Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
Depuis quelques mois, les données sur l’emploi américain marquent un net retournement, après avoir longtemps connu des niveaux historiques. La rapidité de la dégradation est notable, tout particulièrement pour certaines catégories. C’est notamment le cas des jeunes actifs – 20-34 ans – pour lesquels le taux de chômage a franchi en octobre le seuil des 5% pour la première fois en un an et demi. Le nombre de chômeurs a en effet bondi de près de 20% en 6 mois, contre à peine plus de 10% pour la population active de plus de 20 ans. Si les données de novembre – dont la lecture est brouillée par le retour à l’emploi des grévistes de l’automobile – ont marqué une certaine embellie, cette statistique est néanmoins loin d’être anodine.
D’une part, parce que l’augmentation du taux de chômage des jeunes actifs comparé au total de la population est généralement un bon indicateur avancé de récession. D’autre part, parce que cette catégorie de la population américaine s’illustre négativement dans d’autres séries macroéconomiques. C’est le cas des retards de remboursement des crédits à la consommation, cartes de crédit et crédits Automobile en particulier. Sur ces deux terrains, c’est pour les 18-29 ans, et surtout les 30-39 ans, que l’augmentation des retards de remboursement sérieux (de plus de 90 jours) a été la plus forte ces derniers trimestres. Ces retards atteignent des niveaux significativement plus élevés qu’avant la crise Covid. Si ces catégories d’âge ne sont pas celles qui détiennent la plus grande part de ces crédits, ce sont celles qui éprouvent le plus de difficultés à faire face à des prêts dont les taux ont explosé ces derniers mois, dépassant nettement les 20% pour les cartes de crédit. En cause, une dégradation plus rapide de l’emploi, de moindres réserves d’épargne et… la fin du moratoire sur le remboursement des prêts étudiants.
Les 18-39 ans détiennent en effet 53% de la dette étudiante, et même 33% pour les seuls 30-39 ans. La reprise des remboursements des prêts étudiants, intégralement effective depuis octobre, affecte donc principalement les jeunes actifs, alors que ces derniers peinent plus que le reste de la population à respecter leurs échéances de crédits à la consommation et voient leur situation dans l’emploi se dégrader plus vite que la moyenne. Les conséquences sont notables. Contributeurs importants à la consommation discrétionnaire, grâce entre autres à une propension marginale à consommer[1] plus importante, les jeunes actifs sont également de grands contributeurs à l’investissement, résidentiel notamment. Autrement dit, ces catégories d’âge constituent un moteur crucial pour le dynamisme économique, a fortiori aux Etats-Unis, où la consommation privée représente 70% du PIB. Les pressions auxquelles les jeunes actifs sont aujourd’hui confrontés, tant du côté de l’emploi que de la charge d’intérêt, sont donc à surveiller avec attention pour déterminer la trajectoire de l’économie américaine au cours des prochains trimestres.
[1] La propension marginale à consommer est la part du revenu supplémentaire qui est consacrée à un supplément de consommation.
Rédaction achevée le 11.12.2023
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