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Interview de Lorenzo Pillinini, VP Finance Operations JTI
Monde Economique L’objectif de cet échange est de parler de transformation en général et en particulier dans la Finance avec mon expert financier Stéphane Deffis, cela tombe bien vous avez cette double casquette chez JTI., pouvez-vous vous présenter en quelque mots
Lorenzo Pillinini Je travaille chez JTI depuis 1993. En près de 30 ans, j’ai occupé diverses fonctions entre le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Europe, et j’ai notamment travaillé sur l’implémentation de nombreuses structures opérationnelles. Aujourd’hui, après avoir collaboré avec les équipes Finances et Transformation, j’occupe le poste de Vice-Président – Global Finance opérations à Genève.
Monde Economique Justement la « Transformation » est un sujet d’actualité avec la crise sanitaire à laquelle nous faisons face, mais chez JTI c’est une démarche continue et qui s’est accéléré depuis 2 ans, pouvez-vous nous en dire plus et comment vous fédérez l’entreprise et vos collaborateurs autour de ce projet commun.
Lorenzo Pillinini Il est clair que la crise sanitaire a été un catalyseur et presque un révélateur de la pertinence de la transformation engagée depuis plusieurs années chez JTI. En ce qui nous concerne, l’un des principaux enjeux de la démarche est la culture d’entreprise : actuelle et future. Je pense qu’elle doit être au cœur de la réflexion de chaque organisation pour lui donner du sens.
Chez JTI, il existe depuis toujours une vraie volonté de faire ce qui est juste ainsi qu’un grand sentiment de responsabilité présent à tous les échelons de l’organisation. Nos collaborateurs sont conscients que le succès de l’entreprise peut passer par des mesures délicates qui peuvent remettre en cause l’organisation actuelle et la nature de l’implication de chacun.
Quel que soit le contexte, la communication est cruciale, et nous l’utilisons de manière transparente, complète et cohérente, avec le contexte actuel et les objectifs à long terme. Elle doit aussi donner un cadre et une vision dans laquelle chacun peut se sentir partie prenante et considéré comme un acteur clé de la transformation.
Monde Economique Avant de parler de projet de transformation dans la Finance, j’aimerais échanger sur votre vision des missions de la Finance en entreprise. On dit en général qu’il doit être le copilote de la Direction. J’utilise aussi parfois une autre analogie, en effet si l’entreprise est une famille, la Finance est le parent qui doit éduquer les autres membres de la famille aux problématiques financières (formation, transfer knowledge), les protéger (reporting, contrôle) et les financer (Free Cash-Flow). Comment ces trois aspects (éducation, protection et Financement) sont gérés au sein de JTI par la Finance ?
Lorenzo Pillinini Le rôle de la fonction finance peut différer dans chaque entreprise, en fonction de son stade de développement, de sa structure, de son industrie mais en premier lieu de sa vision et de sa culture.
JTI a pour ambition de devenir le numéro 1 mondial en 2030. Toutes les fonctions de l’entreprise, y compris la finance sont tournées vers cet objectif ultime. Nos actions ont pour but de créer de la valeur dans ce cadre. C’est notamment le cas en sensibilisant les autres fonctions à l’importance des conséquences économiques de leur décisions.
C’est aussi vrai lorsque notre fonction agit en tant que partenaire de confiance envers nos parties prenantes (actionnaires et marchés, institutions financières, clients et fournisseurs) mais aussi internes (management, employés), sur la capacité de l’entreprise à performer dans des conditions financières seines et pérennes.
La finance a aussi un rôle prospectif qui doit permettre un alignement entre la situation actuelle et les objectifs de l’entreprise à court et long terme, notamment en optimisant la capacité de prise de décision et en étant un vecteur de développement de nos opérations.
Elle doit d’abord représenter une source d’énergie qui alimente l’organisation dans la poursuite de sa vision stratégique.
Stéphane Deffis J’ai eu l’occasion de vous accompagner sur certains de vos projets de Transformation en cours et dont le plus essentiel concernant la migration vers la nouvelle plateforme SAP S/Hana, est-ce que vous pouvez nous détailler ce qui vous a motivé à être une des entreprises pionnière à se lancer vers cette migration qui a duré 2 ans et les bénéfices que vous en récoltez depuis le Go Live il y a 1 an
Lorenzo Pillinini Ce qui est intéressant avec SAP4/Hana c’est de dissocier les avancées opérationnelles des bénéfices stratégiques et organisationnels.
D’un point de vue stratégique, cette initiative nous place en tant que précurseur sur cet ERP (Enterprise Resource Planning) ; cette position que l’on se doit d’avoir dans tous les domaines, qui stimule forcément les acteurs de la fonction finance mais qui se diffuse également dans toute l’organisation.
A tous les étages, l’objectif et la dynamique sont les mêmes : être capable de mobiliser nos collaborateurs et leurs énergies dans des projets ambitieux.
Plus concrètement, SAP 4/HANA représente un pas important dans la digitalisation de notre architecture en terme de reporting financier dans le cadre de notre programme « Business Platform Modernization”. L’un des bénéfices directs est qu’on améliore notre capacité d’intégration d’éléments financiers dans notre portefeuille d’outils d’analyse et d’aide à la prise de décision.
C’est également une pierre à l’édifice que nous sommes en train de construire et il est clair que cette ambition doit continuer à s’exprimer par un environnement où l’innovation est vecteur de création de valeur à long terme.
Monde Economique On parle beaucoup de nos jours d’intelligence artificielle, big data, analyse prédictive, pouvez-vous nous donner un exemple concret de projet de transformation dans ce domaine concernant les opérations et la finance, sur ce que vous mettez en place et les gains attendus
Lorenzo Pillinini Les éléments que vous citez font partie intégrante de notre feuille de route stratégique.
Premier exemple, celui de la trésorerie. Avec l’aide du Machine Learning, la précision des prévisions obtenues s’est nettement améliorée, réduisant ainsi la charge de travail. Autre exemple, l’intelligence artificielle nous permet de prévoir avec finesse les budgets opérationnels des départements de notre siège à Genève.
Ces succès nous encouragent à étudier d’autres projets similaires. La fonction finance est vouée à évoluer aussi bien d’un point de vue opérationnel que dans une dynamique d’incarnation de notre transformation. Il y a un vrai potentiel disruptif dans les dernières avancées technologiques.
Monde Economique Si vous deviez donner un conseil aux dirigeants ou CFO qui hésitent à engager au sein de leur entreprise des projets de transformation, que leur diriez-vous pour les motiver à passer à l’acte ou quels conseils leur donneriez pour réussir leur démarche de transformation
Lorenzo Pillinini L’un des principaux écueils à éviter pour une transformation réussie est d’attendre que l’entreprise soit dans une situation difficile, où la transformation serait perçue comme une nécessité absolue voire salvatrice. Le risque dans ce cas serait d’en faire un bouc émissaire ou un argument de refuge face aux problématiques auxquelles est confrontée l’organisation à court terme. En termes de gestion des attentes, je pense qu’il est délicat d’envisager qu’un tel changement face office de pensement.
Il faut anticiper une plus ou moins grande inertie et résistance au changement, qui obligent l’entreprise en tant qu’ « être économique vivant » à sortir de sa zone de confort. La culture de l’entreprise peut également faciliter ou complexifier ces effets inhérents à la transformation en cours.
Le conseil que je donnerais est donc d’anticiper la démarche et d’initier la transformation dans un contexte où l’entreprise se porte bien, où elle peut être appréhendée comme une source de création de valeur à long terme et assimilée sereinement par l’ensemble de l’organisation.
Un dernier conseil : Soyez audacieux, engagé et cohérent.
Interview préparée et réalisée par Stéphane Deffis
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