Interview de Baris Melezoglu : Au Colony les clients ont le choix entre deux univers

27 février 2017

Interview de Baris Melezoglu : Au Colony les clients ont le choix entre deux univers

Monde Economique : Depuis plus de 15 ans les lounges bars fleurissent un peu partout en Europe. Qu’est ce qui peut expliquer un tel succès selon vous ?

Baris Melezoglu : Le succès des lounges bars s’explique en grande partie par le fait que ce sont des lieux propices à la détente. En effet, dans notre société actuelle les hommes et les femmes, quel que soit leur statut social, évoluent dans des univers professionnels souvent synonymes de compétition permanente, de solitude et de stress. Aujourd’hui pour de nombreux salariés, ces lieux font office de sas de décompression où ils peuvent venir faire un break en vue de réduire leur exposition au burn out. A la différence d’un bistrot classique, chez nous, tout est mis en œuvre pour que le client puisse bénéficier d’un dépaysement total. Quand il franchit la porte de notre établissement il doit se retrouver dans une ambiance sonore relaxante et au milieu d’un décor cosy qui l’invite au voyage. Suivant, son humeur, il peut s’isoler pour travailler, échanger avec les autres ou faire des rencontres. Au Colony les clients ont le choix entre deux univers. Une ambiance orientale avec notre bar à chicha, et une ambiance coloniale avec notre bar hispano cubain. Notre établissement est très fréquenté par les expatriés. Ils l’apprécient car c’est un lieu idéal pour rompre leur solitude, resauter ou obtenir de l’écoute.

Monde Economique : Certains professionnels affirment que la clientèle des lounges bars est peu fidèle à cause de sa trop grande sensibilité aux effets de modes. Etes-vous de cet avis ?

Baris Melezoglu : Le portefeuille de clientèle d’un bar de nuit se compose de deux groupes d’individus, les habitués et la clientèle de passage. C’est pour cela que contrairement à une idée reçue la clientèle rattachée à un fonds de commerce n’est jamais acquise ad vitam aeternam. Pour fidéliser ces deux segments de clientèle il faut constamment se rendre attractif. Pour atteindre un tel objectif il faut sortir de la routine et organiser régulièrement différentes animations qui vont susciter leur intérêt. En ce qui nous concerne nous organisons régulièrement des soirées Afterwork en semaine, au profit de la clientèle de bureau qui veut se changer les idées. Ce type de soirée leur convient parce qu’elle a le mérite de commencer tôt et de finir tôt. Leur succès repose à la fois sur le talent du disc-jockey mais aussi sur celui des barmans. Aujourd’hui ces derniers doivent maîtriser à la fois l’art de la mixologie et du flair. En sus de leur capacité à combiner différents ingrédients entre eux pour obtenir des cocktails procurant des sensations gustatives inédites, ils doivent être capables de créer une véritable attraction derrière leur bar, en jonglant avec divers objets comme les bouteilles, les verres ou les ustensiles à cocktails. De temps en temps pour agrémenter la soirée nous invitons des danseuses.

Monde Economique : A Lausanne comme dans d’autres cités, les faillites dans le secteur des métiers de bouche ne sont pas rares. Serait-il souhaitable d’instaurer un numerus clausus pour protéger ce secteur ?

Baris Melezoglu : On ne peut pas reprendre avec succès un bar ou un restaurant si on n’a pas des compétences en matière d’animation et de gestion. En sus de cela, le tenancier d’un établissement doit apprendre à écouter sa clientèle, afin de détecter les nouvelles tendances auxquelles elles seraient éventuellement sensibles. S’il n’a aucune de ces compétences, jamais la mise en place d’un numérus clausus ne sera pour lui un talisman contre l’échec. Les chauffeurs de taxi parisiens en savent quelque chose avec Uber. Selon moi, il faut faire preuve d’un minimum de lucidité et accepter l’idée que derrière tous ces grands bouleversements, se cachent un ou plusieurs problèmes dont la société a voulu nier l’existence. Depuis longtemps nous avons un gros problème en Suisse. Même si nous sommes réputés pour avoir des écoles hôtelières de renommée mondiale, il faut savoir que la qualité du service n’est pas toujours à la hauteur des attentes de la clientèle. A côté de cela, il faut que les décideurs économiques, ainsi que certains fournisseurs de service comme les régies, fassent un effort pour créer un environnement favorable à l’expansion des commerces de proximité. Par exemple les loyers pratiqués dans certains secteurs de Lausanne sont totalement déconnectés de la réalité économique car trop élevés. Par ailleurs il serait souhaitable que les futurs repreneurs soient mieux informés sur l’évolution des réglementations. Il n’est pas normal, comme on l’a vu récemment que le repreneur d’un restaurant se retrouve en difficulté, parce que personne ne l’avait informé de l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme.

Monde Economique : Nous savons tous que la reprise d’un bar est un exercice qui ne s’improvise pas. Comment vous êtes-vous préparé à cela ?

Baris Melezoglu : La création d’un établissement de bouche ne relève pas de l’improvisation car elle nécessite l’attribution d’une patente. Pour obtenir ce document il faut réussir à un examen qui se prépare dans le cadre d’une formation dispensée par GastroVaud. Au cours de cette formation on aborde toutes les disciplines qui permettent de gérer un commerce de bouche de manière légale, comme la comptabilité, le droit des affaires et le droit du travail. Outre ceci on suit également des cours sur l’hygiène, la législation sur les denrées alimentaires, la gestion de leur stockage et des déchets. Après la formation il faut chercher une affaire à reprendre et monter son plan de financement. Avant de conclure, par précaution il faut toujours mener sa propre étude de marché afin de réduire autant que faire se peut les risques liés à une reprise. Selon moi le plus compliqué dans un tel projet, c’est le recrutement d’une bonne équipe. Sans une équipe motivée, professionnelle et disciplinée on ne peut pas assurer la pérennité de son affaire.

Monde Economique : Parmi les nouveautés que vous comptez initier sous peu, il y a l’organisation d’évènements au profit des entrepreneurs. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans un tel projet ?

Baris Melezoglu : Quand on monte une affaire il faut savoir qu’on ne réussit jamais seul. A la base de la réussite d’une affaire il y a un homme ou une femme qui a su s’entourer de personnes non seulement compétentes mais aussi de bon conseil. Cependant nous savons tous que le manque d’expérience et de contacts fait que parfois, cet exercice peut déboucher sur des erreurs de casting. C’est pour éviter cela que j’ai décidé d’organiser ces rencontres. Leur but premier sera de faire en sorte que ceux qui y participeront gagnent du temps et créent entre eux un écosystème solidaire. Lors de ces events ils pourront aussi bien rencontrer d’autres professionnels avec qui partager leur expérience mais aussi se créer de nouvelles opportunités d’affaires. En cas de doute ou de coup dur, ils auront la possibilité de bénéficier du soutien de mentors qui mettront à leur disposition des informations pratiques qui leur permettront de surmonter leurs difficultés. L’existence de ce type de rencontres relève de la survie pour les entrepreneurs. En effet derrière chacun d’entre nous se cachent un individu qui a toujours besoin d’exemples positifs pour avancer et de conseils utiles pour assurer la pérennité de son affaire.

Le Colony Lounge Bar

Avenue du Théâtre 2,

1005 Lausanne

https://www.le-colony.ch/#

 

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