteront à la manière d’un Légo. Astucieux, non ? Cerise sur le gâteau : ce matériau s’avèrerait plus résistant que le bitume à l’utilisation.
L’éclairage dynamique
Qui n’a jamais fait remarquer à son prochain d’éteindre la lumière derrière lui ? Cette idée, pleine de bon sens, a germé dans la tête d’une société belge, qui a imaginé un éclairage public fonctionnant sur le même principe : il s’allumerait uniquement au passage d’un véhicule, d’un cycliste ou d’un piéton ; puis s’éteindrait immédiatement. « Encore une bonne blague belge ! » me direz-vous. Pas exactement : c’est la ville de Wavre qui teste cet ingénieux système depuis quelque mois, et les premiers résultats sont plutôt bluffants !? Sur certaines zones du tronçon équipé, on a enregistré des économies de consommation électrique de près de 80% !?… Excusez du peu. A l’heure oú certaines municipalités s’interrogent sur le bienfondé d’un éclairage nocturne permanent, l’exemple de Wavre fait du sens et donne matière à réflexion. Dommage que la faune n’ait pas son mot à dire…
L’« e-Highway for trucks »
Qui n’a jamais fredonné le célèbre tube d’AC-DC : « Highway to Hell » ? Rassurez-vous : il n’y a rien de diabolique, bien au contraire ! Il s’agit plutôt d’un « Highway to sustainability » : une autoroute propre, réservée à des véhicules électriques. Ce dispositif (qui n’est pas sans nous rappeler les défunts Trolleybus de nos villes) est testé en Allemagne depuis 2014. Il l’est également en Suède depuis un an, dans des conditions réelles, et par la société Siemens. Désormais, l’e-Highway est une réalité à la croisée des chemins entre rail & route. Le concept consiste à doter les autoroutes de caténaires destinées à la recharge dynamique de poids lourds 100% électriques. Cette technologie « éco-friendly » (avec une alimentation électrique « verte ») intéresse nombre de communes & de régions ; citons notamment la très sensible vallée alpine de Chamonix, qui débouche sur le très fréquenté tunnel du Mont-Blanc… On n’ose imaginer le soulagement de sa population, si pareille technologie venait à fleurir dans sa vallée : réduction de la pollution, baisse des nuisances phoniques et disparition des complications sanitaires !
Le marquage intelligent
Imaginez des indications au sol qui changeraient de couleur selon la météo : pas con le truc ? C’est la réflexion que s’est faite la société Olikrom, en développant des pigments photo luminescents « intelligents », qui changent de couleur en fonction des conditions climatologiques (pluie, neige, verglas). Une chaussée interactive aux couleurs changeantes : il n’en fallait pas plus pour intéresser de grandes sociétés d’autoroutes, avides de sécurité routière et grosses consommatrices d’indicateurs en tous genres ! A l’avenir, on imagine qu’en plus de notre vision, les multiples capteur
s du véhicule adapteront, en temps réel, le mode de conduite aux conditions extérieures ; autrement dit, on prendra les commandes à votre place… Mais vous resterez le seul responsable en cas de pépin !
En conclusion, la route est devenue un enjeu capital des gouvernements : tout ce qui peut améliorer la sécurité des utilisateurs est mis en œuvre à n’importe quel prix ! On sait maintenant que ce sont nous, les automobilistes, qui finançons largement ces budgets astronomiques… Certes, réduire la dangerosité de nos routes est une démarche louable, mais elle est surtout mercantile même si le coût des accidents routiers représente une dépense colossale. Et l’accroissement récurrent du nombre de véhicules en circulation ne fait qu’accentuer le phénomène.
Depuis quelques années, la tendance semble se diriger vers des routes toujours plus sûres, des véhicules toujours plus sophistiqués, des aides à la conduite toujours plus « branchées », des informations à gérer toujours plus compliquées ; le tout, avec des sensations de conduite parfois aseptisées ! On se retrouve dans la peau d’un conducteur de plus en plus piloté et de moins en moins pilote ; en somme, de moins en moins acteur et de plus en plus assisté, conditionné, connecté, dirigé, formaté, guidé, informatisé, modélisé, robotisé, sécurisé, valorisé…
Vous avez dit volupté ?!