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Par Nicolas Pelletier, Investment Manager – US Equity, SRI & Impact Investing, chez Reyl
Le monde fait face à de nombreux défis : l’augmentation des conflits géopolitiques qui provoque des migrations massives et déstabilise l’accès aux matières agricoles et aux sources d’énergie, l’explosion démographique dans certains pays en développement, les difficultés d’accès à l’éducation pour tous, les inégalités, le chômage et la pauvreté. Selon l’ONU, 1,2 milliard de personnes (soit 15 % de la population mondiale), vivent avec moins d’un dollar par jour et 4 milliards (61 % de la population mondiale), avec un revenu de 365 à 3 000 dollars par an[1]. Enfin, peut-être le plus urgent, le changement climatique engendre la montée du niveau de la mer et l’accroissement des catastrophes naturelles qui bouleverseront la nature et la biodiversité. Ces défis ne seront pas sans conséquence sur les années à venir, générant notamment de nouvelles tensions sociales. Nos activités ont des implications de plus en plus profondes et globales qui impactent la planète, les océans, notre climat, nos villes et assurément nos vies.
Le travail effectué par les gouvernements, les organisations d’aide au développement et les ONG y contribue dans une large mesure. Cependant, ce n’est pas suffisant. Il faut passer à la vitesse supérieure car le temps presse. Les besoins d’investissement sont colossaux, le déficit annuel de financement se chiffre à plus de USD 1,7 trillion selon les estimations de l’OCDE[2]. La participation du secteur privé à ces changements est une évidence : l’investissement à impact est l’une des réponses nécessaires à la résolution de ces enjeux pour favoriser l’éclosion d’une économie à faible intensité carbone et plus inclusive socialement. Les investisseurs à impact ciblent les entreprises dont les modèles d’affaires sont fondés sur des technologies durables, une santé abordable, une éducation équitable, une agriculture responsable, une consommation et des énergies propres. À titre d’exemple, l’entreprise Scatec Solar, cotée en Norvège, fournit de l’énergie solaire à des prix attractifs. Ainsi, elle a un double impact positif sur le climat et sur les populations défavorisées. Cette société est présente dans de nombreux pays dont une partie de la population est pauvre, tels que le Rwanda, le Mozambique, l’Egypte, l’Afrique du Sud et la Jordanie. En 2021, elle a généré des revenus de plus de 470 millions d’euros et un résultat de 29 millions d’euros[3]. Son travail est reconnu par la Banque mondiale et de nombreuses banques de développement.
S’il est indispensable de mieux mesurer les impacts de nos investissements sur le réchauffement climatique à travers les émissions de CO2 ou de méthane, il devient nécessaire de mesurer leur impact sur la société, la nature et les humains. Les outils, les bases de données et les normes comptables s’améliorent progressivement. Aux Etats-Unis, l’International Sustainability Standard Board (ISSB) et en Europe, le European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) contribuent à améliorer la qualité des données des entreprises. Plusieurs acteurs font aussi bouger les lignes à l’instar du Global Impact Investing Network (GIIN) avec sa méthode IRIS+, l’ONU avec les SDG Impact Standards ou encore la Banque mondiale et l’IFC avec les principes pour l’investissement à impact, ratifiés par plus de 150 gérants d’actifs[4]. Enfin, la règlementation doit progresser, le marché n’arrivant pas toujours à s’autoréguler. La mise en place de labels et de nouvelles lois s’impose, comme la nouvelle taxonomie européenne, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) adoptée en 2021 et applicable aux banques, ou encore les nouvelles règles mise en place par les COP successives.
La Suisse est un des pays leader de l’investissement à impact social avec un véritable écosystème : siège européen de l’ONU, organisations internationales spécialisées, ONG, fondations, acteurs de la microfinance et de l’investissement à impact, banques privées, gérants de fortune et investisseurs institutionnels. Les défis posés par le développement durable, notamment le changement climatique, la préservation de la nature et le respect de la dignité humaine, sont appelés à bouleverser notre manière d’investir, aussi bien en Suisse, en Europe qu’aux Etats-Unis. Les investissements à impact social, fondés sur une analyse intégrant des objectifs à long terme, sont une nécessité au cours des prochaines décennies. Ils ne sont pas une mode, plutôt une prise de conscience de la responsabilité de chacun. Nous sommes tous acteurs de ce changement quelle que soit notre position dans notre entreprise ou notre organisation. Même si nous avons l’impression que ce que nous faisons n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, ensemble, ces gouttes d’eau forment les océans.
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[1] Source : Sustainable Development Report, United Nations, 2021 (https://www.un.org/sustainabledevelopment/poverty/)
[2] Source : OCDE, Measuring Distance to the SDG Targets, 2020 (https://www.oecd.org/newsroom/covid-19-crisis-threatens-sustainable-development-goals-financing.htm
[3] Source : Scatec, Annual report, 2021 (https://annualreport2021.scatec.com/wp-content/uploads/sites/10/2022/03/Scatec-Annual-Report_2021-.pdf)
[4] Source : IFC, Operating Principals for Impact Management Signatories, 2022 (https://www.impactprinciples.org/signatories-reporting)
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