Interview de Christian Wenger: « L’octroi d’un cautionnement ne peut pas simplement se baser sur des chiffres »

4 octobre 2021

Interview de Christian Wenger: « L’octroi d’un cautionnement ne peut pas simplement se baser sur des chiffres »

Photo © Cautionnement romand

Interview de Christian Wenger Directeur de Cautionnement romand

Monde Economique : Les derniers chiffres du chômage sont bons et on observe un peu partout, des entreprises qui recrutent. Le rapport nous révèle également qu’il y aura encore quelques faillites, donc des pertes d’emplois, mais ce sera marginal. L’économie suisse est-elle effectivement tirée d’affaire ?

Christian Wenger : Certains secteurs d’activités ou certains types d’entreprises ne sont jamais vraiment tirés d’affaire. Nous pouvons dire, en revanche, que les perspectives économiques « globales » sont moins moroses qu’anticipées face à cette crise induite par le contexte sanitaire et que, peu importe le contexte économique, en tant que facilitatrice d’accès au crédit bancaire, notre coopérative continuera à soutenir les entreprises pour éviter la perte du savoir-faire et des emplois.

Monde Economique Dans les résultats globaux qui sont avancés, tout laisse à penser que tout va bien. Or la réalité est différente pour les micro-entreprises. Ne devrait-on pas faire une différence entre les grandes entreprises qui affichent de belles performances et les micro-entreprises qui peinent encore à voir le bout du tunnel ?

Christian Wenger : L’inégalité des moyens entre les microentreprises et les PME était préexistante à cette crise que nous traversons actuellement. Nous le constations dans notre quotidien. Trois quarts des entreprises que nous soutenons par le biais d’un cautionnement comptent moins de 10 employés.

Depuis mars 2020, en plus de notre rôle de soutien dans le financement bancaire aux PME, nous sommes également partie intégrante du programme des crédits COVID-19 dont la moitié des preneurs de crédits sont des microentreprises. Dans le cadre du suivi de ces dossiers en particulier, nous constatons qu’elles sont plus nombreuses à avoir des difficultés à se remettre des pertes parfois considérables qu’elles ont subies. Une attention plus particulière est nécessaire pour ces cas.

Tout au moins, la situation actuelle aura permis de diriger le projecteur sur ces petites entités qui jusqu’alors échappaient aux statistiques et leurs difficultés. Nous espérons que tous les acteurs économiques incluant les banques et autres bailleurs de fonds y seront sensibles.

Monde Economique : Vous êtes une entreprise non cotée, jeune, petite, vous détenez peu d’actifs tangibles ? Avec des caractéristiques semblables, il est encore difficile aujourd’hui d’obtenir un financement. Comment expliquez-vous cela ?

Christian Wenger : L’absence de chiffres, de garanties et de recul rendent l’analyse de ces cas difficile pour les banques. Elles sont, il ne faut pas l’oublier, soumises à une pléthore de directives et règles qui souvent font abstraction de l’élément humain ou de la réalité d’un marché spécifique. Notre analyse dans le cadre d’une demande de cautionnement prend en compte ces aspects ainsi que le potentiel qui en découle, ce qui nous permet souvent de débloquer des situations autrement sans issue et d’ouvrir la voie vers le crédit à ces entreprises.

Monde Economique : En Suisse, les micro-entreprises représentent près de 25% de notre économie. Pourtant, elles continuent à être marginalisées dans les prises de décisions. Est-ce un manque de lobbys ou d’organisation faitière pour les défendre ?

Christian Wenger : La défense de ses propres intérêts et la création tout comme l’entretien d’un réseau sont des activités énergivores. Contrairement aux plus grands acteurs économiques, les microentreprises n’ont tout simplement pas les ressources ni le temps à y consacrer. Un artisan travaillant seul préfèrera être « au four et au moulin » pour fidéliser sa clientèle plutôt que de faire du lobbying. L’amour du métier bien fait est souvent le moteur de ces entreprises aujourd’hui encore mal défendues. 

Monde Economique : Les micro-entreprises souffrent encore d’une certaine image de fragilité mais recèlent un potentiel non négligeable pour notre économie. Comment peut-on aider au mieux au financement de ces structures ?

Christian Wenger : En effet, les plus petites entreprises fournissent un quart des emplois en Suisse et sont une force créatrice considérable. Comme précédemment évoqué, le moteur d’une microentreprise est le plus souvent l’artisan qui exerce. Il est donc important de prendre en compte l’expertise, la motivation et les spécificités humaines de ce moteur.

Une analyse pour l’octroi d’un cautionnement ne peut donc pas simplement se baser sur des chiffres. L’échange et le dialogue entre l’entrepreneur, la banque et Cautionnement romand permet de déceler d’éventuelles fragilités d’un projet, de les évaluer et éventuellement de les compenser via la garantie que nous offrons à la banque par le biais de notre cautionnement.

Monde Economique : Le salut des micro-entreprises viendra-t-il de Cautionnement romand ?

Christian Wenger : Depuis notre création en 2007, nous avons soutenu 3073 entreprises touchant directement 27 800 emplois et permettant l’aboutissement de projets se montant à CHF 1.7 milliard.

Notre porte est ouverte à tout type d’entreprise, de la structure moyenne à la plus petite. Nous étudions et soutenons tout projet viable avec très peu de limites. Sans poser Cautionnement romand en sauveuse financière des petites entreprises, nous avons toutefois la prétention de contribuer à l’accès facilité au crédit bancaire et de pérenniser une économie suisse saine, durable et riche de microentreprises.

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