Entre tant d’autres choses, la crise du coronavirus nous a rappelé une vérité qu’en temps normal nous avions tendance à ignorer, exclusivement tournés que nous étions vers les paramètres extérieurs de notre être et à la vision de nous- mêmes comme de créatures monolithiques, faites d’un seul bloc, lui-même parfaitement compact et homogène. La pandémie virale des derniers mois nous a brutalement ramenés à notre être intérieur, et encore non pas celui de l’âme ou de l’esprit, mais à celui de notre physiologie interne, cellulaire et plurielle, fourmillante, foisonnante et très, très complexe.
Nous avons soudainement pris conscience que chacun de nous renferme en lui tout un univers de petits êtres qui mènent une vie à eux, qui circulent, travaillent, se reproduisent, poursuivent des guerres, combattent des intrus (ou en sont combattus) et dont le fonctionnement, pris dans son grand et pullulant ensemble, assure notre propre existence physique, physiologique et même psychique. Tout ce microcosme de cellules, de mini-corps et d’anti- corps, d’agents de différents types auxquels on doit bien ajouter lesdits « intrus » – les virus, les bactéries, les bacilles, les parasites – a soudainement pris de l’importance à nos yeux et nous avons réalisé combien, par notre mode de vie dans le monde « externe » et les décisions prises à un niveau mental, nous pouvons à notre tour influer sur la bonne marche du petit univers que nous portons en nous.
Certes, avec le coronavirus, nous avons tendance à nous intéresser avant tout aux « méchants » et aux imposteurs pénétrant dans l’univers invisible de notre organisation interne et y causant des dégâts. Mais les microorganismes sont-ils toujours des « méchants » ? Portent-ils toujours la maladie ? Bien sûr que non. Et si c’est vrai que la nocivité de la grande partie des virus ne peut être niée (surtout pas aujourd’hui, c’est certain!), il est tout aussi vrai que celle des autres « nomades» microscopiques, les bactéries, est loin d’être aussi universellement maligne.
Des travailleurs invisibles qui transforment des substances et déclenchent des processus utiles.
Pour commencer, il y a des bactéries qui ne sont pas si « nomades » que cela, qui vivent dans notre organisme et y jouent un rôle bénéfique. Quant à celles qui vivent à l’extérieur, responsables, pour certaines, de graves maladies infectieuses, une bonne partie d’elles peuvent également être des agents bienfaisants dont l’utilité est scientifiquement attestée et dont le rôle est sollicité dans différents domaines de la vie et de l’activité humaines. Boosteurs de processus comme la catalyse, la fermentation et la fertilisation, ces « bons microorganismes » sont largement utilisés dans l’agriculture, l’agro-alimentaire, la production hydraulique (le traitement des eaux sales) et dans bien d’autres domaines.
Qui, en effet, ne connaît le rôle des bactéries lactiques dans la production d’un des éléments les plus essentiels de l’alimentation contemporaine – le yaourt ? Ensemble avec d’autres agents bienfaisants et efficaces, celles-ci font partie des « probiotiques », microorganismes vivants qui, d’après la définition de l’OMS, « administrés en quantité suffisante, ont des effets bénéfiques sur la santé ». Le yaourt et les laits fermentés, le kéfir, le fromage, la choucroute crue, les cornichons, les olives contiennent ces « bonnes bactéries » qui ont le don de rééquilibrer la flore intestinale, de renforcer le système immunitaire et de lutter contre les intrus dans notre organisme que sont les virus et les parasites.
Quant au yaourt lui-même, son lien avec la longévité accrue, voire avec la tendance générale à la prolongation de l’espérance de vie – tendance dont les débuts coïncident avec ceux de la consommation en masse dudit yaourt – ce lien n’est plus à démontrer. Comme quoi, il existe vraiment des microorganismes qui, contrairement au coronavirus, péril perfide pour la santé et facteur d’une récession économique, contribuent au bien-être de l’homme et à plénitude de la vie humaine.
Bénéfique à la santé, leur activité est également avantageuse pour l’économie.
Oui, leur activité contribue, à sa façon, à la bonne marche de l’économie aussi. Car à part dans l’industrie alimentaire, les « bons » microorganismes sont utilisés, comme on l’a dit, dans bien d’autres secteurs économiques : dans l’agriculture, des bactéries dites « de solubilisation du phosphate » contribuent au processus de fertilisation, dans le secteur de l’hydraulique, d’autres mini-agents efficaces interviennent pour traiter les eaux usées en en dégradant les substances organiques… Certaines bactéries ont même le don de recycler. Des études récentes démontrent que Chromobacterium violaceum, Delftia acidovorans, Gluconobacter oxydans et Cupriavidus metallidurans (on n’en a décidément pas fini avec les noms imprononçables !) peuvent soustraire des métaux précieux contenus dans les appareils high- tech et aider au recyclage des déchets électroniques dont la quantité se monte annuellement à 50 millions de tonnes.