Photos © James Glassman
Interview de James Glassman Ambassadeur (retraité) Président de la Commission Internationale pour relancer la lutte contre le tabagisme https://www.fightagainstsmoking.org. Les réponses représentent l’opinion de l’Ambassadeur James Glassman et ne doivent pas être attribuées à la Foundation for a Smoke-free World (Fondation pour un monde sans fumée).
La Commission internationale pour relancer la lutte contre le tabagisme est une commission indépendante dont le travail a été soutenu par la Foundation for a Smoke-Free World. La Foundation for a Smoke-free World Inc. (Fondation pour un monde sans fumée) est une fondation privée américaine à but non lucratif de type 501(c)(3) dont la mission est de mettre fin au tabagisme dans cette génération. La fondation accepte les dons de charité annuels de PMI Global Services Inc. (PMI). En vertu des statuts de la fondation et de l’accord d’engagement conclu avec PMI (Philip Morris International), la fondation est indépendante de PMI et de l’industrie du tabac. https://www.smokefreeworld.org
Le Monde Economique : L’OMS, déjà ébranlée par les critiques sur la façon dont elle a géré la pandémie, affirme dans son dernier rapport que des progrès substantiels ont été réalisés dans la lutte contre le tabagisme. Qu’en pensez-vous ?
James Glassman : L’OMS n’a pas fait de progrès substantiels ces dernières années dans la lutte contre le tabagisme. Il y a plus de fumeurs aujourd’hui qu’il y a 30 ans, et 8 millions de personnes en meurent chaque année. Cela s’explique en grande partie par le fait que l’OMS n’a pas adopté le meilleur outil de lutte contre le tabagisme depuis des décennies : des technologies telles que les e-cigarettes qui réduisent considérablement les risques pour les fumeurs adultes actuels.
L’ironie est que l’OMS a adopté de nouveaux vaccins pour le COVID-19, qui sont des solutions classiques de réduction des risques.
Le Monde Economique : A la suite du rapport de l’OMS, cinq experts, membres de la Commission internationale pour relancer la lutte contre le tabagisme, ont également publié un rapport parallèle qui est en total contradiction avec celui de l’OMS. Que révèle-t-il ?
James Glassman : Tout d’abord, notre rapport montre les ravages continus du tabagisme, en particulier pour les personnes vivant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFM) et pour les communautés négligées, notamment les populations autochtones, les LGBTQ et les personnes ayant des problèmes de santé mentale dans les pays plus riches.
Les gouvernements et le secteur privé doivent élargir l’accès aux alternatives au tabagisme telles que les e-cigarettes, les médecins doivent réaffirmer leur rôle de leader dans la lutte contre le tabagisme, les entreprises de tabac doivent s’engager à éliminer progressivement les combustibles et à cesser de les commercialiser auprès des mineurs, et les institutions de recherche doivent identifier le déficit financier et les sources de financement pour mettre fin au tabagisme.
Le Monde Economique : Pourquoi doit-on prendre davantage au sérieux ce qui est dit dans le rapport de ces 5 experts plutôt que celui d’un organisme réputé tel que l’OMS ?
James Glassman : Nous n’avons pas toutes les réponses. La technologie est en train de bouleverser le monde du tabac, comme elle l’a fait dans d’autres secteurs, mais, comme d’autres institutions en place, l’OMS a du mal à changer. Les politiques de l’OMS sont également indûment influencées par un seul donateur privé, le milliardaire Michael Bloomberg, qui a une disposition idéologique contre les produits alternatifs au tabac combustible.
L’OMS se fait déjà dépasser par les gouvernements qui élargissent l’accès aux produits de réduction des risques grâce à des politiques intelligentes. Les avantages sont déjà visibles dans des pays comme le Japon, la Suède et le Royaume-Uni, où le tabagisme a diminué. Aux États-Unis, la Food & Drug Administration a autorisé le snus, certains produits du tabac chauffé sans combustion et de vapotage en tant que produits à risques réduits qui « profitent aux fumeurs adultes dépendants qui passent à une alternative ». Et l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHPR) a publié, le 29 octobre, des orientations qui ouvrent la voie à la prescription d’e-cigarettes par le National Health Service pour promouvoir la santé.
Le Monde Economique : Il y a encore 1 milliard de consommateurs de tabac dans le monde et 8 millions de décès chaque année dus au tabac. En agissant sur l’offre de tabac, via des taxes sur la production, et sur la demande, en aidant les consommateurs à arrêter, les pouvoirs publics ne disposent-ils pas de leviers d’action efficaces ?
James Glassman : Comme nous le disons dans notre rapport, la réduction des risques n’est pas la seule approche susceptible de mettre fin au tabagisme. L’éducation est une nécessité – notamment sur le véritable danger de la nicotine, qui est faible comparé à celui des substances cancérigènes libérées par la combustion. Les taxes ont un effet démontré, mais si elles sont exorbitantes, elles déclenchent une activité considérable sur le marché noir. Nous préconisons des taxes proportionnelles aux risques : des taxes élevées pour les cigarettes et des taxes faibles (ou mieux, nulles) pour les dispositifs de vapotage et autres alternatives.
Le Monde Economique : Une attitude plus ferme des gouvernements face à l’industrie du tabac ne serait-il pas la solution la plus appropriée ?
James Glassman : L’industrie du tabac mérite l’opprobre pour ses actions passées, mais elle a également développé des technologies puissantes pour faire passer les fumeurs adultes de la cigarette à des dispositifs moins nocifs. Certaines sociétés de tabac, en particulier celles qui appartiennent à l’État, prévoient d’augmenter les ventes de cigarettes et font beaucoup de mal, notamment dans les pays en développement, mais d’autres ont clairement indiqué qu’elles prévoient de se retirer complètement du marché des combustibles dans les prochaines années. Swedish Match a entièrement cessé de vendre des cigarettes combustibles.
L’OMS et d’autres groupes antitabac ont commis une terrible erreur en interdisant la participation de l’industrie du tabac aux conférences internationales et en ostracisant les chercheurs. Pour mettre fin au tabagisme, nous avons besoin d’une vaste conversation.
Le Monde Economique : Comment gagner la lutte contre le tabagisme ?
James Glassman : La lutte contre le tabagisme commence par l’aveu que nous sommes loin d’avoir fait assez de progrès. La plupart des fumeurs veulent arrêter de fumer, mais, compte tenu des outils actuellement promus par l’establishment antitabac, ils ne peuvent pas le faire. Permettez-moi de citer le rapport : « La possibilité d’un changement radical, cependant, est apparue avec les nouvelles technologies qui délivrent de la nicotine sans combustion… Cette approche offre le meilleur espoir de mettre enfin fin un terme au fléau – en particulier pour les personnes vivant dans les PRFM, qui ont été largement négligées par les organisations internationales et leurs propres gouvernements. »
Le Monde Economique : De nombreux gouvernements se sentent parfois dépassés par le puissant lobby du tabac, qui dispose de moyens financiers considérables. Eradiquer le tabagisme dans le monde, n’est-ce pas finalement un combat perdu d’avance ?
James Glassman : Il est vrai que certains cigarettiers continuent d’agir de manière irresponsable et d’exercer une influence considérable – notamment des entreprises publiques telles que China National Tobacco, le plus grand producteur de cigarettes au monde. Mais le paradoxe est que d’autres entreprises de tabac, ayant consacré des milliards de dollars à la recherche, ont mis au point des technologies qui promettent de mettre fin au tabagisme. Maintenant, les gouvernements et les organisations internationales doivent soutenir ce développement révolutionnaire.
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