Photos © Resilience Institute
Alexia Michiels – Associée au Resilience Institute
Dans le contexte du 21ème siècle, caractérisé par des changements rapides, des défis complexes et une incertitude croissante, la résilience n’est plus considérée comme un simple luxe, mais plutôt comme une nécessité impérieuse. Les individus et les organisations sont confrontés à des bouleversements économiques, technologiques, environnementaux et sociaux qui exigent une capacité d’adaptation, de rebondissement et de transformation. La résilience devient donc essentielle pour faire face à ces perturbations et s’épanouir dans un monde en constante évolution. Entretien avec Alexia Michiels, associée au Resilience Institute.
Monde Economique: L’édition 2023 du « Global Resilience Report » vient de paraitre. Quels enseignements peut-on tirer ?
Alexia Michiels: Ce rapport se base sur un diagnostic de résilience réalisé par 8.165 travailleurs dans le monde en 2022. Notre modèle évalue 60 facteurs humains, 30 forces (épanouissement, qualité du sommeil, concentration, empathie…) et 30 risques (inquiétude, fatigue, angoisse…). Le score de résilience a diminué sur l’ensemble de l’échantillon de 4% entre 2022 et 2021. Il atteint son niveau le plus bas depuis 2019. En 2022 l’écart entre les générations s’est creusé, en particulier chez les jeunes femmes.
Monde Economique: Par rapport aux autres tranches d’âge, ce rapport nous révèle aussi que la résilience chez les jeunes femmes de moins de 30 ans est à un niveau particulièrement bas. Comment cela s’explique-t-il ?
Alexia Michiels: Selon le rapport, 12 % des personnes qui ont fait le diagnostic sont à risque avec un score particulièrement bas. Si l’on regarde les jeunes femmes de moins de 30 ans, ce sont 21 % qui sont dans ce cas (14% chez le jeunes hommes). Le manque d’activité physique (dont on sous-estime les nombreux bienfaits entre autres sur la santé mentale), la qualité médiocre du sommeil, l’ennui, les ruminations ou encore le sentiment d’isolement sont des points d’attention. En revanche, les jeunes en général ont des scores très encourageants pour ce qui relève de l’empathie, la vitalité et la positivité. Nous avons noté depuis longtemps que la résilience tend à augmenter avec l’âge ; l’expérience et les épreuves de la vie nous renforcent. Le défi pour les jeunes est de mobiliser leurs ressources de résilience de façon intentionnelle et préventive : bien se connaître, apprendre à gérer la pression du quotidien, à créer du calme tactique et à réguler ses émotions sont des exemples de compétences de résilience qui sont devenues cruciales dans le contexte professionnel actuel.
Monde Economique: Quels sont les principaux défis auxquels les organisations sont confrontées en matière de résilience, et comment The Resilience Institute les aide-t-il à les surmonter ?
Alexia Michiels: Les compétences cognitives et techniques ne suffisent pas ou plus ; elles doivent être complétées par une activité qui a du sens ainsi des compétences humaines intra et interpersonnelles qui font la différence. C’est ce que nous entendons par « compétences de résilience » – un ensemble de compétences que l’on peut développer et qui permettent de réaliser des performances élevées tout en étant attentif-ve à soi, aux autres et à la planète. Au Resilience Institute, nous mesurons ces compétences grâce à un diagnostic permettant d’évaluer 60 facteurs humains et ainsi d’identifier le score de résilience d’une personne, d’une équipe ou de toute une organisation tel un indicateur clé (KPI). Selon les résultats, nous proposons des interventions ciblées (sur un sujet, ou sur une équipe) et nous suivons les progrès pour un impact dans la durée.
Monde Economique: Pouvez-vous nous expliquer en détail la méthodologie que vous utilisez pour développer les compétences physiques, émotionnelles et cognitives dans des organisations ?
Alexia Michiels: Nous utilisons un modèle très simple – la spirale de la résilience – qui illustre les phases difficiles par lesquelles nous pouvons tous passer (confusion, désengagement, retrait, vulnérabilité, détresse etc.) et les dimensions physiques, émotionnelles, mentales et spirituelles à activer pour cultiver la résilience avec succès. Nous insistons beaucoup sur les habitudes du quotidien, les comportements et les pratiques de résilience – tant au niveau personnel que collectif. Nous créons aussi un langage commun pour aborder ces sujets avec plus de fluidité et de confiance au sein d’une équipe.
Monde Economique: Quels sont les outils d’évaluation utilisés pour évaluer l’efficacité de vos programmes ?
Alexia Michiels: Nous réalisons un diagnostic de résilience en amont de toute intervention et ensuite à l’issue du programme réalisé. La progression moyenne du score de résilience est de 23%. C’est aussi très motivant de voir les changements simples, ajustements de comportements ou adoption de pratiques de résilience qui émergent au sein d’une équipe avec des bienfaits ressentis très rapidement.
Monde Economique: Comment envisagez-vous l’impact à long terme de votre travail ?
Alexia Michiels: Chaque entreprise, petite ou grande, doit aujourd’hui relever de nombreux défis en tenant compte du système complexe dans lequel elle évolue et en intégrant l’ensemble des parties prenantes. A l’heure des enjeux environnementaux, nous pensons que renforcer la résilience humaine est une étape indispensable pour rendre les organisations plus résilientes et ainsi mieux les équiper pour accélérer les transformations les plus urgentes. Notre ambition est d’accélérer la prise de conscience des leaders sur ces sujets, de mesurer la résilience humaine en générant des enseignements utiles pour les organisations et de contribuer ainsi à une planète plus résiliente.
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