Interview d’Yvan Claude, Economiste et Président de Gaea21

26 juin 2012

Interview d’Yvan Claude, Economiste et Président de Gaea21

Le Monde Economique Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous expliquer ce que c’est que Gaea21 ?

Yvan Claude Un réseau d’experts pluridisciplinaire, un think tank et un centre de recherche appliquée en développement durable, un organisme de post formation et une plateforme projets/compétences durables. Nous sommes une interface, à la fois coaches et facilitateurs en développement durable.

Le Monde Economique Pourquoi avoir choisi le développement durable comme cheval de bataille ?

Yvan Claude Nous n’avons pas choisi le développement durable comme bataille. Il ne s’agissait de prendre une option parmi d’autres. De notre point de vue, en termes de survivance de l’espèce humaine et de notre modèle de société nous en sommes arrivés à un point de non-retour. Le changement de paradigme que propose le développement durable n’est donc plus simplement un choix politique, économique ou social mais une question de survie désormais. Le problème persistant, c’est l’obstination forcenée des principaux intéressés (nous, les individus, politiques, chef d’entreprises, milieux financiers) a refuser de voir la formidable opportunité que cela représente et a mettre la tête dans le sable en espérant que l’orage ne nous voie pas…

Le Monde Economique Selon le dernier rapport du BIT et du PNUE, la conversion à une économie plus respectueuse de l’environnement pourrait créer de 15 à 60 millions d’emplois dans le monde au cours des 20 prochaines années. Si on se base sur les objectifs de votre projet « Régions durables 2020 », a combien estimez-vous la création d’emplois verts dans la région, à l’horizon 2020 ?

Yvan Claude Nous n’avons pas encore terminé le calcul coût-bénéfices et l’analyse projective pour l’ensemble des 22 projets, mais à titre indicatif, pour le répertoire vert qui sera lancé en septembre/octobre 2012 et qui est un des 22 projets de Genève & Région durable 2020, on table (estimation conservatrice) sur la création de près de 180 emplois verts sur 3 ans + la création d’un nouveau métier à haute qualification.

Le Monde Economique Le développement durable ne saurait tenir lieu de stratégie unique pour atteindre le plein emploi. Pour optimiser l’impact de la croissance verte sur l’emploi, ne serait-il pas judicieux de préconiser un «plan Marshall de la formation» ?

Yvan Claude Déjà, le plein-emploi reste une sacrée utopie. Il faudrait quand même une sacrée conjonction d’éléments pour que 100% des personnes actives disponibles trouvent une place correspondante à leur qualification si elle en est une. Le développement durable ne peut pas se substituer au modèle économique existant. L’économie verte qui est une forme concrète de mise en œuvre du développement durable peut a ce titre créer des modifications significatives, mais le modèle de départ restera encore pour un moment malheureusement le seul référent. Je vous rejoins cependant complètement par rapport à l’éducation. Sans changement majeur de comportement de tous les acteurs de l’économie, les différentes entreprises « vertes » créés notamment dans le cleantech qui est le grand thème à la mode ne trouveront pas de débouchés. Et sans débouchés, elles ne pourront pas se développer et mourront. Sans clients informés (les consomm’acteurs donc) mais aussi sans compétences formées, on n’ira pas très loin. La solution passe donc par l’éducation, la sensibilisation et la formation. Mais rien ne se fera sans une prise de conscience des autorités, des administrations et du monde politique. C’est donc les premières personnes à former, au même titre que les enfants. Pour qu’ils puissent prendre des décisions informées. J’ai presque envie de parler de la nécessité de lancer un plan Marshall de l’économie verte qui toucherait tous les domaines de la société simultanément.

Le Monde Economique Gaea21 tend à décrier que le modèle de développement actuel s’est avéré inefficace et non viable, pas seulement pour l’environnement, mais aussi pour les économies et les sociétés. Pensez-vous qu’une autre voie est possible ? Si oui, comment la mettre en place ?

Yvan Claude Aujourd’hui, un constat s’impose. Le modèle traditionnel de l’économie (Business as usual) a pour effet de créer moins d’emplois qu’il n’en perd, de créer de plus en plus de millionnaires et de pauvres, d’épuiser les ressources de la planète et de générer un modèle social qui mène tous les pays au bord de l’implosion politique. Alors à un moment donne ce n’est pas juste gaea21 qui rue dans les brancards et dénonce…. Je pense qu’on a quand même un drôle de problème et qu’on ne pourra pas faire la politique de l’autruche beaucoup plus longtemps. Il faut proposer autre chose. La notion d’économie verte appliquée dans le cadre d’une région comme pour GRD2020 est une proposition de solution. Les acteurs de tous les secteurs travaillant en collaboration, des projets concrets inscrits dans une vision globale et des modèles d’économie circulaire, des financements cibles et la mise en commun de ressources… La notion de création de richesse individuelle obtenue grâce à un plan d’optimisation des ressources collectives. Nous pensons que c’est à la fois possible et désormais incontournable… De toute façon, on visait avec Rio +20 qu’on ne nous propose pas grand chose d’autre. Alors pourquoi ne pas essayer quelque chose de cohérent et de différent ?

Le Monde Economique Que gagnerait une entreprise à faire un Ecobilan ?

Yvan Claude Un écobilan accompagné de mesures concrètes de mise en œuvre permettrait à une entreprise d’augmenter à la fois sa productivité, sa visibilité, son efficacité…et donc son revenu. Dans le cadre d’une entreprise, dans le marché actuel, l’impact reste discutable. Dans le cadre d’un réseau vert valorisé et avec des consomm’acteurs informés, la différence peut être exponentielle… À méditer.

Interview réalisée par Thierry Dime

 

Recommandé pour vous