Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
« Même si l’économie entre en récession, nous devons faire baisser l’inflation. » Difficile d’être plus clair que cette déclaration de Loretta Mester, la Présidente de la Fed de Cleveland. Dans des mots plus pesés, Jerome Powell, Président de la Réserve fédérale américaine (Fed), n’avait pas dit autre chose lors du symposium des banques centrales à Jackson Hole fin août. Un avertissement qui, après une euphorie exagérée pendant l’été, a rappelé aux marchés une réalité déplaisante : les banques centrales ne seront plus un soutien, et ce pour longtemps. Cette nouvelle donne est lourde de conséquences, tant les investisseurs se sont habitués depuis plus d’une décennie à ce que les grands argentiers du monde viennent à leur secours à la moindre faiblesse. Pour autant, malgré l’importance de son impact, la politique monétaire n’est pas le seul déterminant des marchés. Les dynamiques économiques en constituent un autre que l’on aurait tort de négliger. Et sur ce front, les perspectives ne sont peut-être pas si noires, en particulier aux Etats-Unis.
Prenons tout d’abord l’inflation. Au-delà des chiffres mensuels, force est de constater que de nombreux éléments pointent vers une décrue progressive des tensions inflationnistes. Du côté des transports, forts contributeurs à l’inflation au printemps 2021, nous constatons un recul continu du coût des véhicules d’occasion ainsi qu’une reconstitution des stocks de véhicules neufs, ce qui devrait permettre de stabiliser les prix. Plus globalement, le désengorgement progressif des goulets d’étranglement qui ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales ces derniers trimestres devrait contribuer à apaiser les tensions sur les prix des biens de consommation. Côté immobilier, principal contributeur à l’inflation ces derniers mois, la tendance est également à la modération. La demande chute, tant du côté des transactions que des demandes de financement, tandis que les stocks se reconstituent. Cette situation ne peut se traduire que par le recul de l’inflation immobilière dans les prochains mois. Enfin, le fort renforcement du dollar contre la plupart des devises permettra une désinflation des produits importés.
Ces perspectives baissières sur l’inflation constituent de bonnes nouvelles pour les acteurs économiques. Elles s’accompagnent néanmoins d’éléments moins positifs, en particulier la consommation qui marque le pas, des risques de surstockage qui émergent et un effet richesse négatif induit par la baisse prochaine des prix immobiliers. L’économie américaine dispose toutefois aujourd’hui de plusieurs filets de sécurité. Tout d’abord, les ménages commencent tout juste à puiser dans les très importantes réserves d’épargnes accumulées pendant la crise Covid. Ensuite, familles comme entreprises ne présentent globalement pas d’excès d’endettement et la profitabilité des entreprises s’est maintenue pour l’heure à un niveau élevé. Enfin, le marché du travail demeure très solide. Les demandes d’allocation chômage augmentent très modérément et les nouvelles demandes diminuent même depuis quelques semaines. Le nombre de postes ouverts reste élevé comparativement au nombre de demandeurs d’emplois et, les créations de postes restent solides, avec plus de 300 000 emplois créés en août.
Si le chemin reste étroit, les données économiques permettent pour l’heure de cultiver l’espoir d’un ̎atterrissage en douceur ̎. Autrement dit, un scénario où la Fed poursuivrait jusqu’au bout son resserrement monétaire sans provoquer un ralentissement de l’économie américaine plus marqué que celui observé ces derniers mois. Un contexte qui serait idéal pour permettre aux marchés actions de retrouver de l’allant sur des fondamentaux sains.
Rédaction achevée le 5.9.2022
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