Interview de Joël Remy Collioud: "La notion de métier de rêve repose plutôt sur une croyance populaire"

13 juillet 2016

Interview de Joël Remy Collioud: "La notion de métier de rêve repose plutôt sur une croyance populaire"

Monde Economique : Selon certains représentants de la profession, la coiffure ne serait plus un métier de rêve en Suisse. Plus d’un an après la création de BHI coiffure, pensez-vous que ce pessimisme ambiant est fondé?

Joël Remy Collioud : Plus jeune j’ai fréquemment entendu dire que le métier de boulanger était un métier béni. Et pourtant cette profession n’a jamais été à l’abri d’un risque de faillite. Tout ceci pour vous dire que la notion de métier de rêve repose plutôt sur une croyance populaire que sur une réalité fondée. Pour ma part, même si la gestion d’un commerce n’est pas toujours évidente, je ne partage pas cette morosité ambiante. Quel que soit son domaine d’activité, tout artisan compétent dans son domaine peut du jour au lendemain se retrouver à la tête d’une affaire prospère. A condition qu’il trouve l’environnement idéal pour mettre en scène son talent. Il est évident que si je devais m’installer dans une région frontalière comme Genève dotée d’une frontière facilement franchissable, accord de Schengen oblige, je réfléchirais à deux fois. En effet s’installer sur un tel secteur en proposant des prestations standardisées reviendrait à s’exposer à un risque. Ceci pour une raison simple, ouvrir un salon à Genève, signifie devoir surmonter au quotidien deux handicaps de taille, des frais d’installation élevés, et une forte concurrence des coiffeurs français pouvant proposer des tarifs souvent inférieurs. A Lausanne, nous avons la chance d’être un peu moins touchés par le problème. En un an et demi, notre effectif est passé de deux personnes à cinq.

Monde Economique : Un partenariat a été créé avec la Clinic Lémanic afin de travailler sur la recherche de solutions dans les cas de perte de cheveux. Est-ce que ce positionnement original vous a permis de gagner des parts de marché sur la concurrence ?

Joël Remy Collioud : Pour commencer permettez-moi de préciser que je ne suis pas un chef de guerre. Je suis un artisan passionné par son métier derrière lequel se cache un chef d’entreprise. J’ai créé BHI coiffure en compagnie de mes associés, pour proposer au marché un nouveau concept innovant et utile. C’est-à-dire l’association de la coiffure traditionnelle aux soins capillaires, dans le but de minimiser les effets de diverses affections actuelles à l’origine de la chute précoce de cheveux. Pour mener à bien le développement de notre concept nous travaillons en partenariat avec la Clinic Lémanic, qui dispose d’un département spécialisé dans le traitement des différentes formes d’alopécie. C’est vers la Clinic Lémanic que nos dirigeons tous ceux de nos clients dont le traitement des alopécies nécessite la prise de médicaments ou une greffe. Deux types de greffes sont pratiqués au sein de cette unité de soins, les implants de cheveux artificiels biocompatibles BHI (Bio Hair Implants) ainsi que la technique des Micro-Implants Autologues. Cette technique est simple, elle consiste à prélever des cheveux dans la zone de la couronne arrière du crâne en vue de les réimplantés vers les zones dégarnies sur le devant. Au cas où les traitements médicaux ne fonctionneraient pas (alopécie cicatricielles étendues, ou si le patient ne désire pas faire appel aux implants), nous avons une coiffeuse spécialisée dans la pose d’extensions, de volumes ou de perruques.

Monde Economique : La pénibilité du travail, fait qu’aujourd’hui le secteur de la coiffure est confronté à une véritable crise des vocations. En tant que patron quelles sont les différentes dispositions que vous avez dû prendre pour fidéliser vos collaborateurs ?

Joël Remy Collioud : La plupart des professions qui sont confrontées à une crise des vocations ont très souvent une mauvaise image de marque qui leur colle à la peau. C’est encore le cas dans le secteur de la coiffure, ou encore beaucoup trop de jeunes se dirigent vers ce secteur faute de mieux. A qui la faute je dirai avant tout à nous professionnels qui n’avons pas su rendre attractif notre métier, en communiquant sur notre passion et nos domaines d’expertise. Au même titre que le cavalier qui veut aller loin doit ménager sa monture, le patron qui veut prospérer doit prendre soin de ses collaborateurs. Prendre soin de ses collaborateurs, cela signifie respecter leurs droits, créer des conditions de travail agréables, diminuer toutes les sources de tensions ou de stress inutiles, et surtout leur offrir des perspectives d’avenir. Ce dernier aspect des choses est crucial pour éviter le turnover des employés, mais aussi pour faire face aux fins de carrière prématurées. Dans notre profession, à cause de certains produits que nous utilisons, nous sommes tous les jours soumis à des risques professionnels qui peuvent déboucher sur le développement de pathologies invalidantes. Parmi les plus fréquentes, on trouve les allergies au niveau respiratoire et cutané et les troubles musculo-squelettiques générateurs de gênes fonctionnelles. Pour réduire les fins de carrière prématurées, nous allons bientôt proposer à notre équipe en complément de notre cursus de formation, des cours sur la prévention des risques professionnels. A cela va s’ajouter la création d’un espace de vie et de détente à l’usage exclusif du personnel.

Monde Economique : Nous savons tous que sur un marché très concurrentiel le pilotage d’une entreprise se fait très souvent à vue. Depuis l’ouverture de votre salon avez-vous été amené à adapter votre concept afin de mieux répondre aux exigences de votre clientèle ?

Joël Remy Collioud : La clientèle rattachée à un fonds de commerce n’est pas toujours fidèle. Le client du 21 ème siècle est infidèle et adore faire jouer la concurrence. Le chef d’entreprise doit en permanence écouter sa clientèle et définir ses attentes visibles et latentes. C’est le prix à payer pour créer une relation de confiance avec le client en vue de le fidéliser. C’est une tâche très chronophage qui implique une collecte quotidienne d’informations qu’il faut analyser finement. L’analyse de données clients n’étant pas notre métier, nous avons décidé de nous munir d’un logiciel (CRM) pour gérer notre relation client de manière optimale. Nous sommes très satisfaits de ce choix puisque nous disposons d’un outil qui nous permet d’identifier plus précisément différentes cibles clients, susceptibles d’être intéressées par nos services. Grâce aux différentes études que nous avons menées sur la physionomie de notre clientèle, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il nous fallait augmenter le nombre d’espaces privés au sein de nos locaux. Ceci d’une part pour mieux répondre au besoin de discrétion de notre clientèle VIP mais aussi pour faciliter la libération de la parole chez certaines de nos clientes. En effet certaines clientes souffrant d’affections comme la trichotillomanie, ce trouble qui se manifeste par un arrachage compulsif de ses propres cheveux, ont du mal à se confier dans un espace ouvert. Par ailleurs nos clientes peuvent prendre un rendez-vous en ligne 24h/24h.

Monde Economique : Il est indéniable que votre concept a du succès. Avez-vous l’intention d’ouvrir d’autres salons ou de créer des franchises ?

Joël Remy Collioud : Même si la plupart des indicateurs
de notre tableau de bord sont au vert, nous devons rester très prudents. Nous savons tous qu’on ne peut attester de la pérennité d’une entreprise avant trois ans. Tous les bons résultats que nous engrangeons chaque jour depuis la création de BHI coiffure, sont la preuve que l’équipe que nous avons réunie autour de nous, donne satisfaction. Leur dévouement ainsi que leur fidélité relevant de l’évidence je ne puis, qu’adresser mes plus vifs remerciements à l’ensemble de mon équipe. Notre partenariat avec la Clinic Lémanic a été un élément phare de notre développement ainsi que notre collaboration avec l’Hôtel Royal Savoy Lausanne où nous proposons également nos soins et services au sein du magnifique SPA de l’hôtel. Concernant la création d’autres espaces dédiés à la coiffure et aux soins capillaires, nous y pensons sérieusement, cependant il est encore trop tôt pour le faire. Actuellement la priorité pour nous est de consolider notre concept, faire reconnaître notre savoir-faire et surtout renforcer notre esprit d’équipe. En guise de conclusion je citerai ce proverbe qui à lui à tout seul est le reflet de mes valeurs : « Personne ne peut siffloter seul une symphonie ; seul un orchestre peut l’interpréter »

Joël Remy Collioud, associé gérant du salon coiffure BHI.

http://www.bhi-coiffure-lausanne.ch/

 

Recommandé pour vous