Photo © Olivier Evard
Alain Canonica – Senior Manager pour FCG Private Finance SA
Monde Économique : Certains experts estiment que la prévoyance professionnelle est encore ancrée dans les années 1980, caractérisée par une rigidité qui ne répond plus à la réalité sociétale. Partagez-vous cet avis ?
Alain Canonica : Oui, absolument. Les rentes de la LPP et de l’AVS devaient garantir le maintien du niveau de vie à la retraite et couvrir environ 80 % du dernier salaire brut. Lors de sa mise en place en 1985, la LPP devait répondre à un besoin urgent de capitalisation pour les futurs rentiers disposant de peu d’années de cotisations, pour leur permettre de se constituer un capital destiné à financer leur retraite. Un taux de cotisation d’épargne élevé a été fixé par les autorités : 15 % du salaire assuré (épargne totale, employé et employeur) pour les 45 ans et plus, puis 18 % dès 55 ans. Si l’on prend en considération que ces classes d’âge sont celles qui touchent les salaires les plus importants, les charges d’assurances sociales pour l’employeur sont depuis toujours très élevées.
Dès les années 1995, ce coût important a d’ailleurs engendré des vagues de licenciements pour les personnes de 50 ans et plus, une tendance qui s’est accentuée ces dernières années !
Pour garantir une rente élevée à la retraite, l’épargne était capitalisée avec 4 % de rendement annuel, ce qui était possible à l’époque sans prendre de risque, en tenant compte des taux des obligations qui pouvaient aisément garantir cela. Puis, en 2003, ce taux a été abaissé à 3,25 %, avant d’enregistrer des baisses successives pour atteindre un taux plafonné à 1 % depuis le 1er janvier 2017. Dans ces circonstances, une personne arrivant à la retraite se retrouve ainsi avec un capital nettement plus bas, soit 35 à 40 % de moins.
De plus, l’espérance de vie ayant augmenté, le taux de transformation du capital en rente de retraite a été réduit, passant de 7,2 % à 6,8 %. Or, le législateur essaye de réduire ce taux à 6 % depuis plus de 10 ans. En réalité, il faudrait abaisser ce taux aux alentours de 4,5 % pour garantir le financement des rentes à long terme, les personnes vivant nettement plus longtemps aujourd’hui.
Cela fait donc très longtemps qu’on aurait dû repenser la LPP en modifiant successivement les taux de cotisations de retraite. Cela ne pouvant pas se faire en une fois, il faudrait planifier sur 10 à 15 ans. Le problème ne sera pas résolu en mettant en œuvre les propositions actuelles qui suggèrent d’augmenter les taux de cotisations pour les jeunes de 7 à 9 % et de réduire ceux des personnes âgées de 45 ans et plus à 14 %, même avec une déduction de coordination plus basse et donc avec un salaire assuré plus élevé, et encore moins en faisant cotiser les jeunes dès 20 ans au lieu de 25 ans, car les jeunes gagnent moins et une grande majorité d’entre eux font encore des études ou le service militaire à ces âges-là… Toutefois, cette solution serait un premier pas dans la bonne direction, et il faut le faire, ou bien adopter un modèle similaire échelonné dans le temps.
Monde Économique : Le 25 septembre dernier, le peuple suisse a accepté la réforme AVS 21, assurant ainsi le financement du 1er pilier jusqu’à l’horizon 2030. Après des décennies de statu quo, peut-on dire qu’une première étape majeure a ainsi été franchie pour l’assainissement des caisses de prévoyance ?
Alain Canonica : Je suis heureux que ce vote soit enfin passé, même si ce fut de justesse.
Les rentiers qui ont fortement voté contre, ainsi que les personnes avec de bas revenus, sont pourtant ceux qui en profiteront le plus, avec des rentes de retraite garanties dans le futur. À l’issue de ce vote, on a parlé de « diktat » des cantons riches et des partis bourgeois dans la presse. Je m’insurge en lisant cela, car le problème est un problème mathématique et démographique qui va au-delà de ces stigmatisations politiques.
Si l’on mettait une fois en avant que les « riches » sont ceux qui cotisent sur l’entier de leur salaire sans plafond, et ainsi financent les rentes des « moins riches », on comprendrait aisément que ces « bourgeois » et cantons riches votent contre la réforme AVS 21 ; et pourtant, ils ont voté pour, car d’une part c’est social, et d’autre part, c’est une nécessité. Déjà, en 1990, l’OFS prévoyait que les chiffres de l’AVS seraient dans le rouge en 2025, et il avait totalement raison. Ce vote était donc nécessaire pour garantir les rentes des futurs rentiers. Avec 1 million de rentiers supplémentaires dans les 10 années à venir et seulement 500 000 jeunes entrant dans la vie active, le calcul est vite fait.
À court terme, un réel problème subsiste pour les salariés de 50 ans et plus
Pour mieux sensibiliser la population, il faudrait non seulement plus de débats de qualité à la télévision (comme en Suisse alémanique), mais aussi intégrer des spécialistes en prévoyance dans le débat, non issus de partis politiques. Ce sera nécessaire si l’on veut enfin pouvoir adapter la LPP et que cette adaptation soit approuvée par le peuple. Les politiciens défendent malheureusement trop le point de vue de leurs partis et ils sont souvent trop loin des réalités du terrain et des chiffres : ils se livrent davantage à des monologues qui apportent finalement souvent peu d’informations concrètes aux téléspectateurs, quelle que soit la classe de la population qui suit ces débats.
Monde Économique : Désormais, il ne sera plus question d’âge ordinaire de la retraite, mais d’âge de référence. Quel est l’impact de ce changement pour les personnes concernées ?
Alain Canonica : Il faut comprendre la situation dans son ensemble. À court terme, un réel problème subsiste pour les salariés de 50 ans et plus, pour les raisons évoquées plus haut. Différentes études montrent clairement que, dans le futur, les employeurs devront faire appel à des rentiers pour garantir le bon fonctionnement de leurs entreprises, en raison du manque de main-d’œuvre qualifiée qui va affecter encore plus fortement la Suisse dans les quinze prochaines années, pour de simples raisons démographiques. Dès lors, à moyen terme, les salariés auront un travail jusqu’à leur retraite. Et une réduction du taux d’activité professionnelle les dernières années me semble une très bonne idée, car cela permet, d’une part, de s’habituer à reprendre des activités en dehors du travail avant de prendre sa retraite, et d’autre part, de préserver sa santé, tout en bénéficiant de rentes pleines ou plus élevées au moment de la retraite.
Monde Économique : Que doivent savoir aujourd’hui les personnes en activité pour préparer au mieux leur retraite ?
Alain Canonica : Il faut passer par la case épargne et opter pour une solution offrant une rentabilité attractive ! Il faut tenir compte de l’inflation et donc de l’augmentation des coûts de la vie, et cela semble plus difficile pour de nombreuses personnes, comme nous le voyons tous les jours sur le terrain. Malheureusement, peu de personnes prennent le temps de faire le point sur leurs finances. Certes, en automne, on constate des mouvements d’assurés à la recherche de primes d’assurance-maladie moins chères ; mais est-ce qu’une personne peut vraiment, quel que soit son corps de métier, devenir conseiller financier en quelques heures ?
Lorsque nous regardons l’ensemble de nos près de 25 000 clients, nous pouvons dire que pour près de 80 % des personnes visitées, nous avons trouvé des économies très importantes sur leur budget. La caisse maladie est l’un des sujets, mais l’assurance de base n’est qu’une toute petite partie des solutions qu’on peut éventuellement trouver soi-même en tapotant sur le net. Aujourd’hui, il faut scanner tous les postes du budget, notamment les loyers, les assurances non-vie, les hypothèques, la santé, les impôts et l’épargne. Seul un survol complet de ses finances permet de bénéficier d’économies et d’optimisations importantes, et il est également nécessaire de faire ensuite un check-up régulier.
Monde Économique : Les solutions d’épargne traditionnelles suffiront-elles pour couvrir une inflation qui s’élève en Suisse à plus de 3,5 % (plus haut niveau mesuré depuis 2008) ?
Alain Canonica : Clairement non. Les 3e piliers bancaires traditionnels offrent de 0 à 1 % de rendement, les comptes d’épargne encore moins, et les assurances-vie traditionnelles (pour les nouveaux contrats) ne permettent pas de couvrir l’inflation. Pour faire encore fructifier son argent et ne pas perdre en pouvoir d’achat, il est vraiment nécessaire de passer par des produits à haut rendement, avec une forte diversification offrant une très bonne sécurité de rendement sur le long terme.
Il est dorénavant indispensable de passer par la case épargne et opter pour une solution offrant une rentabilité attractive
Les produits ont tellement évolué ces cinq dernières années que des solutions accessibles à toutes les bourses sont disponibles sur le marché. Vu le nombre important d’acteurs sur le marché, il est nécessaire de faire une analyse précise de la situation financière et familiale ainsi que des besoins et des objectifs des clients. Opter pour la première plateforme de placement en ligne offrant des cadeaux pour attirer le client n’est certainement pas la meilleure option à choisir. En matière d’argent, un conseil éclairé a toujours un impact important sur la vie future de nos clients.
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