Depuis la pandémie de Covid-19, un changement (bien que faible) a été observé dans les habitudes de travail des frontaliers. Beaucoup, à l’instar de Pierre-Alain, physiothérapeute de 48 ans, ont choisi de revenir en France pour poursuivre leur carrière, mettant l’accent sur la qualité de vie plutôt que sur le salaire. Ce phénomène est particulièrement perceptible dans des régions frontalières de Genève.
Traditionnellement, environ 110 000 travailleurs frontaliers français se rendaient quotidiennement à Genève, entraînant souvent des embouteillages massifs, en particulier à la frontière de Bardonnex. Les difficultés de transport, le stress engendré par les trajets quotidiens et les longues heures de travail semblent avoir diminué l’attrait des avantages financiers offerts par une carrière en Suisse. Pierre-Alain, par exemple, souligne que bien que son salaire aurait pu être plus que doublé à Genève, la qualité de vie qu’il expérimente maintenant en France – y compris plus de temps passé avec ses enfants et la possibilité de prendre des jours de repos en semaine – n’a pas de prix. Il affirme que ses conditions de travail en France sont plus favorables, malgré les salaires potentiellement plus élevés en Suisse. « L’intérêt strictement professionnel est, dans mon cas, meilleur en France. En Suisse, on ne vous parle pas toujours bien, mais avec le salaire qu’on vous donne, vous êtes invité à sourire en retour ! », explique-t-il.
Cette tendance suggère un rééquilibrage des priorités professionnelles, où la qualité de vie commence à primer sur les avantages financiers. Cela pourrait avoir plusieurs impacts économiques et sociaux. D’une part, cette migration de travailleurs qualifiés vers la France pourrait stimuler l’économie locale grâce à un accroissement de la consommation et une meilleure répartition des compétences professionnelles. Les régions frontalières françaises pourraient voir une hausse de la demande dans certains secteurs, conduisant potentiellement à une augmentation des opportunités d’emploi et à une dynamisation de l’économie locale.
D’autre part, cela pourrait entraîner une certaine pression sur les services publics et les infrastructures locales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et des transports. Sur le plan social, ce phénomène pourrait favoriser un meilleur équilibre travail-vie personnelle, influençant positivement la santé mentale et le bien-être général. La réduction du temps de trajet et du stress associé pourrait également avoir des effets bénéfiques sur la qualité de vie, permettant aux personnes comme Pierre-Alain de passer plus de temps avec leur famille et de s’engager davantage dans leur communauté locale.
Il est important de noter que cette tendance ne remet pas en cause l’attractivité de la Suisse en tant que destination professionnelle. En effet, le nombre de travailleurs frontaliers à Genève a continué d’augmenter en 2023. Cela suggère que, malgré le changement de priorités de certains, la Suisse reste un pôle économique majeur attirant les travailleurs français.
En 2023, Genève a enregistré une augmentation du nombre de travailleurs frontaliers, avec près de 110 000 frontaliers étrangers actifs dans le canton, selon les dernières données de l’office cantonal de la statistique. Cette statistique consolide la position de Genève en tant que canton suisse le plus prisé par les travailleurs frontaliers. La persistance de cette attraction témoigne de la robustesse et de l’attractivité économique de la Suisse, malgré les tendances migratoires inverses observées chez certains travailleurs. Le franchissement de la barre des 100 000 frontaliers en 2022 n’était que le début d’une trajectoire ascendante, reflétant la capacité de la Suisse à maintenir son statut de pôle d’emploi majeur, attirant une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée de la France et au-delà. Cette situation met en lumière le dynamisme du marché du travail suisse et sa capacité à s’adapter et à rester compétitif dans un contexte économique mondial en évolution.
Retrouvez l’ensemble de nos articles Emploi & Carrière