Incapacité de travail insignifiantes et délai de congé

23 août 2017

Incapacité de travail insignifiantes et délai de congé

En principe, quel est l’effet d’une incapacité de travail pendant le délai de congé ? Quel seuil l’incapacité de travail de l’employé doit-elle atteindre pour que le délai de congé soit prolongé ? La présente contribution a pour objet d’analyser les effets d’une incapacité de travail de très courte durée survenue durant le délai de congé, en particulier à la lumière de la pratique genevoise.

Monde Economique : Quelle est la problématique fondamentale de l’Incapacité de travail et délai de congé ?

Me Philippe Eigenheer : Lorsqu’un employeur résilie un contrat de travail, il arrive fréquemment que l’employé produise un certificat médical attestant une incapacité de travail durant le délai de congé. Selon le Code des Obligations (ci-après CO), cette incapacité de travail a souvent pour effet de reporter la date de fin des rapports de travail. L’art. 336c al. 1 let. b CO prévoit qu’ « [a]près le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputable à la faute du travailleur, et cela durant 30 jours au cours de la 1re année de service, durant 90 jours de la 2e à la 5e année de service, et durant 180 jours à partir de la 6e année de service ».

« Le congé donné pendant une des périodes prévues à l’alinéa précédent est nul; si le congé a été donné avant l’une de ces périodes et si le délai de congé n’a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période »(art. 336c al. 2 CO). Selon la jurisprudence, même un jour de maladie peut suffire à justifier la suspension du délai de congé et donc le report de l’échéance du contrat. Toutefois, si l’atteinte à la santé s’avère tellement insignifiante qu’elle ne peut en rien empêcher le travailleur d’occuper un nouveau poste de travail à l’échéance du délai de congé ordinaire, l’art. 336c al. 2 let. b CO ne s’applique pas.

Monde Economique : Quelle est l’application de ces principes à Genève ?

Me Philippe Eigenheer : La Cour de justice de la Chambre des prud’hommes du Canton de Genève a récemment dû se prononcer sur le cas d’un employé licencié au mois de mai 2014 pour le 31 juillet 2014. Pendant le délai de congé, l’employé n’est pas venu travailler à quatre reprises, soit les 9, 23 et 28 juin, ainsi que le 18 juillet 2014, faisant valoir divers empêchements (indigestions, douleurs dentaires, etc).

Invoquant l’art. 336c CO susmentionné, l’employé a fait valoir que son délai de congé était reporté et que son contrat avait pris fin le 31 août 2014 et non pas le 31 juillet 2014, raison pour laquelle il réclamait le salaire pour le mois d’août à son employeur. L’employeur ayant refusé de payer le salaire du mois d’août 2014 à son employé, ce dernier a décidé de porter le cas devant les Tribunaux genevois. Les juges ont constaté que les maladies alléguées par l’employé ne justifiaient pas une absence prolongée de plusieurs jours.

En relevant par ailleurs qu’aucun certificat médical n’avait été produit, la Cour de justice a estimé que les absences de l’employé relevaient de la convenance personnelle et, surtout, n’empêcheraient en rien l’employé d’occuper un nouveau poste de travail à l’échéance du délai de congé. Les juges cantonaux ont ainsi considéré que les incapacités de travail de l’employé étaient « insignifiantes » et ne méritaient pas la protection offerte par l’article 336c CO. La fin du délai de congé n’avait ainsi pas à être reportée au 31 août 2014.

Conclusion

Dans cet arrêt, la Cour de justice s’est référée à la volonté du législateur afin d’interpréter l’article 336c CO. En constatant que le travailleur, à l’issue de son délai de congé, allait parfaitement pouvoir occuper un nouveau poste de travail dans la foulée, ses incapacités de travail ont été qualifiées d’ « insignifiantes » et ses prétentions ont été rejetées. On peut ainsi retenir que lorsqu’un employé se prévaut, durant le délai de congé, d’une incapacité de travail insignifiante, cette dernière n’a pas pour effet d’empêcher le salarié de retrouver un emploi à la fin du délai de congé et ne le reporte donc pas.

L’avis de Me Philippe Eigenheer

Avocat, Associé – DGE Avocats

 

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