Interview de Christine Noiset, animatrice au sein de l’Atelier Da Vinci une structure lausannoise spécialisée dans la prévention du burnout.
Monde Economique : Pendant longtemps vous avez été physiothérapeute et pédagogue spécialiste de la dyslexie et puis un jour, vous avez décidé de vous consacrer à la prévention du burnout. Pourquoi une telle reconversion ?
Christine Noiset : Cette reconversion est due tout simplement au fait que pendant cinq ans, j’ai été moi-même victime de ce mal insidieux qu’est le burnout. Dans mon cas, les signes avant-coureurs se sont manifestés pendant une période de quatre ans durant laquelle j’ai été sujette à différents maladies ou accidents.
A cette époque, mon corps aspirait à faire un break et je restais sourde à ses appels, car ni moi ni mon entourage n’étions préparés à détecter les signes annonciateurs d’un burnout. Cette longue descente aux enfers ponctuée de souffrances psychiques et physiques s’est poursuivie jusqu’à ma chute finale. A ce point de rupture, je me suis retrouvée incapable de pratiquer mon métier de thérapeute. Ce que j’ai vécu comme une déchéance supplémentaire. A mon avis, mon burnout a eu plusieurs origines parmi lesquelles on trouve les problèmes scolaires de ma fille, dyslexique sévère et la dépression sévère qui a affecté deux personnes de mon entourage familial. A cela est venu s’ajouter d’autres facteurs que je qualifierai d’aggravants comme l’isolement social, l’absence d’appui familial et un emploi du temps très chronophage. Quand cette pathologie s’est déclarée, je vivais seule avec ma fille, en sus de la nourrir, de lui prodiguer des soins et de l’affection eu égard à son état, je devais faire marcher mon cabinet de pédagogue spécialiste de la dyslexie. Parallèlement à tout ceci, ma profession m’exposait à une surcharge émotionnelle importante vis-à-vis de laquelle je n’ai pas su prendre assez de recul. Mon subconscient était en permanence asphyxié par mes problèmes familiaux et professionnels. C’est ainsi que j’ai arrêté peu à peu de m’accorder du temps pour moi. J’ai commencé à me nourrir mal et à ne plus pratiquer de sport. Plus j’avançais dans le temps moins mon sommeil devenait réparateur. Petit à petit j’ai perdu toute confiance en moi et je suis devenue de plus en plus irritable. Je suis convaincue que si pendant cette épreuve j’avais rencontré un professionnel de la prévention du burnout, cela m’aurait permis de récupérer plus vite et surtout d’éviter de perdre mon travail et cinq ans de ma vie.
Monde Economique : La Suisse, est connue pour être le 3ème pays au monde où il fait bon vivre, et pourtant on y trouve de plus en plus de personnes souffrant du burnout. Comment expliquer un tel paradoxe ?
Christine Noiset : Ce paradoxe trouve son origine à mon sens dans le fait qu’en Suisse, comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, le facteur humain est de plus en plus mis de côté, au profit de la compétitivité. Nous vivons dans une société où les salariés ont désappris à dire non, pensant que cela leur évitera le chômage. Nombreux sont les dirigeants d’entreprises où les managers qui ne prennent pas en compte les limites physiques et mentales de leurs collaborateurs quand ils prennent des décisions. Que l’on soit salarié ou indépendants, on vit en permanence sous pression. Pour l’avoir vécu personnellement, le statut libéral exige lui aussi de faire sans cesse ses preuves pour être crédible. Sans oublier qu’à cela s’ajoute l’absence de « parachute », en cas de coup dur. En effet, le chômage nous est refusé et l’assurance invalidité (AI) est extrêmement restrictive en Suisse, même en cas de burnout. Comme facteur supplémentaire prédisposant au burnout, n’oublions pas le coût élevé de la vie, la pollution par le bruit, par les ondes électromagnétiques et la « malbouffe ». De plus, les statistiques prouvent qu’un suisse sur trois dort mal, comment être performant quand on ne dispose pas d’un sommeil réparateur. Nous vivons en Suisse dans un système de type Anglo-Saxon qui se distingue par l’isolement social et le manque de relations entre les citoyens et les Institutions. Le rituel aliénant « boulot-métro-dodo » est bien établi, les citoyens étouffent. Ces différents facteurs expliquent en grande partie le pourquoi du burnout dans un pays tel que la Suisse.
Monde Economique : Dans certains secteurs d’activité, les travailleurs sont plus exposés au burnout que dans d’autres. Que devrait-on faire pour résoudre ce problème de santé publique ?
Christine Noiset : En effet, le syndrome du burnout se rencontre plus fréquemment dans certains secteurs professionnels que dans d’autres. Je pense aux travailleurs sociaux, au personnel médical mais aussi aux personnes ayant peu de reconnaissance, comme c’est le cas dans le travail à la chaîne. Vous avez raison, le burnout est un réel problème de santé publique, il provoque l’absentéisme, des accidents, des maladies et aussi des ruptures familiales. Les statistiques inhérentes au divorce en apportent tous les jours la preuve. Cela démontre que notre société n’offre pas des conditions de vie acceptables aux couples et aux familles. A voir la situation actuelle, l’avenir de nos enfants est en jeu. Il est grand temps de mettre en place des conditions de travail plus humaines et d’apprendre aux citoyens à mieux gérer leur stress. Ce dernier point devrait déjà être enseigné à l’école. Dieu merci, aujourd’hui dans l’entreprise, on améliore les postes de travail à l’aide de l’ergonomie. Selon moi, il serait souhaitable de faire intervenir différents corps de métier au sein des entreprises, pour diminuer le stress et l’isolement des travailleurs. Parmi les professionnels auxquels on pourrait faire appel pour apaiser les salariés, il y a les sophrologues, les masseurs et les médiateurs. Il faut aussi insister sur l’importance du dialogue entre les employés et leur patron et entre les employés eux-mêmes. Pour être moins vulnérable au stress, il est recommandé de s’adonner à des activités qui mettent le mental au repos comme la relaxation, le sport, les ballades dans la nature, le jardinage ainsi que les activités artistiques.
Monde Economique : Certaines personnes victimes du burnout affirment que la guérison d’un tel syndrome d’épuisement professionnel relève d’une approche holistique. Partagez-vous cet avis ?
Christine Noiset : Je suis persuadée que le traitement et aussi la prévention du burnout repose sur une approche holistique de la personne en souffrance. En disant cela, je pense à la nécessité de tenir compte des dimensions physiques, psychologiques et émotionnelles du patient. Par ailleurs il est important, de partir du principe que chaque individu est unique et donc que les facteurs déclencheurs de la maladie sont différents pour chacun. Il est donc nécessaire de faire appel à des praticiens œuvrant de concert pour appliquer un traitement causal du burnout, doublé d’un traitement de fond. De là vient l’obligation de responsabiliser les personnes par des prises de conscience sur la justesse ou non de leur hygiène de vie et sur l’importance, dans certains cas, de changer radicalement de vie. Ces démarches efficaces vont à l’encontre de la dépersonnalisation du patient suite à la consommation, parfois à vie, de médicaments, tels que les antidépresseurs. De là, provient la nécessité de créer des groupes de soutien et de former la famille (ou un membre de celle-ci) au statut de proche accompagnant. Cela s’avère très utile pour la prévention et le soutien à la guérison du burnout. Par exemple, un époux pourrait amener sa conjointe surmenée à parler le moins possible des problèmes professionnels à la maison et à se ressourcer dans la nature. Il po
urrait aussi lui conseiller d’éviter de rester devant les écrans avant d’aller se coucher, et d’adopter la respiration en conscience.
Monde Economique : Chaque semaine, à Lausanne, vous organisez des ateliers de création libre et de détente, au profit des personnes stressées. En quoi ces rencontres sont-elles utiles pour prévenir le burnout ?
Christine Noiset : Le but de nos ateliers est d’apprendre aux participants à se déconnecter de leur stress quotidien. Nous leurs permettons de trouver ainsi une parenthèse de détente, de bien-être, dans leur vie souvent trop trépidante. Cet enseignement va leur donner une meilleure connaissance d’eux-mêmes et la capacité de s’octroyer une hygiène de vie améliorée. L’accent est mis sur la découverte dans la liberté des capacités créatives de chacun. Ceci dans le but de lâcher prise et de détendre le mental. Dans la pratique, je commence toujours par un moment d’accueil et d’échange entre participants. Ensuite, j’invite les « créateurs en devenir » à découvrir avec progression les outils de la Sophrologie Caycédienne et de l’autorelaxation. Cette dernière est très importante car elle leur permettra la détente dans leur vie quotidienne, en dehors des cours. Parmi ces outils figurent des exercices de respiration et de prise de conscience du corps dans la détente. J’y ajoute des techniques de programmation mentale positive. En général, je clôture cette première partie de l’atelier par la lecture d’un conte philosophique ou par des échanges de groupe autour de proverbes et de sentences. Ce rituel initial a pour but de mettre en éveil leur source d’inspiration ainsi que leurs capacités créatives. En seconde partie vient donc la sculpture libre de l’argile, sans jugement ni contrainte. J’introduis pendant celle-ci un espace de pause avec l’enseignement d’exercices de Brain Gym, véritables catalyseurs des capacités d’imagination. Nombreux sont les participants qui sont étonnés et émerveillés quand ils découvrent en eux des prédispositions artistiques inexploitées. Certains pensent même que cela relève du miracle, mais il n’en est rien. En libérant leur mental, ils ont réussi à aller chercher au plus profond d’eux-mêmes toutes les ressources nécessaires pour créer en liberté.
Atelier DA VINCI
Avenue Floréal 11
1006 Lausanne
Tel : 079 332 27 75 ou 076 387 17 00