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Dans la bouche d’un membre du directoire de la BCE, ces paroles ont de quoi surprendre. Pourtant, elles ont bien été prononcées par Fabio Panetta la semaine dernière, non pas sous les stroboscopes d’une boîte de nuit, mais lors d’une conférence en ligne de l’université Bocconi de Milan, situation sanitaire oblige.
En plus de rendre hommage au duo Daft Punk qui vient d’annoncer sa séparation, son message a pour but d’illustrer clairement la trajectoire que va prendre la politique monétaire de la BCE dans les trimestres à venir. Elle est limpide : “The harder we push to close the output and inflation gaps, the better the outlook for the euro area economy. And the faster we get there, the stronger our growth potential will be.”[1]. Autrement dit, ce ne sont pas les craintes de poussées inflationnistes ici ou là qui risquent de retourner la posture accommodante de la BCE à moyen terme.
Pour preuve, l’institution estime que les prix à la consommation sont plus de 10% en-dessous de la trajectoire qui cible de +2% par an dans la zone euro depuis la création de la monnaie unique, là où les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont réussi à atteindre cet objectif presque parfaitement. Sur le PIB, le fossé s’est également creusé entre la croissance potentielle et la croissance réelle depuis de longues années. L’écart est, encore plus marqué depuis un an : la BCE estime que depuis 2008, la croissance réelle a été de 14% inférieure à la croissance potentielle, dont 6% dus à la crise Covid. Voilà pourquoi la banque centrale juge nécessaire une action plus forte – « harder » – afin d’ancrer des meilleures – « better » – anticipations dans l’esprit des acteurs économiques. Enfin le rythme de convergence doit aller plus vite – « faster » – et a également toute son importante pour une reprise plus puissante – « stronger » -.
Pour atteindre cet objectif, la BCE a déjà déployé une palette d’outils, notamment le PEPP (Pandemic Emergency Purchase Program). Cette enveloppe conjoncturelle a été portée à 1850 milliards d’euros en décembre dernier. Elle lui permet d’acheter des dettes gouvernementales pendant encore 2 ans pour garantir un financement des dépenses budgétaires à moindre coût, voire à taux négatif pour les Etats les plus sûrs. Comme l’a rappelé Christine Lagarde, elle est avant tout destinée à garantir des conditions financières accommodantes et à éviter une fragmentation de la zone, c’est-à-dire un renchérissement des conditions de financement pour les Etats les plus fragiles. Mais si la question d’un contrôle explicite de la courbe des taux a jusqu’ici toujours été écartée par la BCE, la désynchronisation entre la zone euro et les Etats-Unis tant sur la croissance que l’inflation, pourrait rapidement faire évoluer la BCE sur ce point et lui permettre de contenir l’épidémie de hausses des taux qui émerge des Etats-Unis et commence à se répercuter sur les taux européens.
Harder, Better, Faster, Stronger, ce refrain risque bien de devenir cette petite musique entêtante dans l’esprit de la BCE et des investisseurs. Rendez-vous à Francfort le 11 mars prochain pour une première répétition.
Par Clément Inbona, Fund Manager, LFDE et Olivier de Berranger, CIO, LFDE
[1] https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2021/html/ecb.sp210302~b618d33987.en.html
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