Photo François Vassard – Co-fondateur de la plateforme Working Safe
Interview de Sabrina Lavaux & François Vassard, Co-fondateurs de la plateforme Working Safe)
Le Monde Economique : Face à l’épidémie de Covid-19, on assiste depuis quelques mois a des initiatives de solidarité sans précèdent. La plateforme Working Safe est un des nombreux exemples. Comment est né ce projet ?
Sabrina Lavaux : François Vassard, CEO du Groupe Yucca a proposé aux managers de Hr-by-Yucca (hr-by-yucca.com) de réunir un collectif d’experts (spécialistes de l’Hospitalité, des RH – formation, micro learning – et de la Communication Digitale) pour un projet solidaire, à but non lucratif visant à soutenir un des secteurs les plus lourdement touchés, l’hôtellerie-restauration. C’est un secteur d’activité que nous connaissons bien et aimons, et dont la réouverture allait représenter un symbole de qualité de vie retrouvée. La mission du groupe projet était d’accompagner les professionnels pour mettre en place la meilleure sécurité possible.
Le Monde Economique Personne ne dispose de tous les leviers pour changer la société du jour au lendemain. Pensez-vous que des initiatives telles que la vôtre peuvent être considérées comme des petits feux qui s’allument dans l’obscurité ?
François Vassard : C’est la même chose que pour le réchauffement climatique et le développement durable : si chacun attend que ça vienne des autres, rien ne bougera jamais. Chaque initiative individuelle, même mineure, peut faire avancer les choses. Et je pense que nous vivons une époque de nombreuses ruptures, dans laquelle nous devons repenser beaucoup d’idées reçues, comme par exemple la différence entre l’expérience client et l’expérience collaborateur. Les deux sont intimement liées. L’exemple de notre site Working Safe montre bien qu’il ne peut pas y avoir de succès sans la participation active de tous.
Le Monde Economique Ce projet, développé en plein confinement, est le fruit d’un travail collaboratif à distance. Que tirez-vous de cette expérience ?
Sabrina Lavaux : En fait un énorme enrichissement en termes de compétences. Bien sûr, nous savions déjà tous plus ou moins utiliser des outils comme Skype avant le confinement. Mais souvent c’était simplement, comme avec What’s App, pour échanger des messages, des photos, ou pour retrouver la famille en live sur un anniversaire. Là nous avons dû apprendre à gérer un projet complet, de A à Z, à distance, dans une petite équipe répartie entre la Bretagne, le Centre, Rhône-Alpes et Genève. Un bel apprentissage sur le tas de la gestion digitale de projet.
François Vassard : Outre cet aspect technologique – dont l’apprentissage est finalement assez rapide si l’on est déjà habitué à travailler sur ordinateur – il y a toute une dimension humaine de relation sociale, de codes conversationnels, de respect des opinions, d’écoute… En l’absence de comportemental physique et gestuel, on apprend de nouveaux décodages. Il y a des pertes de temps, mais compensées par beaucoup plus de flexibilité, notamment dans les horaires de disponibilité. Pas de temps perdu dans les embouteillages ou transports en commun.
Le Monde Economique Il est évident que pour vous, l’intelligence collective a été un fantastique levier pour libérer la créativité, générer de l’engagement et accroître vos performances. Pourquoi ce mode de fonctionnement est-il peu exploité en entreprise ?
François Vassard Je crois qu’il ne faut pas minimiser dans cette aventure l’effet « initiative solidaire ». Personne ne nous a demandé de développer Working Safe, on n’a pas reçu de bon de commande, de délais, de cahier des charges. A la différence d’un travail « normal », nous avons réellement vécu une démarche d’intelligence collective : tout s’est construit en marchant, dans une démarche – pour utiliser le vocabulaire à la mode – très « agile ». Il n’y avait aucune hiérarchie établie, chacun a apporté ses idées, ses commentaires, ses critiques. Et ça a permis d’aller vraiment très vite !
Le Monde Économique Ce projet a été mis au point pour répondre à un besoin spécifique durant la pandémie du COVID-19. Doit-on conclure que sa durée de vie est limitée dans le temps ou une autre utilisation est possible ?
François Vassard : Oui…et pour tout dire nous aurions tous préféré, de très loin, ne pas avoir à vivre cette pandémie dramatique et ne pas avoir à développer Working Safe. Il n’y avait pas de stratégie initiale derrière cette aventure collective, juste le besoin de répondre à un besoin humain. Comment pouvait-on espérer que des dizaines de milliers de collaborateurs dans une industrie aussi diverse que l’hôtellerie-restauration puissent apprendre aussi rapidement tant de notions nouvelles ? Les autorités et associations professionnelles ont rempli, dans l’urgence, leur mission : celle de négocier et d’édicter des directives. Dans ce contexte très particulier du COVID, nous avons fait notre métier à nous : transformer grâce aux outils digitaux des procédures en supports de communication et de formation facilement utilisables par des managers au milieu de leurs équipes. Je suis persuadé qu’après la fin de cette pandémie, ce savoir-faire trouvera beaucoup d’autres champs d’expression.
https://www.hr-by-yucca.com/
https://workingsafe.net/
Interview réalisée par Thierry Dime
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