Par Thierry DIME
Chères lectrices, chers lecteurs,
Il y a un constat récurrent que je souhaite partager avec vous cette semaine : la difficulté que je rencontre parfois à donner la parole aux femmes dirigeantes. Malgré leur talent et leur expertise indéniables, je me heurte encore aujourd’hui à des obstacles lorsqu’il s’agit de leur offrir une tribune.
Lorsque nous souhaitons inviter des femmes pour une interview, réaliser leur portrait ou les faire intervenir lors d’une table ronde ou un de nos événements économiques, nous faisons face à un paradoxe. Sur le papier, leurs CV impressionnent : elles sont brillantes, spécialistes dans leurs domaines, fortes d’une expérience qui force le respect. Pourtant, au moment de les solliciter, il arrive qu’elles déclinent : « Je ne me sens pas capable », « Je ne suis pas spécialiste de ce sujet»… Ces réticences traduisent souvent un syndrome de l’imposteur qui semble plus prégnant chez les femmes que chez leurs homologues masculins. En effet, lorsqu’il s’agit de solliciter des chefs d’entreprise masculins pour une interview, il n’est pas rare que 9, voire 10 sur 10, acceptent immédiatement la proposition de notre rédaction. En revanche, cette proportion chute considérablement lorsque nous adressons notre demande à des femmes dirigeantes, où le taux de réponse positive oscille souvent entre 40 et 50 %. Pire encore, lorsque ces femmes occupent un poste exécutif au sein d’un collectif d’associés, dans environ 80 % des cas, elles nous redirigent vers leur homologue masculin qui occupe un poste similaire au leur.
Cette dynamique reflète non seulement un déséquilibre persistant dans la perception des rôles, mais également un besoin de légitimation. Historiquement, les femmes ont souvent été sous-estimées et leur expertise parfois mise en doute, ce qui les pousse à rechercher davantage de validation externe. En tant que médias, nous avons une responsabilité : celle de créer un espace de confiance et d’encouragement. Nous devons rassurer ces talents sur leur légitimité et leur rappeler que leurs compétences méritent d’être mises en lumière. Cela implique de leur donner une visibilité accrue, de publier des portraits inspirants, de relater leurs réussites et de les intégrer pleinement dans le débat économique. En mettant en avant ces compétences, nous contribuons non seulement à changer la perception du public, mais aussi à inspirer les générations futures.
Je vous rassure néanmoins que, malgré ce tableau qui peut sembler préoccupant, toutes les femmes ne se conforment pas à ce modèle. Nous assistons également à l’émergence de nouveaux profils de femmes dirigeantes qui souhaitent s’exprimer, qui osent davantage et qui n’hésitent plus à se mettre en avant. Bien que le pourcentage de ces femmes reste faible, il est en nette progression, certainement favorisé par l’essor des réseaux sociaux.
Ainsi, pour cette nouvelle année, j’ai une ambition claire : 2025 sera une année où la rédaction du Monde Économique s’engagera encore plus à donner la parole aux femmes dirigeantes. Nous voulons réaliser des interviews inspirantes, publier des portraits qui mettent en valeur des parcours exceptionnels, et offrir une tribune à celles qui transforment notre paysage économique. C’est pourquoi je m’adresse directement à vous aujourd’hui. Si vous êtes une de ces pépites ou si vous en connaissez une autour de vous, je vous invite à réagir à cet édito ou à m’écrire directement. Partageons ces histoires qui inspirent, ces trajectoires qui motivent, et ces succès qui méritent d’être célébrés.
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PS : En tant que journaliste, mes éditos n’ont aucune intention de heurter les sensibilités, mais visent à engager une réflexion constructive et bienveillante sur les nuances des interactions humaines dans un monde en constante évolution.
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