Interview de Viktor Calabro, Président Exécutif du Conseil d’Administration Coople
Monde Economique: Depuis sa création à Zurich en 2009, Coople a poursuivi sa croissance pour devenir la plus grande plateforme européenne de travail à la demande, avec plus de 350’000 employés et 15’000 sociétés inscrits. Comment expliquez-vous votre succès ?
Viktor Calabro: De toute évidence, nous avons trouvé sur le marché une demande qui n’a pas encore été satisfaite. L’attention toute particulière que nous portons aux bénéfices pour nos clients nous a bien sûr aussi aidés à mieux adapter nos services à l’évolution du marché.
Monde Economique: Coople se donne pour objectif d’exploiter les atouts de la numérisation et de l’automatisation afin de créer des opportunités pour tous. N’est-ce pas très ambitieux comme mission ?
Viktor Calabro: C’est un véritable défi, mais c’est la seule bonne façon de changer le monde du travail à long terme. Nous nous sommes préparés à l’idée qu’il s’agit d’un long chemin et que nous travaillerons sans relâche pour faire de cette vision une réalité. En ce moment, nous constatons également qu’en raison du succès rencontré, d’autres acteurs et partenaires prennent également conscience de l’enjeu.
Monde Economique: Selon l’étude « The Future Employment » d’Oxford, la numérisation entraîne l’évolution du monde du travail. Qu’implique cette tendance au niveau de la planification de l’emploi et du recrutement ?
Viktor Calabro: Beaucoup de choses vont certainement changer. La numérisation et les schémas de pensée qui y sont associés auront une incidence sur le recrutement, les standards de qualité, la planification des ressources, le leadership, etc. Il n’y a aucun secteur où la main-d’œuvre n’est pas touchée. Mais je vois le plus grand changement dans le fait que nous sommes en train de passer d’un modèle de travail établi sur la notion de rôle à un modèle qui repose sur la notion de tâches. Au lieu d’embaucher beaucoup de gens et de voir ensuite ce qu’ils peuvent faire. À l’avenir, on examinera d’abord ce qu’il faut faire, puis on embauchera uniquement les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes compétences. La numérisation permet d’adopter cette approche “just-in-time” sans créer de risques ou d’inefficacités.
Monde Economique: Avec l’importance grandissante des plateformes telles que Coople, n’y-a-t-il pas un risque pour que les embauches rapides et de courte durée prennent le pas sur les emplois traditionnels ?
Viktor Calabro: Nous supposons qu’il y aura une augmentation des emplois de courte durée et à court terme. Cela ne représente toutefois pas un problème, car de nombreux travailleurs sur le marché sont précisément à la recherche de tels emplois (étudiants, travailleurs entre deux emplois, travailleurs à temps partiel, mères/pères à la maison, retraités, travailleurs indépendants, etc.) Je dirais donc plutôt que nous avons un problème non résolu dans la situation actuelle. Les employés qui souhaitent plus de flexibilité sont systématiquement ignorés. Nous donnons une chance à ce groupe et leur ouvrons les portes auprès des employeurs. Des sujets tels que les pénuries de talents peuvent ainsi être éliminés efficacement.
Monde Economique: Vous êtes le coauteur du livre « Flexible Workforce » et, en 2014, vous avez obtenu le prix « Entrepreneur of the Year» décerné par Ernst & Young en Suisse. Vous êtes donc un entrepreneur ayant une bonne connaissance des défis d’aujourd’hui. Quel avenir voyez-vous pour le monde du travail ?
Viktor Calabro: A l’avenir, le travail s’adaptera mieux aux besoins des travailleurs et des employeurs. Les modèles rigides actuels qui ne bénéficient pas nécessairement à aucune des deux parties resteront là où le besoin existe. Un mélange de flexibilité et de stabilité émergera. De plus, nous travaillerons de plus en plus avec l’aide de machines et d’intelligences artificielles. Je vois un nouvel équilibre également sur ce sujet. Selon la tâche, travailler avec ou sans dépendra de ce qui est le mieux adapté.
Monde Economique: Coople fête ses 10 ans cette année. Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?
Viktor Calabro: 10 ans ne nous ont certainement pas changés, nous gardons toute la motivation de nos débuts dans notre effort pour changer le monde du travail. Nous continuerons à poursuivre notre vision et, nous l’espérons, nous continuerons à apprendre et à grandir dans toujours plus de domaines. Cela nous permettra de mieux répondre aux besoins et d’accompagner davantage de personnes et d’entreprises dans les années à venir.