Photo Jean-François Lagasse © Deloitte
Sur le marché de la gestion de fortune internationale, la Suisse défend sa position de leader : selon une nouvelle étude de Deloitte, la Suisse reste le pays qui attire le plus l’argent des clientes et clients privés internationaux. La Suisse reste également en tête du classement en termes de compétitivité. Mais son avance sur ses concurrents s’amenuise, et le pays doit s’améliorer dans divers domaines s’il entend conserver sa position à long terme. La réputation de « havre de sécurité » dont jouit la Suisse, soutenue par un système économique et financier stable et fiable, a considérablement pâti de l’effondrement du CS, la deuxième plus grande banque suisse, en mars 2023. Parallèlement, la modification du paysage réglementaire et fiscal international peut parfois conduire à des conditions de concurrence inégales.
Selon la cinquième édition de l’étude International Wealth Management Centre Ranking (IWMCR) de Deloitte, qui compare les centres de gestion de fortune du monde entier à la fois sur la base de leur taille et de leur compétitivité, la Suisse conserve sa place de leader, et ce dans les deux catégories. Avec un volume d’actifs internationaux de 2’200 milliards de dollars, la Suisse reste le premier centre de comptabilisation au monde. Toutefois, son avance s’amenuise peu à peu : la Suisse est en effet talonnée par le Royaume-Uni, qui arrive en deuxième position avec seulement 8 milliards de dollars d’écart. La troisième place est détenue par les États-Unis.
En 2023, les actifs gérés dans le monde représentaient au total 10’100 milliards de dollars, soit 2,9% de plus que l’année précédente. Toutefois, le volume du marché international est relativement stable depuis 2018. En revanche, la répartition a changé : alors qu’il y a quatre ans, près de 24% de ces actifs étaient gérés en Suisse, ce chiffre est tombé à près de 21% en 2023. Sur cette période, les grands perdants en termes de parts de marché sont le Panama et les Caraïbes, tandis que le Royaume-Uni et les États-Unis ont gagné du terrain et gèrent désormais chacun près de 21% des actifs mondiaux.
La Suisse se classe également première place en termes de compétitivité. Singapour et les États-Unis s’octroient respectivement la deuxième et la troisième place du podium. La Suisse et Singapour confirment ainsi leurs positions dans le haut du classement depuis la dernière étude, qui date de 2021. Les États-Unis font désormais partie du top 3, passant devant le Royaume-Uni, qui recule à la cinquième place. Grâce à sa position de force dans des domaines clés tels que les infrastructures, les droits de propriété et la protection des données, la Suisse affiche une meilleure compétitivité que ses concurrents. Toutefois, des développements récents, notamment les conséquences du rachat du Credit Suisse par UBS ou encore les ajustements fiscaux et réglementaires, menacent de grignoter la compétitivité du premier centre mondial de gestion de fortune, un titre toujours détenu par la Suisse.
« Le modèle d’affaires de la gestion de fortune internationale est sous pression. Nous estimons toutefois que les actifs internationaux demeureront un moteur important pour le secteur financier de la Suisse, sous réserve que celle-ci s’inscrive davantage dans un agenda international en faveur d’une réglementation prudente, ce afin de renforcer la stabilité du secteur financier sans entraver la croissance. Cela suppose que l’autorité de surveillance financière suisse s’emploie à mettre en œuvre ces règles internationales avec pragmatisme afin d’éviter d’imposer un fardeau trop lourd à la branche de la gestion de fortune », déclare Jean-François Lagassé, responsable du secteur gestion de fortune au niveau mondial et responsable du secteur des services financiers chez Deloitte Suisse.
La Suisse reste le centre de gestion de fortune numéro un et de premier choix pour les clientes et clients d’Europe et du Moyen-Orient en particulier. Mais la stabilité du marché économique et bancaire de la Suisse a été ébranlée par l’effondrement du Credit Suisse en 2023, lorsque de gigantesques sommes d’argent ont été retirées par les clients en l’espace de quelques jours. Depuis cet événement, les flux d’actifs en provenance de l’Europe et du Moyen-Orient ne se sont pas complètement rétablis. À cela s’ajoute le fait qu’un certain nombre d’atouts concurrentiels uniques de la Suisse – cadre fiscal avantageux, stabilité politique et économique, sécurité juridique et neutralité – ont vu leur importance ou leur poids reculer au cours de ces dernières années. La Suisse a ainsi perdu en attractivité pour les clientes et clients bancaires internationaux fortunés.
Le rattrapage marqué des États-Unis, par exemple, s’explique avant tout par la très bonne qualité de leurs gestionnaires de fortune, conjuguée à leur position de leader dans le domaine de l’intelligence artificielle et à la solidité de leur marché des capitaux. Le fait que les États-Unis ne respectent pas certains accords internationaux en matière de réglementation et de fiscalité les place par ailleurs dans une situation plus favorable sur les plans réglementaire et fiscal que d’autres centres de fortune internationaux qui, eux, respectent ces accords. En revanche, les États-Unis sont plutôt mauvais élève en matière de stabilité financière, sachant que plusieurs petites banques ont dû se déclarer insolvables et que leurs exigences en matière de fonds propres sont peu rigoureuses.
Tandis que les actifs financiers mondiaux ont connu une hausse de 4,4% sur les dix dernières années, la gestion de patrimoine internationale, quant à elle, cède du terrain. La part des actifs internationaux est passée de 5,3% en 2013 à 3,7% aujourd’hui. À l’avenir, les gestionnaires de fortune mondiaux vont orienter encore davantage leur stratégie sur les activités domestiques. En effet, les activités bancaires domestiques gagnent du terrain par rapport aux activités internationales, car l’offre correspondante est non seulement de plus en plus mature et sophistiquée, mais aussi comparativement plus accessible.
Le rapport de Deloitte cite les priorités claires qu’il convient d’établir pour éviter à la Suisse de se faire rattraper et distancer par la concurrence. « La Suisse doit concentrer ses efforts sur le développement de son cadre réglementaire de manière à garantir sa stabilité financière tout en maintenant les conditions de la croissance, ce afin de tourner la page du Credit Suisse et de rétablir la confiance », affirme Jean-François Lagassé. « Pour défendre leur position de leader sur le marché mondial à long terme, les gestionnaires de fortune suisses doivent investir dans la transformation numérique et optimiser leur efficacité opérationnelle », ajoute-t-il.
L’avenir de la gestion de fortune mondiale dépendra des progrès technologiques, des changements réglementaires, des risques géopolitiques, des mutations économiques et des évolutions démographiques. « Tandis que les places financières comme le Royaume-Uni seront durablement en butte à des défis de compétitivité, les États-Unis, Hong Kong et Singapour devraient être en mesure de s’affirmer comme des locomotives potentielles du marché », commente Patrik Spiller, responsable du service Wealth Management Industry chez Deloitte Suisse. La pression sur la Suisse face à cette concurrence va continuer de s’accroître. Patrik Spiller : « Pour conserver son avantage concurrentiel, la Suisse doit adapter ses stratégies internationales et orienter ses efforts vers de nouvelles améliorations réglementaires, une baisse de la charge administrative et une accélération du rythme de l’innovation. »
À propos duDeloitte Wealth Management Centre Ranking
Pour la cinquième fois (2013, 2015, 2018, 2021 et 2024), Deloitte a analysé et classé les principaux centres de gestion de fortune mondiaux sur la base de leur compétitivité et de leur taille (volume d’actifs gérés au niveau international). On entend par centres de gestion de fortune internationaux des pays ou des juridictions qui se sont spécialisés dans une large mesure dans la gestion des actifs et l’accompagnement de clientes et clients privés du monde entier. Le rapport se fonde sur la base de données de private banking de Deloitte et sur un modèle d’analyse qui s’appuie sur les données brutes et des indicateurs financiers de prestataires tiers.
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