Alexandre Gaillard CEO InvestGlass
Monde Économique : La réflexion sur la souveraineté numérique devient aujourd’hui une préoccupation pour de nombreux pays, et la Suisse n’y échappe pas. Pensez-vous que les politiques n’ont pas encore compris la mesure des enjeux ?
Alexandre Gaillard : La liberté économique et la souveraineté numérique n’ont jamais été aussi liées l’une à l’autre. Ces trois dernières années, celles-ci ont été malmenées. Que de discours de pédagogues du renoncement ! En quelques semaines, nous avons adopté des scans de QR codes comme en Chine, et des prélèvements biologiques ont été envoyés à des sociétés inconnues sans aucun contrôle du partage de l’information.
Nos politiques se doivent de protéger notre souveraineté numérique. Ne soyons pas dupes : ni les GAFAM ni les BATX ne respecteront les souverainetés suisse et européenne. La puissance du digital ne repose pas sur des matières premières, alors réagissons ! La Suisse a des cerveaux, Internet a été créé à Genève, alors donnons naissance aux leaders du digital !
Monde Économique : Le « Cloud Act » adopté en mars 2018 par l’administration Trump confère aux autorités américaines le droit d’exiger des entreprises le transfert de données vers les États-Unis. Cela n’expose-t-il pas notre économie ? Si oui, quelles en sont les conséquences ?
Alexandre Gaillard : Cette loi et d’autres réglementations viennent violer notre liberté. Cette loi trouve sa genèse dans une perquisition ordonnée par le gouvernement américain qui visait à obtenir le contenu d’e-mails hébergés chez Microsoft hors des États-Unis, et plus précisément en Irlande…
La ratification du Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) change le cadre dans lequel nos informations sont protégées. En effet, le gouvernement américain peut ainsi perquisitionner les informations contenues dans les systèmes des sociétés basées en dehors des États-Unis. Certes, le droit suisse nous protège par le biais de l’article 271 du Code pénal, mais cela est-il suffisant ? Nous ne le pensons pas. Nos clients ont choisi InvestGlass, car nous avons construit une solution CRM en Suisse, hébergée en Suisse, avec un actionnariat suisse.
Monde Économique : Qu’est-ce qui fait la force d’une solution telle que la vôtre ?
Alexandre Gaillard : Notre force est d’offrir une solution CRM à un prix accessible, et modulable comme un Lego. Cela permet aux professionnels de la finance de créer et d’automatiser l’ensemble du cycle de vente avec une solution hébergée intégralement en Suisse. Un banquier équipé d’InvestGlass fait le travail de cinq banquiers.
Monde Économique : Lancer la fintech InvestGlass dans un canton tel que Genève a-t-il été un atout ?
Alexandre Gaillard : Genève est un magnifique canton ! Notre démarche est perturbatrice et a été accueillie de façon glaciale au début de notre aventure, il y a huit ans. Cependant, nous avons eu la chance de recevoir des soutiens bienveillants de sociétés du canton, comme Atlantis Marcuard, AWAP, l’Union Bancaire Privée et la Banque Syz, qui ont permis de transformer la startup en une société solide capable de rivaliser aujourd’hui avec les CRM américains.
Monde Économique : Votre aventure met en lumière un aspect fondamental de la posture entrepreneuriale, à savoir que l’entrepreneuriat est un apprentissage constant. Qu’est-ce qui a été déterminant pour vous ?
Alexandre Gaillard : Il s’agit d’une course de longueur, un marathon emtremêlé à des sprints. Cela me rappelle le marathon de Zermatt, une fois arrivée Sunnegga après 32 kil, vous dévalez une pente et devez garder un esprit clair et des jambes solides pour ne pas glisser. La résilience est le maître mot.
Notre objectif il y 8 ans était d’offrir le meilleur outil d’automatisation de la vente, le CRM made in Switzerland. La route fut longue et nous y sommes arrivés. Nous avons eu la chance d’être soutenu par une banque visionnaire tel qu’Arab Bank Switzerland, à l’instar de leur positionnement dans les actifs numériques depuis 2019, qui nous a fait confiance et qui nous a soutenu lors de ces deux dernières années.
Monde Économique : Comment voyez-vous l’évolution du marché des robo-advisors et quelles sont les perspectives pour InvestGlass ?
Alexandre Gaillard : Le marché de l’automatisation est en pleine croissance ! Notre robot est celui de la vente et pas seulement de la gestion du portefeuille. L’intelligence artificielle d’InvestGlass individualise le conseil pour chaque client. Cela est possible, car nous croisons en temps réel les informations de la connaissance du client, des stratégies de gestion et des opportunités de marché. Deviner qui appeler et quoi lui dire, c’est fini ! L’hyper individualisation permet d’augmenter la pertinence et la valeur de l’échange avec son client.
Monde Économique : Quels seront les nouveaux terrains de jeu à développer dans le futur en matière d’offres pour InvestGlass?
Alexandre Gaillard : La société a été créée en 2014 et il nous a fallu pas moins de quatre ans de recherche et de développement, afin d’obtenir une solution complète comprenant les 5 piliers de l’automatisation : l’ouverture de compte digitalisée, le logiciel de gestion clientèle CRM, la gestion du portefeuille PMS, le marketing automatisé et le portail client. Notre origine est la banque privée, mais nous travaillons également avec des assurances, des sociétés de food and beverage, des hôpitaux et des administrations publiques… Notre ambition est de conquérir le marché mondial du CRM depuis la Suisse !
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