Faut-il « remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie » ?

18 janvier 2015

Faut-il « remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie » ?

Le 7 janvier dernier, le Conseil fédéral a recommandé de rejeter l’initiative populaire « Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie ». L’initiative sera soumise au vote du peuple le 8 mars 2015. Déposée le 17 décembre 2012 par le Parti Vert-Libéral, l’initiative prévoit l’introduction d’une taxe sur les énergies non renouvelables et, en contrepartie, la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le Conseil fédéral approuve l’objectif de l’initiative, qui consiste à miser sur des taxes d’incitation pour atteindre, sur le long terme, les buts définis en matière de politique climatique et énergétique.

D’ailleurs, en 2013, le Département fédéral des finances a présenté un rapport sur un système d’incitation fiscale en matière énergétique. Actuellement, les travaux en la matière continuent. Cependant, selon le Conseil fédéral, il ne convient pas de supprimer la TVA. La raison derrière ce rejet est claire : la TVA constitue, avec plus de 22 milliards de francs par année, la principale source de recettes de la Confédération ; une taxe sur l’énergie ne parviendra pas à atteindre ce montant.[1]

Même si les taxes sur l’énergie, communément appelés « écotaxes » ou encore « taxes vertes », sont devenues de plus en plus populaires dans les dernières années, elles ont commencé à être perçues dans plusieurs Etats à partir des années 90. Ces taxes ont un but « incitatif », qui signifie qu’elles visent à réduire la consommation d’énergie des contribuables. Pas très connues jusqu’en 2008, ces taxes prennent de l’importance de jour en jour, surtout en raison de l’évolution alarmante du réchauffement climatique. Plusieurs Etats, de la Chine aux Etats-Unis, ont adopté des taxes sur l’énergie au cours de cinq dernières années.

Il existe plusieurs types de taxe sur l’énergie. Celles qui sont les plus souvent utilisées sont la taxe d’émission et la taxe sur le charbon (ou des sources d’énergie similaires).[2] La taxe d’émission consiste à prélever une taxe en fonction du dommage causé à l’environnement par le contribuable concerné. Dans le même esprit, la taxe sur le charbon, ou d’autres sources d’énergie comparables, est une taxe proportionnelle à la production du dioxyde de carbone lors de l’utilisation de ces sources d’énergies.

Force est de constater que les biens soumis aux taxes sur l’énergie sont beaucoup plus limités que les biens, ainsi que les services, frappés par la TVA. Cette différence s’explique par le but visé par ces deux « taxes »[3]. La TVA est un impôt perçu sur la plupart des biens et des services consommés en Suisse. Sa raison d’être est de frapper le consommateur afin de générer des recettes. Elle ne vise pas à dissuader les consommateurs d’acheter les biens ou les services concernés, ce qui serait d’ailleurs contraire à son but. Tandis que les taxes sur l’énergie visent à réduire l’utilisation de certaines sources d’énergie d’une manière considérable. Raison pour laquelle, elles sont uniquement perçues sur des sources concernées. L’esprit de ces deux impôts est ainsi complètement différent. Par conséquent, d’un point de vue purement fiscal, il ne convient pas de remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie.

Faut-il « remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie » ?D’un point de vue économique, il existe un écart considérable entre les recettes générées par ces deux « taxes ». Ceci est essentiellement dû au fait que la TVA trouve un champ d’application beaucoup plus large par rapport aux taxes sur l’énergie. En outre, afin de trouver un compromis entre les différents acteurs, les Etats tendent à opter pour des taux assez bas en matière de taxes sur l’énergie. A souligner que, ce phénomène ne réduit pas seulement les recettes mais aussi l’effet incitatif de ces dernières.

Certes, l’implémentation des taxes sur l’énergie a un impact considérable sur la charge fiscale des contribuables. Contrairement à l’opinion générale, ces taxes n’affectent pas seulement les grandes entreprises mais aussi les ménages, surtout ceux à faible revenu. Afin d’atténuer cet effet indésirable, les Etats peuvent procéder à la réduction d’autres impôts. Par exemple, la Suède a opté pour la réduction des taux des impôts sur le revenu et sur le bénéfice. Il serait également envisageable de réduire le taux de la TVA dans ce cadre.

Les Etats disposent aussi d’autres moyens pour réduire le recours à certaines sources d’énergie. Toujours dans le cadre fiscal, à la place d’une nouvelle taxe, des mesures ciblées peuvent être introduites dans des systèmes d’impôts déjà existants. On pourrait songer à ne pas permettre la déduction des frais de déplacement en cas d’utilisation d’un véhicule privé en matière d’impôt sur le revenu.[4] Une autre méthode, très fréquemment utilisée, consiste à octroyer un certain nombre de certificats d’émission aux agents pollueurs. Par ce biais, l’Etat fixe un quota d’émission de substances toxiques pour chaque agent. Les agents qui émettent moins de substances toxiques de ce qui est permis par leurs certificats, disposent d’une possibilité de vendre leurs certificats non utilisés aux autres agents. Dans la plupart des Etats européens, tels que les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Angleterre, cette transaction est soumise…à la TVA !

Alara Efsun Yazicioglu, Consultante pour le magazine Le Monde EconomiqueAlara Efsun Yazicioglu, Consultante pour le magazine Le Monde Economique et Tax and Sports Law Expert


[1] https://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=55839.

[2] A souligner qu’il existe déjà plusieurs taxes écologiques en Suisse.

[3] La TVA est un impôt et pas une taxe comme son nom l’indique.

[4] Jeffrey Owens, Environment and Taxation: Mutually Reinforcing Policies in Bulletin for International Taxation, Vol. 47, N.12, 1993, p. 709.

 

Recommandé pour vous