Interview de Julian Lee fondateur de GuestLee, une agence spécialisée dans la location de résidences meublées appartenant à des particuliers.
Monde Economique : GuestLee est une plateforme proposant à la location des logements meublés non occupés. En quoi la Suisse est-elle propice au développement d’une telle activité ?
Julian Lee : Tout d’abord permettez-moi juste d’apporter une petite précision. Même si cela fait partie de nos ambitions, GuesLee n’est pas une plateforme de vente. C’est une agence immobilière traditionnelle spécialisée dans la location de courte durée. Notre société a été créée en vue d’apporter un embryon de solution à un problème récurrent en Suisse, à savoir la pénurie de logements disponibles pour la location. Dans certaines métropoles comme Zurich, Genève, Lausanne ou Berne, c’est toujours la croix et la bannière pour se loger alors que dans ces mêmes villes il y a quantités d’appartements et de villas vides. Si nous prenons le canton de Genève, chaque année la faiblesse du taux de vacance des logements (0,45 % en 2016), incite de nombreux ménages suisses à aller s’installer en France voisine. Conséquence de ce phénomène migratoire, aujourd’hui les salariés du Pays de Gex en France voisine éprouvent de grandes difficultés pour se loger à proximité de leurs lieux de travail. Fort de ce constat, nous avons décidé d’aller à la rencontre des propriétaires suisses disposant d’un patrimoine immobilier important afin les convaincre de louer leurs logements.
Monde Economique: Louer un appartenant meublé n’est pas sans risque pour les propriétaires. Quel dispositif avez-vous dû mettre en place pour les rassurer ?
Julian Lee: C’est sûr, mais en Suisse les propriétaires de biens immobiliers non loués commencent à prendre conscience des risques auxquels ils s’exposent à terme, sur un marché où la location de logements est tendue. A chaque échéance fiscale, le détenteur d’un bien immobilier doit assumer deux grandes catégories de dépenses, les frais d’entretien du bien qui garantissent son potentiel de plus-value à terme et la charge d’impôt. Dans les zones géographiques où il y a pénurie de biens à louer, les personnes en situation de précarité ou disposant de faibles revenus auront de plus en plus tendance à aller squatter les logements vides. Pour se protéger contre un tel risque de nos jours la seule alternative viable c’est la location. Pour rassurer les futurs propriétaires nous procédons à une sélection très rigoureuse des futurs locataires pour éviter les impayés. Les locataires retenus sont tenus de souscrire une police d’assurance susceptible de couvrir l’ensemble des préjudices, qu’ils pourraient occasionner à l’occasion de leur présence dans les lieux. A côté de cela, nous leur imposons de faire appel à un certains nombres de prestataires sélectionnés par nous qui se chargeront de veiller à l’entretien du bien.
Monde Economique : Sur votre plateforme vous proposez des logements de catégorie plutôt haut de gamme. Devons-nous en conclure que vos services sont destinés avant tout à une clientèle aisée ?
Julian Lee: Nos services s’adressent à toutes les personnes capables d’assumer le niveau des loyers des biens disponibles dans notre portefeuille. Il est vrai qu’en ce moment nous sommes un peu plus sollicité par une clientèle d’expatriés, dont le temps est compté et qui ne trouve pas chaussure à son pied dans le parc locatif traditionnel. En général cette clientèle, qui séjourne entre un et trois ans sur le territoire helvétique en moyenne, est en quête de biens de standing déjà meublés. Imaginez un cadre supérieur de multinationale débarquant à Genève, il doit être opérationnel tout de suite. Cette contrainte faisant, il n’a pas beaucoup de temps à consacrer à la recherche d’un appartement ni à le meubler. D’un autre côté il doit entretenir son réseau social, pour cela il lui faut disposer d’un logement suffisamment confortable pour recevoir. Sa charge de travail fait qu’il lui faut également du personnel de maison qualifié pour entretenir son logis, s’occuper de ses enfants et même l’aider à résoudre les problèmes administratifs. Comme on peut le constater, la location d’un bien ne contribue pas uniquement à améliorer les finances des propriétaires, elle a aussi un effet multiplicateur sur l’économie locale.
Monde Economique: Pour commercialiser vos produits, vous utilisez Airbnb une plateforme qui est peu affectionnée par les professionnels de l’hôtellerie dans plusieurs villes du monde. Ne craignez-vous pas de provoquer un mouvement d’hostilité similaire ici en Suisse?
Julian Lee: Concernant les éventuelles critiques dont nous pourrions faire l’objet sous prétexte de notre utilisation de places de marchés comme Airbnb, Booking.com, Housetrip etc. l’évidence voudrait que bien malhonnêtes seraient ceux qui oseraient affirmer que nous leur avons ôté le pain de la bouche. GuestLee est un pur produit de l’économie du partage. En effet nous exploitons un marché que nous avons créé de toute pièce. Tous les biens immobiliers que nous commercialisons aujourd’hui n’étaient pas disponibles sur le marché avant notre arrivée. Même si des acteurs comme Airbnb font encore l’objet de beaucoup de critiques, il faut admettre que grâce à eux, dans certains pays, leur présence a permis de réguler un marché qui fonctionnait jusque-là de manière anarchique et clandestine, en l’occurrence le marché de la location immobilière entre particuliers. Autrefois une bonne partie des recettes générées par cette activité échappait au fisc, et les contrôles de qualité étaient quasi inexistants. Nous sommes très fiers de pouvoir utiliser des places de marché virtuelles, puisque de par leur présence ces dernières nous ont évitées d’investir dans une force de vente. Selon moi des plateformes comme Airbnb sont des boosters économiques de proximité. Grâce à elles nous avons réussi à sécuriser un projet risqué par essence, à savoir la création d’entreprise.
Monde Economique: Aujourd’hui de plus en plus de communes cherchent à enrayer l’exode rural. Selon vous certains élus locaux ne devraient-ils pas faire appel à vous pour redynamiser certaines localités ?
Julian Lee: C’est sûr que les régions qui facilitent l’accès au logement peuvent augmenter de manière significative leur population. Mais ceci n’est pas suffisant pour qu’elles puissent se repeupler de manière pérenne. Pour redynamiser son tissu social, une région doit savoir se rendre attractive. Jamais une région pauvre en équipement de confort n’attirera des couples avec enfants. Pour attirer cette population il faut un minimum de services publics et des commerces de proximité. Parmi les équipements collectifs auxquels les mères de famille sont le plus sensibles, il y a la présence d’écoles, de crèches, et de cantines scolaires. A cela il faut ajouter la présence de structures médicales et de transports publics. Par ailleurs il ne faut pas oublier que le repeuplement d’une région est intimement lié à la création d’emplois. Depuis la création de GuestLee je suis régulièrement interrogé sur ces questions. C’est pour cela que j’ai décidé de créer en parallèle de mon activité principal un département spécialisé dans le conseil et les études d’impact. Ce département sera à la disposition de toutes les institutions désireuses de faire appel à notre savoir-faire.
Notre site : http://www.guestlee.com