Le résultat de la votation sur l’initiative Minder est sans appel. Le peuple et les cantons ont tranché avec une majorité rarement vue dans notre histoire. Tout le long de la campagne, les défenseurs et les détracteurs de l’initiative se sont affrontés de manière passionnée, parfois même avec véhémence. Cette intensité est révélatrice d’une part, de l’exaspération des citoyens, face à une caste de nantis agissant en toute impunité, coupée des réalités de la classe moyenne et ne comprenant pas les implications de la démocratie directe. D’autre part, d’une prise de conscience intuitive que l’enjeu ultime de cette initiative touchait aux fondements même de notre système économique!
Bien que la mauvaise gestion ne soit de loin pas la règle et que la très grande majorité de nos entreprises agissent de manière responsable et cohérente sur la route du succès, personne ne peut oublier l’émoi qu’a suscité la débâcle de Swissair et la crise des subprimes. La population, que l’on le veuille ou non, en est resté imprégnée.
Or, cet affrontement politique a mis en avant les excès de ce que l’on pourrait appeler le capitalisme managérial des grandes sociétés cotées en bourse. C’est-à-dire, des excès de certains dirigeants qui ne risquent pas leur argent propre dans la gestion de sociétés capitalisée par d’autres et dont la capitalisation boursière représente jusqu’à un quart du produit intérieur brut de notre pays. En définitive, le citoyen lambda se trouve face à paradoxe, où un individu peut en toute impunité se voir récompensé d’avoir faire courir un risque inconséquent à ses actionnaires et même à tout un pays, i.e. à toute la collectivité. Il ne peut percevoir cette situation que comme un parfait contre sens aux valeurs mêmes du libéralisme et de l’éthique qu’ils lui ont été enseignés.
Rappelons-nous que le libéralisme est un ensemble de pensées, qui puise ses racines premières dans les courants philosophiques du 17ièmesiècle à nos jours. Il défini l’homme comme un être qui naît libre et responsable, envers lui et envers les autres, dans le respect de règles individuelles et collectives mutuellement consenties. Les valeurs naturelles du libéralisme sont donc la liberté, le respect, la tolérance et la responsabilité! Son aboutissement est la démocratie, qui comprend la pluralité des opinions et des partis, la modération des institutions et l’impartialité de l’état de droit. C’est un bien précieux qu’il faut défendre constamment par la force de la raison critique! Le mécanisme qui régit les interactions économiques de ce joyau est l’économie de marché. C’est un système en perpétuel mutation qui s’adapte constamment à la société.
Aujourd’hui, comme me disait un ami philosophe, la démocratie directe a peut-être choisi de passé du capitalisme managérial au capitalisme institutionnel. C’est-à-dire, à un capitalisme où les institutions telles les caisses de pension deviendront la pierre angulaire du système. Ce système sera toujours libéral et devra se baser sur ses principes de concurrence et de bonne gouvernance, et ce toujours sous le contrôle du peuple souverain!
Angel Gomez – Consultant pour le magazine Le Monde Economique et Directeur de Global Asset Consulting