Photo © N. Vandeput
Par Anouschka Boodhoo, Customer Service & Supply Chain Manager
Nicolas Vandeput aide les leaders de la Supply Chain à atteindre l’excellence en matière de planification de la demande et de l’offre. Il a fondé sa société de conseil, SupChains, en 2016 et SKU Science, une plateforme en ligne de prévision de la chaîne d’approvisionnement, en 2018. Depuis 2020, il enseigne la prévision de la demande et l’optimisation des stocks aux étudiants en master à CentraleSupélec, Paris, France, et donne des cours en tant qu’invité dans diverses universités à travers le monde. Il a publié trois livres : Data Science for Supply Chain Forecasting en 2018 (deuxième édition en 2021), Inventory Optimization: Models and Simulations en 2020, et Demand Forecasting Best Practices en 2023.
Anoushka Boodhoo : Pourquoi la prévision est-elle une partie si cruciale de la gestion de la Supply Chain?
Nicolas Vandeput : Une supply chain c’est avant tout une machine à prendre des décisions. Combien et où produire, que et comment le déplacer, qu’acheter et à qui. Des milliers de décisions (implicites ou explicites) sont prises quotidiennement. Quand on veut prendre la bonne décision (par exemple où déménager), on a besoin d’informations. C’est la même chose pour une Supply Chain qui veut savoir (entre autres) combien et quels produits ses clients voudront acheter dans le futur.
Anoushka Boodhoo : Pouvez-vous expliquer comment une prévision précise de la demande peut affecter l’efficacité globale et la rentabilité de la Supply Chain d’une entreprise ?
Nicolas Vandeput : Mieux prédire ce que ses clients voudront acheter dans le futur va permettre de prendre des meilleurs décisions (par exemple, combien produire et où déplacer les stocks). C’est mécanique.
Anoushka Boodhoo : Quels sont les défis courants auxquels les entreprises sont confrontées en matière de prévision de la demande, et comment peuvent-elles surmonter ces défis ?
Nicolas Vandeput : Ils sont nombreux. Premièrement, certains intervenants politisent les prévisions. Certains veulent se créer un coussin de sécurité, d’autres veulent « battre » les prévisions pour recevoir un bonus. Il y a aussi de nombreux cas ou les prévisions reflètent un futur souhaité et non réaliste.
Deuxièmement, beaucoup de sociétés n’ont pas les bons outils pour générer des prévisions at scale, les revoir et suivre les bons indicateurs de performance. Beaucoup de Supply Chains restent cantonnées à Excel et à suivre des indicateurs dépassés. Cela veut dire perdre du temps à faire des prévisions à la main alors qu’un outil pourrait le faire automatiquement (et probablement mieux).
Finalement, les processus de prévisions peuvent s’attaquer au mauvais problème : par exemple prédire la demande mensuelle, alors que l’on doit prendre des décisions hebdomadaires. Cela veut dire que vous consommez l’énergie et le temps de vos équipes à créer des informations que les acheteurs (et la logistique) auront du mal à utiliser sur le terrain.
Je discute de ces points en détail dans mon dernier ouvrage « Demand Forecasting Best Practices »
Anoushka Boodhoo : De quelles manières les PME peuvent-elles bénéficier de la mise en place de processus robustes de prévision de la demande, même si elles disposent de moins de ressources que les grandes entreprises ?
Nicolas Vandeput : En utilisant des outils adaptés, on peut facilement créer un set de prévisions de base qui peut ensuite être facilement relu ou enrichis par des planificateurs. En réalité, certains outils (comme skuscience.com que j’ai co-fondé) sont spécialisés pour les PME. L’objectif est alors d’allier simplicité d’utilisation et d’implémentation tout en gardant la capacité de délivrer des prévisions de qualité automatiquement et sans paramétrage compliqué.
Anoushka Boodhoo : Comment les technologies de prévision avancées, telles que le Machine Learning et l’IA, améliorent-elles la précision de la planification de la demande, et quels avantages cela apporte-t-il à la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise ?
Nicolas Vandeput : Une Supply Chain doit prendre des milliers de décisions quotidiennement. Pour se faire elle doit être supportée par des prévisions générées en masse et automatiquement. Un élément essentiel pour générer des prévisions de qualité est d’être capable de prendre en compte des informations à propos de vos marchés ou clients. Ce sera différent pour chaque business, mais typiquement, on pense aux promotions, au prix, au budget marketing. On peut aussi inclure les informations que vous possédez à propos de vos clients, ou de la météo. C’est la capacité de votre outil de prévision et de votre équipe à utiliser ces informations qui va faire la différence.
Le problème c’est que les outils statistiques traditionnels rencontrent particulièrement des difficultés à absorber ces informations et à leur donner du sens. Le Machine Learning (ou IA, je ne fais pas de différence), lui, s’il est bien paramétré, va comprendre comment votre saisonnalité, vos promotions, vos prix et ruptures récentes interagissent. Et ce, même si ce sont les ventes d’un nouveau produit que vous essayez de prédire.
L’utilisation de Machine Learning va impacter le processus de prévision et la place des planificateurs. Historiquement, les managers cherchaient à recruter comme planificateurs des profils plus techniques qui pouvaient revoir les modèles statistiques (ou faire leurs propres analyses). Aujourd’hui ma vision pour le rôle des planners et de se concentrer sur la capture et le nettoyage de données et d’informations. Soit pour les charger dans leur outil Machine Learning directement, soit, si l’outil n’est pas capable de les prendre en compte, de les utiliser eux-mêmes pour enrichir les prévisions.
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