L’année qui commence est riche de promesses pour l’ETI française Bertin Technologies. La preuve que l’on peut encore être une industrie technologique, et produire en France et en Europe, mais également que de belles carrières peuvent s’y dérouler pour des ingénieurs hommes ET femmes ! Précisions avec Karine Bizet, directrice de Business Line chez Bertin Technologies.
J’ai été la dernière employée embauchée par l’ancienne structure, Bertin&Co, en 1999. La société est aujourd’hui à la fois très différente et très semblable. Ce qui définit notre identité, c’est l’innovation technologique et l’instrumentation scientifique pour des applications critiques, et Bertin est notamment le spécialiste de la détection des menaces NRBC. Nous sommes aujourd’hui une société d’ingénierie qui développe, industrialise et fabrique des produits. La vraie révolution de ces dix dernières années est dans le mot « produit » qui est un mot que nous n’utilisions pas quand je suis rentrée chez Bertin ; nous parlions alors de « projet ». Nous avons opéré ce virage avec notre culture d’ingénieur et de scientifique ; c’est cela qui nous caractérise aujourd’hui.
Peut-être faut-il que nous nous améliorions encore pour accéder plus vite au marché et développer notre business. Mais notre cœur de métier reste la maîtrise de l’innovation, la maîtrise technologique, la maîtrise des procédés et l’approche d’ingénieur. Ce qui est très intéressant, c’est la diversité de nos compétences et la richesse des échanges que j’ai avec l’ensemble du monde de Bertin. On peut parler le matin avec un mécanicien qui conçoit un système mécanique, puis échanger dans la même journée avec un physicien, un expert en mathématiques, ou un spécialiste de la détection chimique !
L’organisation a évolué, mais nous avons su garder notre mode « projet »: une gestion des projets pour lesquels ingénieurs, docteurs et techniciens travaillent en équipe en partageant leurs compétences (électronique, mécanique, biologie…) Par exemple, nous avons récemment gagné un contrat avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) nous demandant une solution pour « préparer » un échantillon solide (de la terre par exemple) pour en faire un échantillon liquide qu’on va pouvoir analyser. Il y a pour cela un chef de projet qui connaît le sujet et le contrat, un mécanicien et une biologiste, travaillant de concert.
Une journée chez Bertin est une journée riche en échanges, et cette transversalité est importante. Il y a à la fois un mélange des genres et un socle de choses en commun, des méthodologies de travail avec un système qualité (au sens large y compris dans la partie conception) très présent et très structurant. Ce système peut sembler rigide mais quand il est bien expliqué et compris, il est vraiment d’une aide précieuse.
Nous pouvons encore progresser sur ce point. A titre personnel, j’accompagne beaucoup les collaborateurs car c’est comme cela que j’ai appris auprès de mes pairs. Je crois beaucoup à la vertu de montrer l’exemple, de prendre du temps et d’expliquer. Nous avons aussi mis en place des outils concrets de formation ces derniers mois, nous nous améliorons !
Oui c’est notre ADN, notre colonne vertébrale. Mais au-delà, oui, il a fallu évoluer, et, Bertin est passé du monde « 100% projet » à un monde où, petit à petit, nous concevons et commercialisons des produits. La part « produit » prend d’ailleurs de plus en plus de place dans notre chiffre d’affaires : 60% sont issus de la banque de produits et 40% pour les projets. La bascule s’est faite et c’est sur ce socle de compétences que nous en avons développé de nouvelles, pour travailler sur l’industrialisation de nos produits et sur les aspects de production.
Exactement. C’est impératif notamment pour la business line « life science » car nous vendons des équipements destinés au monde de la recherche. Il nous faut toujours du stock pour maitriser les délais de livraison à nos clients.
Oui, nous avons beaucoup travaillé, particulièrement ces deux dernières années, sur des évolutions de nos produits. Nous essayons d’améliorer nos gammes en permanence. Sur certains produits phares développés il y a plusieurs années maintenant, nous avons par exemple rajouté des écrans tactiles ; ce sont des innovations technologiques en apparence limitées mais elles sont perçues très positivement par les clients et elles reboostent les ventes.
Notre premier défi est bien celui du transfert industriel. Nous maitrisons parfaitement le mode projet et le développement, mais après, cela doit passer plus rapidement en mode production industrielle. Bertin compte plus d’ingénieurs que de techniciens. Nous devons faire des efforts dans la compréhension mutuelle des attentes de chacun. Le chef de produit ou le responsable technique vont développer un produit qui répond à des spécifications et intègre des innovations. Mais ensuite ce produit doit pouvoir être fabriqué en milliers d’exemplaires. Et c’est là que des questions nouvelles se posent : avons-nous choisi la bonne carte électronique en termes de composants, de pérennité, d’obsolescence, etc. ? Ce ne sont pas des choses que nous avions l’habitude de faire, ou que nous prenions en compte auparavant. Maintenant nous essayons de faire intervenir les personnes qui travaillent en production au plus tôt pour anticiper ces sujets. Nous devons être capables à la fois de créer des produits très spécifiques, qui répondent à un besoin très particulier, mais qui, d’un point de vue pratique, soient aussi reproductibles industriellement. C’est ça notre premier défi. Notre deuxième défi est celui du développement de nouveaux produits. Il faut constamment avoir cette approche « innovation produit » en plus de l’approche « innovation technologique ». C’est comme cela que nous gagnerons des parts de marchés, en plus d’en investir de nouveaux.
Cela s’est fait assez progressivement, en passant par les produits. La première filiale que nous avons ouverte était aux Etats-Unis justement pour la vente des produits Life Sciences. Les pompiers américains sont clients, la Navy aussi. C’est surtout l’apport des filiales et leur intégration qui nous a fait passer de 100% français à l’international. Il y a à la fois de la croissance interne et des rachats d’entreprises étrangères. Aux Etats-Unis, nous avons ouvert un bureau, comme à Singapour où nous sommes en train d’ouvrir une entité. Nous sommes un peu partout sur la carte du monde et nous comptons poursuivre cette croissance à l’international, car les enjeux sont partout.
Ce qui me plait, chez Bertin, c’est avant tout l’esprit d’équipe, le fait de se retrouver sur des projets avec des collègues d’horizons très divers, cette envie d’être dans la maîtrise, dans la compréhension des choses. Nous ne sommes pas seuls : un projet, c’est un pilote (un chef de projet) et un système qualité qui permet de ne pas être perdu. Par exemple, quand quelqu’un s’absente, notre système nous permet d’avancer malgré tout, que ce soit dans l’organisation des documents ou dans le déroulement du projet.
Je me reconnais vraiment dans les valeurs que nous mettons en avant dans l’entreprise : courage, confiance, esprit d’équipe, et puis ce côté socle technologique et compétences. J’ajouterai que nous pouvons prendre des risques, et nous avons le droit à l’erreur qui va avec. Je le dis souvent à mes collaborateurs : il faut analyser chaque situation puis décider si, oui ou non, la prise de risque en vaut la peine, mais nous avons le droit de nous tromper. C’est tout le paradoxe de Bertin : un cadre très structurant qui vous permet aussi d’en sortir ponctuellement.
J’ai toujours voulu faire des sciences en général et de la biologie en particulier. Très tôt j’ai su que je voulais me lancer dans les sciences et la technique, et je ne me suis plus posée de question. J’ai fait ma thèse dans un laboratoire militaire, j’ai donc rajouté le sujet « défense » par-dessus. C’était à la fois une source de motivation et de satisfaction supplémentaire.
Au niveau de la mixité nous avons probablement encore des marges de progression. Récemment, par exemple, nous avons suivi un séminaire de management. Nous étions 32, mais seulement 5 femmes dont la directrice de la qualité et la directrice des RH…. Mais mon cas particulier n’a jamais été problématique, et le fait que je sois une femme n’a pas changé grand-chose. Dans ma carrière, je n’ai jamais ressenti de frein. Chez Bertin nous pouvons nous exprimer, et nous pouvons proposer. Je pense que le problème vient plutôt d’une sous-représentation des femmes dans les filières techniques. Le nombre de filles qui choisissent maths, physique ou SVT en 1ère est largement insuffisant. On ne forme pas assez de femmes ingénieures, même si l’attractivité de la filière biologie est un peu meilleure pour les femmes. Le problème est celui de l’attractivité de ces métiers. Pourtant, nos métiers sont passionnants, car l’activité est souvent critique compte tenu des menaces sur lesquelles nous opérons. C’est avant tout la passion dans notre travail qui nous relie tous.
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