Photo © Paul Oberson
Paru aux éditions moinsdecent.net, l’écrivain suisse Paul Oberson nous livre un récit poignant et attachant autour des enjeux de l’humanitaire et des destins individuels. Le monde économique a rencontré l’auteur
Question 1: Votre dernier ouvrage clos une trilogie qui inclut « Lettres de confins » (édition du Net, 2014), « La génétique du sens » (édition moinsdecent.net, 2019) et « Maliso ou la vie d’une feuille » (édition moinsdecent.net, 2022). Quel lien relie ces ouvrages ?
Paul Oberson: En tant que romancier, l’interstice m’intéresse. C’est un espace qui s’ouvre entre deux réalités, qui se trouve en deçà de la vision, qui esquisse autre chose. C’est le pli de Deleuze, c’est une fente dans le marbre ou se loge un brin d’herbe.
Ces ouvrages explorent des espaces qui partagent cette qualité. Les confins touchent le centre mais exposent d’autres règles, proposent d’autres évocations. Ils conjuguent l’ailleurs et le maintenant. C’est un concept miroir qui amène à s’interroger sur notre rapport à l’autre.
Ces trois ouvrages traitent également de l’intranquillité, de la difficulté d’être au monde, de l’accepter tel qu’il est, d’en trouver l’usage. Il nous faut dérouler une histoire qui apporte du sens.
Cette trilogie questionne notre façon d’habiter le monde.
Question2: « Maliso ou la vie d’une feuille » est un texte autobiographique ou une fiction?
Paul Oberson: C’est clairement une fiction Le texte s’appuie bien sûr sur des événements vécus ou rapportés, mais qui sont organisés dans un récit. Le monde décrit, celui des victimes de catastrophes naturelles ou humaines, de l’aide proposée par les régions prospères, est malheureusement commun. Cette banalité de l’injustice questionne. La littérature permet de relayer ces questionnements. La fiction les contextualise en les proposant paradoxalement comme une partie du réel. « Maliso ou la vie d’une feuille » s’inscrit dans cette tradition.
Question 3:Vous conjuguez votre ouvrage au présent et au futur, Le destin des personnages est connu, il diffère de l’un à l’autre. Peut-on y voir une fable autour de la question de la résilience et du stress post-traumatique (SPT) ?
Paul Oberson: C’est en effet un questionnent qui traverse l’ouvrage. Quelles traces laissent les événements traumatiques, ont-ils la même influence sur tous ? Existe-t-il des clés, des manières de faire plus propices ? L’humanitaire s’est saisi de cette question et a fait évoluer ses pratiques ces dernières années. Les personnes officiant sur des terrains marqués par des catastrophes naturelles ou des situations de guerre portent cette expérience pour la suite de leur vie. Les tensions du terrain amènent parfois des paradoxes, des contradictions. La définition du bien se délite, ses frontières sont floues et discutées. Comment vivre après avoir vécu cette proximité avec la mort ? Quelle signification reste quand on retrouve une existence « normale », dans une société en paix.
Question 4 :Votre écriture est dépouillée, sobre, est-ce un style sous-tendu par la réalité qu’il décrit. La sobriété est-elle plus à même de décrire l’indicible ?
Paul Oberson: Le mot possède une vie propre, une vie autonome. Il est important de la saisir. Cette richesse individuelle du mot le rend précieux et appelle une parcimonie dans son usage. Cette question m’intéresse profondément et se trouve au cœur de mon ouvrage précédent, la génétique du sens.
L’ouvrage est disponible en librairies ou sur le site de la maison d’édition : moinsdecent.net
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