Fusion-acquisition (M&A) : l’expérience salarié comme facteur de sécurisation des opérations

22 août 2024

Fusion-acquisition (M&A) : l’expérience salarié comme facteur de sécurisation des opérations
Par Par Xavier Broseta*

Les opérations de cession, d’acquisition ou de fusion sont bien souvent peu favorables pour l’expérience salarié. Elles sont décidées pour des raisons stratégiques liées au business, financières ou encore juridiques, ce qui est bien naturel. Le chapitre des ressources humaines est souvent réduit à ses coûts (payroll) et à l’examen de la conformité des contrats de travail et d’éventuels contentieux en cours.

Les dimensions culturelles et managériales et les politiques et pratiques RH – toutes choses qui font l’expérience salarié – ne sont généralement pas abordées. Au surplus, l’opération est source d’incertitude et anxiogène pour les salariés : les explications détaillées sur le projet ne peuvent être données que tard dans le process ; certains salariés (dans une proportion variable mais parfois élevée) ont d’importants enjeux personnels (maintien dans l’emploi, place et rôle dans la future organisation…). Certaines opérations créent des sentiments d’injustice du fait du traitement salarial très différencié dont elles s’accompagnent. Enfin, la petite histoire rencontre souvent la grande. Les sentiments des salariés peuvent être alimentés par des aspects et avantages de leur vie quotidienne qui peuvent paraitre anecdotiques, mais auxquels ils craignent de devoir renoncer sans savoir comment ils seront remplacés.

Un travail sur l’expérience des salariés pendant les différentes phases du process permet d’aplanir certaines de ces difficultés. Une présentation du projet aux salariés et à leurs représentants aussi rapidement que possible dans le process sera perçu comme une marque de respect et de confiance du management et des nouveaux actionnaires. Cette présentation doit notamment permettre d’expliquer les motivations du projet, les changements à venir et l’impact potentiel sur les salariés. Elle permettra de repérer les soucis et préoccupations des salariés. Certains pourront être traités, ce qui permettra à la fois de réduire des difficultés et d’augmenter le capital confiance. Autre avantage : elle permet aux salariés d’appréhender la teneur réelle du projet, alors que les périodes de M&A sont souvent propices à la circulation des rumeurs les plus déconnectées de la réalité. L’angoisse collective qui apparait parfois diminuera donc. Chacune et chacun pourra aussi réfléchir à son propre avenir en disposant de l’information appropriée. Vos chances de retenir les salariés-clés s’en trouveront grandement améliorées.

Lors d’une fusion ou acquisition, le chapitre des ressources humaines est souvent réduit à ses coûts (payroll) et à l’examen de la conformité des contrats de travail et d’éventuels contentieux

L’organisation d’un soutien professionnel et émotionnel aux salariés est aussi fort utile. Une façon d’y parvenir est de mobiliser la fonction RH et les lignes managériales, qui devront avoir été rassurées sur leur propre sort au préalable, et qui devront être tenues informées des avancées du projet. Ce soutien peut aussi s’accompagner de la mise à disposition des salariés de moyens pour les aider à s’adapter rapidement au nouveau contexte. Il peut s’agir par exemple d’un petit guide de découverte de la nouvelle entité, de contacts organisés avec les nouveaux collègues ou encore de formations pour aider et soutenir les salariés.

Améliorer l’expérience des salariés peut aussi passer par une opportunité qui leur est donnée de participer à la construction de leur nouvel environnement, en proposant des idées ou en bénéficiant de certaines marges d’autonomie, par exemple sur leurs nouvelles conditions de travail. Lorsque cela est approprié, les associer à la décision ne pourra que favoriser la transition et le dynamisme du nouvel ensemble.

Enfin, la question de la reconnaissance du travail accompli et de sa récompense est aussi critique pour la réussite du projet et pour la rétention des talents. Celles-ci sont souvent très concentrées sur un petit nombre de dirigeants. Or, la contribution de chacun dans la transition doit être reconnue, financièrement mais aussi symboliquement. Au-delà, la question d’un partage juste de la valeur créée doit être sérieusement traitée. S’il apparait normal que les dirigeants bénéficient d’incitations fortes, il faut aussi assurer un partage plus large de la valeur créée, à travers d’outils comme un programme de profit sharing ou de distribution d’actions gratuites.

Cette question du partage de la valeur fait partie d’un champ plus large de questions sur la RSE qu’il est important de prendre en compte également.

* à propos de l’auteur

Fort de plus de vingt années d’expérience en tant que Directeur des Ressources Humaines (DRH) dans de grands groupes internationaux tels que Canal+, Bolloré, et Air France KLM, Xavier Broseta possède une vaste expertise en gestion des talents et en développement organisationnel. Parallèlement, il a partagé ses connaissances en enseignant pendant plus de 15 ans à La Sorbonne et 8 ans à Sciences Po Paris. Aujourd’hui, il co-dirige SYNCHRO, un cabinet de conseil qu’il a fondé avec Laurent Rebischung, où il met à profit son expérience pour aider les entreprises à innover et à harmoniser leurs stratégies RH avec leurs objectifs commerciaux.

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