Interview de Frédérique Berman-Solounias – Jewelry designer, founder of Frédérique Berman
Le Monde Economique : Diplômée en histoire de l’art à l’Ecole du Louvre, vous avez passé la première partie de votre carrière dans le négoce des tableaux et objets d’art. Tout récemment vous avez fait un virage à 360° en créant une marque de haute joaillerie qui porte votre nom. Qu’est-ce qui vous a décidé à changer de carrière ?
Frédérique Berman: Le déclencheur a été la naissance de mon deuxième fils en 2015. Le congé maternité a été l’occasion d’une profonde réflexion, puis d’un intense travail de conception de projet. Je me suis informée, formée, et…lancée.
Je portais ce métier en moi depuis l’enfance. J’ai toujours beaucoup dessiné, et j’étais fascinée par les pierres, les bijoux et leur histoire. Néanmoins ma famille avait souhaité me voir faire des études « sérieuses » : elles ont certes comblé mon goût pour l’art et l’histoire, et m’ont offert une première partie de carrière riche de formidables expériences.
Cependant je n’ai jamais cessé d’être connectée à l’univers du bijou, visitant des expositions, lisant beaucoup à ce sujet. J’ai finalement eu la chance de faire du négoce de bijoux anciens de collection pour l’un de mes clients amateurs d’art : la passerelle était évidente! Ce sont deux mondes connexes, et passer de l’un à l’autre a été pour moi non pas un virage, mais un mouvement aussi naturel que fluide.
Le Monde Economique Votre travail, profondément ancré dans la tradition joaillère, incorpore des matériaux et des techniques innovantes. Parlez-nous de votre dernière collection?
Frédérique Berman: L’une des beautés de ce métier est qu’on y utilise aussi bien des techniques multi-millénaires comme la cire perdue, que des technologies de pointe comme la conception et l’impression 3D, ou des matériaux innovants comme le titane. La grande variété des solutions techniques dont nous disposons permet une créativité quasiment illimitée, tout en garantissant une qualité d’exécution optimale.
Je travaille toujours sur plusieurs collections simultanément, et, de même qu’une mère ne peut choisir l’un de ses enfants, j’ai du mal à en favoriser l’une plus que l’autre!
J’aime beaucoup « Météo », une collection de broches-pendentifs « d’humeur » faite de nuages pluvieux et ensoleillés . La collection de boucles d’oreille « Soraya » en pierres de couleurs et perles dépareillées est aussi l’une de mes favorites.
L’un de mes lancements récents est « Aura » une collection de pendentifs, bracelets, bagues et boucles d’oreilles scintillants et colorés. Ces bijoux sont chargés d’un sens symbolique et spirituel puissant, mais sont également simples, gais, légers et faciles à porter.
Le Monde Economique Quel a été le point de départ de l’inspiration de cette collection ?
Frédérique Berman: La collection Aura est née de ma pratique de la méditation et du yoga (Je sais…on n’échappe pas aux tendances!). En expérimentant dans mon propre corps le concept de la circulation des énergies au travers des chakras, j’ai imaginé ces bijoux-talismans.
L’aura en diamants blancs symbolise le rayonnement protecteur que procure le bel alignement des chakras, lumineux et épanouis, représentés par les 7 pierres superposées. À la base, en rouge profond (parfois presque noir), le chakra-Racine.Au-dessus vient le chakra orangé du ventre, puis le jaune doré du plexus solaire, suivi du vert pour le cœur. Le bleu céleste pour le 5e chakra, celui de la gorge. Le bleu profond pour le chakra du front ou troisième oeil. Au sommet se trouve le 7e chakra, celui de la sagesse, ou conscience supérieure, traditionnellement illustré par le violet, le mauve pâle ou le blanc.
Le Monde Economique Après un ralentissement, la joaillerie s’inscrit depuis trois ans en forte croissance et promet, en ces temps de conjoncture turbulente, une solidité enviable. Comment une marque telle que la vôtre peut-elle se démarquer ?
Frédérique Berman: Mes clients apprécient mes bijoux pour leur côté classique, nuancé d’une légère dose de fantaisie. Ils aiment des pièces précieuses, chargées d’histoires et de sens, mais restant discrètes et faciles à porter.
Mon univers créatif est inspiré par l’art, le monde marin, et les symboles spirituels. Le luxe sans ostentation, la singularité sans excentricité, la préciosité sans trop de sérieux : voici ce qui me caractérise et me différencie.
Il me semble que dans un secteur certes concurrentiel, il y a de la place pour tous. Nous sommes à une époque où la conquête de visibilité peut être extrêmement rapide grâce au digital. La clef du succès commercial réside dans la manière de construire et de diffuser l’image de la marque. Marketing et communication sont donc les indispensables outils de réussite pour une jeune marque créative.
Mon ambition n’est pas de concurrencer les grandes marques établies, mais de développer un modèle économique plus léger, basé sur le digital et l’évènementiel plutôt qu’uniquement sur le retail traditionnel.
Le Monde Economique À quel type de femmes pensez-vous en créant vos bijoux ?
Frédérique Berman: Je pense à des femmes, mais aussi à des hommes et des enfants.
En effet je suis nostalgique des époque et des civilisations où les bijoux n’étaient pas réservés qu’aux femmes. Maharajahs, princes ou prêtres couverts de joyaux avaient belle allure… Je prévois une ligne pour hommes, ainsi qu’une collection destinée aux enfants.
Actuellement, la cliente-type est cadre ou entrepreneuse. Bien souvent elle s’offre ses bijoux elle-même. Eclectique et cultivée, elle porte du précieux mêlé à du « toc », de l’ancien et du contemporain.
Elle peut commander du sur-mesures localement, ou acheter en ligne sur un coup de cœur une pièce vue sur Instagram. Séduite par la rareté, la créativité, l’exclusivité, elle est sensible aux pierres, à la préciosité. Connaissant parfaitement les codes du luxe, elle n’en n’est pas esclave: elle privilégie l’allure plutôt que la marque, le style plutôt que le paraître, l’élégance vraie plutôt que la tendance éphémère.
Le Monde Economique Si une star devait porter vos créations, laquelle choisiriez-vous et pourquoi?
Frédérique Berman:Quelle question excitante!
Notre époque fait que la notoriété des marques passe par les réseaux sociaux et l’utilisation de l’image d’égéries et d’influenceuses.
J’ai eu la chance de faire poser pour mes bijoux la superbe et talentueuse Eleonor Picciotto, journaliste et fondatrice du site “The Eye of Jewelry”, qui commercialise également ma marque. Je la considère donc comme une parfaite égérie! https://theeyeofjewelry.com/store/
Cependant s’il fallait imaginer choisir une “star” au sens traditionnel du terme, deux options s’affronteraient : le Service Marketing suggérerait Rihanna, les sœurs Hadid, ou Beyoncé, pour une efficacité maximale…Alors que la Direction Artistique préfèrerait sans nul douté des égéries à l’image plus subtile telles que Vanessa Paradis, Isabelle Huppert, Sofia Coppola, Emma Watson, Julianne Moore, ou un garçon comme Thimothée Chalamet.
Enfin s’il est permis de rêver, à mon sens l’égérie ultime serait Rania de Jordanie, ou Maxima des Pays-Bas… une belle et élégante reine, tout simplement!
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