Interview d’Alain Canonica – Managing Director – FCG Private Finance SA
Le Monde Economique D’après une étude publiée par Forbes Insights, les nouvelles générations devraient plébisciter davantage le numérique dans leurs échanges avec leurs gestionnaires de patrimoine. Les sociétés de conseil financier doivent-elles se réinventer ?
Alain Canonica : Il faut distinguer la technologie numérique utilisée pour simplifier le contact et le traitement des données, de celle prévue pour remplacer le conseil personnalisé à l’aide d’algorithmes. Cette dernière présente de réels risques car les résultats peuvent impressionner par la rapidité d’établissement de profils d’investissements à priori parfaits. Toutefois, l’algorithme ne sait pas lire entre les lignes ni interroger l’intéressé par des questions pertinentes, ce que ferait un conseiller financier. Laisser aux algorithmes décider comment investir son argent ou améliorer sa prévoyance, c’est exclure tout facteur humain, toute situation inattendue qui peut avoir des incidences sur son avenir financier.
Les compagnies d’assurance, banques et sociétés d’investissements investissent des sommes colossales dans le numérique de demain. Leurs objectifs sont clairement axés sur la gestion électronique au détriment du conseil individuel et personnalisé. Pour nous, cela signifie un positionnement encore plus important sur le marché car les clients sont de plus en plus demandeurs de conseils professionnels et préfèrent prendre leurs décisions avec une personne capable de comprendre leurs besoins, leur aptitude au risque, tous ces facteurs humains que le numérique n’est pas prêt à pouvoir remplacer.
Le Monde Economique De votre point de vue, la technologie des entreprises Fintech est-elle capable de repenser les services financiers/des assurances et de construire pour le client un portefeuille sur mesure ?
Alain Canonica : À ma connaissance pas encore et pas dans tous les cas. N’importe quel programmeur d’algorithmes vous confirmera que les résultats sont erronés pour un pourcentage non-négligeable de clients ! Avec des procédures innovantes et des puissantes capacités de calculs, les banques et assurances analysent les situations et les agissements des personnes. Ces informations sont ensuite utilisées dans le but de cibler des produits à leur proposer. Celui qui s’intéresse par exemple à de la nourriture pour bébé sur Internet, recevra une offre d’épargne enfants, c’est le fruit d’informations et de données traitées par l’intelligence artificielle. Pour un bon conseil, il faut connaître la durée, le montant qu’un client voudrait épargner et définir son profil d’investissement. Un client peut décider de se serrer la ceinture et d’épargner plus, l’algorithme ne peut pas intégrer ce facteur dans sa proposition. Est-ce que cela intéresse les Fintechs? Nous en doutons.
Les applications permettant d’avoir son portefeuille d’assurance sur son smartphone sont un sujet d’actualité également. Assez tentant de prime abord, l’App intégrera les données des assureurs avec un clic. L’utilisateur a souvent sans le savoir activé un mandat de courtage résiliant les mandats des précédents conseillers en assurance. L’exploitant de l’App recevra dès lors des encours de courtage sans rien faire. De plus, il a des données qu’il peut commercialiser pour son propre profit. Mais qui se cache derrière ces App: opérateur d’App, banques ou assurances qui ont participé à sa création ou l’ont cofinancée ? En tant que client, recevrai-je toujours des conseils personnels et corrects à l’avenir ou est-ce que ce seront les algorithmes qui s’en occuperont ? Pour moi, un grand nombre de Fintechs ou d’Insurtechs n’agissent pas de manière transparente et offrent à ce stade plus de désavantages que d’avantages en termes de conseils et de protection des données.
Le Monde Economique La société Financial Aspects Consulting offre ses services d’analyse de risque et de portefeuilles d’assurances aux PME, tandis que la société FCG Private Finance SA conseille sa clientèle privée. Quels sont les avantages pour les PME et les entrepreneurs indépendants qui désirent profiter de vos services ?
Alain Canonica : Notre analyse des besoins, des prestations et des incidences fiscales a pour but d’optimiser les dépenses liées aux contrats d’assurance pour l’entreprise. Notre soutien au RH permet de les décharger de toutes questions des employés en lien avec les couvertures d’APG, accident et de la LPP, comme par exemple pour un retrait LPP en cas d’acquisition d’un logement. Nous offrons aux employés nos conseils pour la négociation et le renouvellement de financement hypothécaire, de l’amortissement et pour des produits de retraite du 3ème pilier. Notre offre s’étend aussi aux produits d’assurances non vie et de protection de la santé. Pour les patrons et cadres supérieurs, nos spécialistes en prévoyance et patrimoine leurs offrent une attention toute particulière en raison de situations souvent plus complexes.
L’analyse du portefeuille d’assurances de l’entreprise est sans aucun engagement. Nous ne facturons pas nos services car notre rémunération est déjà comprise dans les primes nettes du client. Nous présentons ensuite les optimisations possibles sur l’ensemble du portefeuille d’assurance. De nombreuses entreprises n’exploitent pas totalement les potentiels d’optimisations prévus par la loi. Les résultats sont immédiats, nous décelons les économies possibles et préparons pour la société toutes les démarches administratives et le suivi jusqu’à leur mise en place, en fonction des échéances des contrats. Pour ne citer qu’un exemple, de nombreuses sociétés ne savent pas qu’elles peuvent créer des réserves sur les primes futures de la LPP, clôturer son bilan annuel avec un bénéfice lissé permet de réduite considérablement l’imposition. Autre exemple, certains de nos partenaires ont versé 3% sur les avoirs de prévoyance alors que la bourse plongeait fin 2018 et que certains assureurs supprimaient la garantie du paiement du taux technique prévu par la FINMA.
Un dernier exemple est celui de l’analyse des primes en matière d’APG Assurance de RC Pro, assurances de dommages et techniques car les différences de tarifs sont énormes et peuvent varier du simple au triple à couvertures égales. En 2018, un de nos clients a bénéficié de 52% d’économies sur ses primes, soit près de CHF 35’000.- d’économies. Les employés ont directement profité de ces économies, leur déduction pour la couverture APG a aussi été réduite. Depuis 2015, nous nous sommes également spécialisés dans le domaine médical, tels que cliniques privées, docteurs, cabinets médicaux et également pour les indépendants en général. Le fait d’être directement en contact avec les directions générales des sociétés d’assurances nous permet de mieux négocier les conditions pour nos clients et d’intervenir en leur faveur en cas de sinistres.
Le Monde Economique D’après un sondage de Credit Suisse et Tamedia, les trois principales préoccupations des Suisses sont la prévoyance retraite, les coûts de la santé le prix du logement. Qu’est-ce qui justifie ces préoccupations et quel est leur impact sur les entreprises et leurs employés ?
Alain Canonica : Je partage les inquiétudes des suisses. Pas besoin d’être économiste pour réaliser que le calcul du financement des retraites actuellement en vigueur ne tient plus la route. Au cours des 15 dernières années, plusieurs tentatives de révision de la loi sur le 1er et 2e piliers ont échoué soit au Parlement, soit à l’urne. Les partis politiques se comportent de manière irresponsable face aux plus grandes préoccupations des suisses en s’inquiétant davantage à leur part d’électeurs que de l’importance d’un remaniement majeur du système social. L’AVS et la LPP devaient permettre de garantir le maintien du niveau de la vie à la retraite (80% du dernier salaire, basé sur un taux de 4% des avoirs LPP). Depuis 2003, ce taux a baissé, il est à 1% depuis 2017. Vu que les politiques ont échoué, il est maintenant de la responsabilité individuelle des employés et des entrepreneurs de compenser cela. Avec des prestations LPP sur-obligatoires et une épargne retraite (3ème pilier), plus de 50% des suisses peuvent espérer maintenir un niveau de vie à la retraite correspondant à 70-80% de leur dernier revenu, alors qu’une importante partie de la population sera aux alentours de 50 à 60%. L’objectif de notre bilan de situation est d’exclure toute sur/double-assurance, de comparer les primes et prestations entre les différents assureurs dans le but, grâce aussi aux économies engendrées, de pouvoir permettre à nos clients de constituer une épargne à moyen et long terme (tels que pour la constitution d’un capital complémentaire à la retraite ou pour la création de fonds propres pour le financement d’un bien immobilier). Le potentiel d’épargne pour les clients entreprises ou particuliers est énorme, on parle de plusieurs milliers de francs par année, mais seul peu de clients s’engagent de leur propre chef dans une analyse de leur patrimoine. Le manque de temps, de connaissances, ou parce qu’une analyse a été effectuée récemment en sont souvent les raisons invoquées !
Prenons le 2ème sujet principal de préoccupation, l’assurance maladie. Nos conseillers aident les particuliers à épargner sur leurs primes. Un changement de caisse maladie ou de modèle de soins peut également être une solution. En changeant de caisse, une famille avec 2 enfants peut au mieux économiser entre 3 et 4000 francs par an. De l’argent qui peut être investi pour devenir propriétaire ou pour améliorer sa retraite, ce qui aura aussi pour conséquence un abattement fiscal conséquent.
Pour le 3ème sujet, la propriété, nos clients profitent d’un service qui regroupe l’analyse de la situation du client, de sa capacité financière pour l’obtention d’un prêt, de l’évaluation du montant qui peut être financé et de toutes les démarches de négociations sans engagement, (nous ne facturons pas de frais complémentaires pour notre analyse et nos conseils). Les derniers financements conclus par notre intermédiaire au mois d’avril ont permis à nos clients de bloquer le taux à 10 ans moins de 0.9%, avec dans certaines des solutions proposées, une possibilité de casser le taux sans pénalité en cas de vente de l’objet. Ces produits niches ne sont souvent pas connus par les clients avant de nous rencontrer.