Photo Filippo Surace et Renato Del Gross © Olivier Evard
Monde Économique : Comment ce projet est-il né ?
Filippo Surace : Ce projet est né de mon expérience du transfert de technologie dans le monde américain (Temple University) qui a abouti à la création de la société Cube Labs en 2013 en Italie, dans le but principal de transférer la science italienne sur les marchés nationaux et internationaux. L’élément innovant est identifiable dans un modèle commercial qui est aujourd’hui particulièrement attractif et en vogue sur les marchés internationaux.
Appelé « venture builder », ce modèle se positionne à cheval entre les sociétés de transfert technologique (technology transfer offices ou TTO) et le monde du capital-risque (venture capital ou VC), selon des modalités organisationnelles et stratégiques spécifiques. Son objectif est précisément de transférer la propriété intellectuelle (principalement des brevets) au sein d’une société nouvellement créée (spin-out company), qui en développera la technologie jusqu’au marché.
Monde Économique : Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
Filippo Surace : Concrètement, on fonctionne selon toutes les logiques d’une entreprise. On définit avec le partenaire académique (consortium) les critères de sélection des projets. Une fois les dossiers reçus, après une analyse minutieuse, on rencontre l’équipe de recherche qui a présenté le projet et le scientifique qui l’a mené. L’analyse que nous effectuons en amont consiste à examiner les principaux aspects commerciaux du projet de recherche : la propriété intellectuelle, le potentiel de génération de revenus, le marché cible et la solidité de la science qui le sous-tend. Enfin, nous créons une société scientifique autour du projet de recherche, autrement dit une « spin-out », ainsi qu’une société académique qui transfère la propriété intellectuelle sur le marché.
À partir de là, la société commencera à déployer tous les programmes utiles au développement de la technologie vers le marché. Le venture builder soutient toutes les composantes nécessaires (p. ex. financières, technologiques, commerciales, réglementaires), pour permettre à la société constituée d’arriver sur le marché (business to business ou B2B).
Monde Économique : Pourquoi élargissez-vous votre activité de l’Italie à la Suisse ?
Renato Del Grosso : La Suisse est un pays qui regorge de technologies, de capitaux et de talents. En créant une filiale, notre objectif est d’être présents et de créer une « Swissness » par rapport aux activités à mener. Nous sommes déjà présents avec un premier bureau administratif au Biopôle (Épalinges – Lausanne) et je réside personnellement à Genève, tout en ayant une forte mobilité afin de rencontrer des clients et des partenaires dans différents cantons (Zurich, Zoug, Bâle, Valais, Tessin).
L’objectif est de valoriser l’expérience réalisée et en cours en Italie, et de rechercher des talents, des investisseurs institutionnels (family offices, HNWIs, fonds sectoriels) et des partenaires avec lesquels nous pouvons faire du développement. Il s’agit donc d’une grande opportunité dans un marché et dans un pays proche de l’Italie, avec lequel celle-ci partage déjà de nombreuses activités dans les secteurs commercial et industriel ainsi que dans le monde des investissements (la Suisse est le premier pays en nombre d’investisseurs étrangers, au nombre de 22, sur le marché boursier italien Euronext Growth Milan).
En outre, la forte présence en Suisse de l’industrie médicale, pharmaceutique, biotechnologique et de l’intelligence artificielle devient pour nous un autre filon stratégique pour créer également une connexion de développement technologique de l’Italie vers la Suisse, et ce de différentes manières. Il peut s’agir d’accords de codéveloppement, d’accords commerciaux ou de licences de technologies créées en Italie. C’est là un autre élément qui nous a fortement convaincus d’être présents en Suisse, personnellement et aussi dans l’équipe que nous sommes en train de constituer.
Monde Économique : Quelle est votre stratégie de croissance ?
Filippo Surace : Notre stratégie de croissance est fondée sur la levée de capitaux, afin de pouvoir mettre en œuvre notre plan industriel pour les trois à cinq prochaines années. Cela signifie valoriser les sociétés actuellement en portefeuille, à partir de l’Italie et en nous étendant sur les marchés internationaux, tout en continuant à alimenter notre pipeline de projets innovants.
La prochaine étape de collecte de fonds, pour laquelle on compte sur la participation d’investisseurs institutionnels et de business angels italiens, est liée à un processus de cotation sur le marché Euronext Growth de Milan (qui aura lieu dans les prochains mois), sur lequel nous travaillons déjà depuis longtemps. Nous visons à devenir un « capital permanent », c’est-à-dire une société publique capable d’alimenter les sociétés en portefeuille et les marchés commerciaux étrangers, auxquels nous commençons à nous mesurer avec une stratégie financière bien définie.
Monde Économique : Comment se compose votre portefeuille ?
Renato Del Grosso : Comme nous l’avons mentionné, les sociétés de notre portefeuille sont issues du monde académique et ont un fort potentiel. Dans une optique de diversification des risques, nous avons créé des sociétés (diverses plateformes technologiques) qui développent des médicaments (petites molécules) tant dans le domaine des maladies rares que dans des domaines thérapeutiques à fort impact épidémiologique, comme le diabète ou les maladies neurodégénératives, où il existe encore des besoins médicaux non satisfaits.
En ce qui concerne la technologie médicale, c’est-à-dire les dispositifs médicaux et de diagnostic, on associe un composant technologique (smart device, biogel, robot) à un composant de substance active. Un autre secteur important est la nutraceutique, en pleine croissance et en expansion sur le marché, dans lequel l’Italie est un leader européen. Enfin, notre portefeuille inclut aussi des solutions d’intelligence artificielle avec des applications dans le domaine du diagnostic de laboratoire.
Monde Économique : Comment voyez-vous l’avenir ?
Filippo Surace: Renato Del Grosso : Gérer l’incertitude du contexte international, qui nous a soumis à des crises pandémiques, à des crises énergétiques et à des guerres, reste le principal défi pour tous les opérateurs économiques. Les besoins en matière de santé, notamment en raison de l’évolution démographique, vont augmenter. Notre mission sera donc de placer le patient au centre, à travers des solutions de soins et de traitements. Nous sommes déjà une équipe internationale, présente dans différents pays, avec l’objectif de créer de plus en plus de liens entre la science, la finance et le marché.
A propos de CUBE LABS
Cube Labs est le premier constructeur de capital-risque systématique dans le domaine des technologies de la santé en Italie. La société construit de nouvelles entreprises à partir d’une R&D de pointe afin de transformer la science pionnière en solutions de soins de santé. Depuis ses racines en Italie, Cube Labs est devenu une entreprise paneuropéenne dotée d’une équipe de direction internationale et de renommée mondiale.
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