Par Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Echiquier
En ressortant à +0.5%, l’indice des prix à la consommation américain « CPI » du mois de janvier a bousculé les marchés mercredi 12 février. D’abord parce que ce chiffre est très nettement au-dessus de la moyenne des estimations du consensus des économistes qui s’établissait à +0.3% seulement. Mais aussi parce que ce chiffre se situe au-delà de la plus haute des anticipations. Avec une hausse des prix de 3.0% sur un an glissant en janvier, en progression constante depuis septembre, l’espoir de faire rentrer le génie de l’inflation dans la lampe semble s’éloigner de nouveau. Faut-il pour autant s’inquiéter d’une seconde vague d’inflation, à l’image de la fin des années 70 ?
Pas si sûr. En effet, janvier est traditionnellement le mois où les économistes se trompent le plus fréquemment. Pourquoi ? Pour deux raisons principales : d’abord parce que les données de janvier sont polluées par une révision des pondérations du panier témoin de consommation, ensuite parce que le Bureau of Labor Statistics réajuste les effets saisonniers en fonction de l’année précédente rendant l’exercice particulièrement difficile en début d’année. Depuis 2022, janvier a donc systématiquement été le mois où le consensus a le plus sous-estimé la hausse des prix. Et sur l’indice des prix à la production, les chiffres sont plus éloquents encore. Puisque sur 10 ans, l’anticipation s’est révélée sous-estimée 9 fois en janvier ! Cet effet « premier mois de l’année » est donc a priori transitoire.
Néanmoins la publication de cette donnée a entrainé en quelques instants une hausse brutale sur le taux à 10 ans américain – en hausse de 14 points de base – et une baisse de -1% sur les actions du S&P 500. Pourtant, rapidement les marchés ont su raison gardée. Dès le lendemain, l’intégralité de ces mouvements se sont inversés alors que le chiffre de la hausse des prix à la production était du même acabit que celui des prix à la consommation : en hausse et au-delà des estimations. Surprenant au premier abord mais logique en poussant l’analyse un peu plus loin.
Les prix à la production ont subi le même effet de pollution saisonnier que ceux à la consommation. Aussi, une partie de ses composantes rentre dans le calcul de l’inflation PCE, boussole de la Fed mais dont la publication a lieu plus tard dans le mois. Et justement, ces composants sont plus faibles qu’attendu, laissant présager un chiffre du PCE raisonnable. Enfin, ce scénario d’ensemble sur les prix, est en phase avec la posture de la banque centrale américaine. Traditionnellement les marchés financiers sont fébriles lorsque qu’ils craignent que la Fed soit « behind the curve », c’est-à-dire en retard sur un cycle de resserrement ou à l’inverse de desserrement. Mais à l’heure actuelle, il semble que ce risque ne plane pas. Jerome Powell ayant une approche prudente et fermement indépendante face à l’immixtion politique de la nouvelle administration Trump. Quand la Fed a un coup d’avance, les marchés avancent.
Opinion rédigée le 14 février 2025
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