Photos © Ruslan Goryukhin
Monde Economique : 9 millions de dollars. C’est la somme que le japonais Yusaku Maezawa avait décidé d’offrir à ses followers afin de réaliser une « expérience sociale. Être riche et philanthrope, est-ce une nouvelle tendance ?
Ruslan Goryukhin : Ces dernières années, le nombre de personnes particulièrement fortunées n’a cessé d’augmenter, notamment en Suisse. L’envie de partager ses richesses au service de la société n’est certainement pas un phénomène nouveau. Reste à savoir si une « expérience sociale » relève également du concept de philanthropie. La tendance à la médiatisation de bonnes actions n’est certainement pas nouvelle, mais sa portée est amplifiée par les nouveaux médias.
Pour moi, la philanthropie signifie que je consacre de mon temps et de mes ressources à la promotion du bien commun et que je soutiens des organisations caritatives qui partagent mes valeurs. Vouloir faire le bien est au cœur de ma conviction. Je me concentre sur les choses positives que je peux apporter. Néanmoins, j’aimerais ajouter qu’en tant que société, nous ne devrions pas pointer du doigt les personnes charitables, car leurs actions nous font avancer en tant que collectivité.
Mes initiatives sont axées sur les résultats et j’essaie d’avoir le meilleur impact possible avec les fonds dont je dispose. J’aime soutenir des projets plus petits et tangibles qui ont un impact positif et direct.
Monde Economique : Vous êtes personnellement très engagé dans de multiples projets caritatifs. Comment un investisseur, un homme d’affaire à succès comme vous, devient-il philanthrope ?
Ruslan Goryukhin : La retraite des affaires fut un processus entamé de manière réfléchie. Après ma carrière réussie en tant qu’entrepreneur, j’ai décidé de me retirer progressivement des affaires en 2014. Mes quatre filles sont nées la même année. Je voulais disposer de plus de temps pour ma famille mais aussi pour me consacrer davantage à des activités philanthropiques. Avant de m’installer en Suisse, j’étais déjà engagé dans des projets philanthropiques et au côté d’organisations caritatives. J’ai continué dans cette lancée, depuis la Suisse désormais.
Pour moi, comme père de quatre filles et d’un fils, et comme citoyen responsable, la protection et la préservation d’un environnement intact constituant la base de la vie des générations futures est une préoccupation de très haute importance.
Monde Economique : Avoir un impact positif sur les autres et « Aider les gens, ici et maintenant ». Voilà comment peut se résumer votre engagement. Dans quels domaines voudriez-vous avoir un impact positif ?
Ruslan Goryukhin : Je m’engage à protéger l’environnement et à promouvoir les idées innovantes. Par exemple, je soutiens actuellement un forum sur l’innovation et le climat qui aura lieu du 4 au 5 Novembre 2021, organisé par Monsieur Laurent Wehrli (PLR), Conseiller national et ancien syndic de Montreux, et soutenu par des personnalités suisses de renom. L’objectif du forum est de faciliter le dialogue entre entrepreneurs, scientifiques, politiciens et étudiants et de promouvoir l’innovation environnementale.
Je souhaite agir de manière positive sur l’environnement et de cohésion sociale mes actions. En tant qu’entrepreneur, je suis convaincu que les innovations environnementales doivent être préférées aux interdictions et j’aimerais que l’on se concentre davantage sur les solutions entrepreneuriales et technologiques avec lesquelles nous pouvons relever les défis du changement climatique et non sur les interdictions souvent évoquées dans le débat social et politique. En résumé, je souhaite approfondir le dialogue et promouvoir les meilleures idées.
Monde Economique : Il est naturel pour celui qui fait un don, de vouloir que son argent soit utilisé de la manière la plus efficace. Comment sélectionnez-vous vos projets ?
Ruslan Goryukhin : Je veux être actif là où le besoin est le plus urgent. Plus simple à dire qu’à faire. À mon avis, le réchauffement climatique est le plus grand défi de notre époque. Chaque année, nous sommes confrontés à des sécheresses, des inondations, des incendies de forêt, des tempêtes et des vagues de chaleur plus extrêmes. Cela a un impact sur l’agriculture, l’approvisionnement en énergie, le tourisme, le bilan hydrique, les forêts, la biodiversité et la santé, et compromet nos moyens de subsistance. La Suisse est touchée de manière disproportionnée à cet égard. Cela ne concerne pas seulement ma génération, mais surtout celle de mes enfants. Je souhaite apporter ma contribution pour que les générations futures disposent encore de ressources suffisantes et d’un environnement vivable.
Concrètement, cela signifie que je m’engage dans les domaines où mes activités apportent le plus grand bénéfice au plus grand nombre. On pourrait dire que je suis une approche utilitaire.
Monde Economique: Une réalisation récente dont vous êtes particulièrement fier ?
Ruslan Goryukhin : Mes enfants me remplissent d’une fierté paternelle incomparable. J’ai compris qu’il est de notre obligation de laisser à la prochaine génération un environnement au moins aussi intact que nous l’avons trouvé.
C’est également agréable de voir que mes actions ont un impact. J’ai constaté que mon travail et mes idées sont accueillis positivement et que mes efforts font la différence. Cela me motive à poursuivre ces projets avec détermination.
J’aimerais pouvoir inspirer davantage de personnes à se mobiliser autour des thèmes de la durabilité, surtout les jeunes, tant en Suisse qu’en Russie. La question du climat ne s’arrête pas aux frontières mais nous concerne tous de la même manière. Je serais donc heureux de pouvoir également cultiver l’échange et promouvoir le dialogue entre nos pays dans le domaine de l’environnement et de la durabilité afin de trouver des solutions ensemble.
Monde Economique : Vos perspectives ?
Ruslan Goryukhin : Je m’engagerai désormais auprès de l’ONG Green Cross Suisse, dirigée par le Conseiller national Martin Bäumle (PVL), et je soutiendrai cette organisation en conséquence. Green Cross est une organisation qui lutte contre les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl entre autres et qui, par son engagement, aide les personnes dans le besoin – en particulier les enfants – à mener une vie indépendante et confiante sur une base durable et respectueuse de l’environnement.
Je tiens également à dire que j’ai une grande admiration pour Monsieur Bertrand Piccard et son travail. Son engagement est novateur et j’essaierai de le soutenir dans son travail à l’avenir. Nous avons besoin de plus d’initiatives d’avenir comme celle que M. Piccard préconise.
Je suis confiant. Bien sûr, les défis sont nombreux dans les domaines de l’environnement et, mais je tiens à souligner que je suis convaincu de la force d’innovation de notre société.
Ruslan Goryukhin est un homme d’affaires, investisseur et philanthrope russe. Goryukhin a commencé sa carrière pendant la perestroïka. De sa ville natale d’Odessa, il s’est étendu à Moscou avec ses propres petites entreprises. Depuis plusieurs années, M. Goryukhin vit avec sa famille en Suisse, sur les rives du lac Léman. Sa préoccupation centrale est de préserver la nature telle qu’elle est et de protéger les minorités. Depuis quelque temps, il est également engagé dans la philanthropie et soutient un certain nombre de projets, tant au niveau mondial que local. En Suisse notamment, les habitants peuvent témoigner de son expertise et de ses activités philanthropiques.
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