Il y a 5 ans déjà, le 24 avril 2009, le Président des États-Unis, Barack Obama, annonçait publiquement : “America cannot lead in the 21st century unless we have the best educated, most competitive workforce in the world. ». Alors que l’Union européenne définit une intention de diplômer de l’enseignement supérieur 40% de la population pour 2020, Obama s’est fixé pour objectif, à la même échéance, d’amener l’Amérique à atteindre à nouveau le taux le plus élevé de diplômés de l’enseignement supérieur dans le monde soit 10 millions de plus d’ici à 2020.
Dans son challenge, il appelle tous les Américains à s’engager au moins une année dans un cursus d’enseignement supérieur ou professionnel avancé durant leur vie. En ses mots, “Every American will need to get more than a high school diploma. » (President Barack Obama, Joint Session of Congress, February 24, 2009). Ainsi, les adultes ne sont pas en reste puisque 6.3 millions devraient, selon les chiffres annoncés, obtenir un diplôme universitaire dans cette vision stratégique.
Aux États-Unis, une semaine d’activités est organisée à chaque rentrée universitaire pour fêter les nouveaux étudiants. Un accueil joyeux et un « Welcome » programme magistral qui scelle une appartenance à vie et annonce une réjouissance partagée d’avoir eu la chance d’être accepté dans une université américaine, si possible d’élite. Une fierté méritée de faire partie de ceux qui font avancer l’Amérique. De ce côté de l’Atlantique, une culture universitaire a été instaurée très tôt, en opposition à la culture de la rue. Elle s’est renforcée au fil des années pour devenir aujourd’hui un des piliers de l’économie du pays.
Comme un peu partout dans le monde, l’université sert la démocratie comme un sanctuaire de non-répression. Elle fait avancer les valeurs démocratiques, enseigne la pensée critique, permet aux personnes de défendre leurs opinions et protège les idées peu orthodoxes (Gutmann, 1999). L’ambition du Président Obama est un défi pour les institutions qui observent une augmentation d’étudiants alors que leurs financements se réduisent causant une nette envolée des frais de scolarité. Un investissement colossal pour l’état qui finance en partie et les parents qui s’obligent le meilleur pour leurs enfants!
Une mère m’a fièrement confié avoir dépensé un demi-million de dollars afin de financer la scolarité de ses quatre enfants pour qu’ils obtiennent chacun un bachelor et une maîtrise. Elle doit cumuler deux emplois et sacrifier ses envies de voyage, mais c’est le prix pour que ses enfants aient, « contrairement à elle » m’a-t-elle dit, une vraie carrière. Afin de les récompenser, les « parents’weekends » universitaires sont l’occasion d’une fête où tous se rassemblent, souvent eux-mêmes anciens étudiants de l’établissement, pour parler des études des juniors. Ils arborent fièrement les couleurs de l’université. Ainsi, tout est mis en place pour que l’étudiant et sa famille s’imprègnent de la culture universitaire et éprouvent une fierté, une appartenance inconditionnelle où même les professeurs flattent les étudiants en scandant sans relâche des : Vous êtes les meilleurs des meilleurs!
Les prévisions suggèrent que les postes qualifiés, requérant un diplôme d’enseignement supérieur, vont croître plus rapidement que les autres. Avec des gains moyens jusqu’à deux fois plus élevés pour les diplômés du supérieur, le titre universitaire est maintenant une évidence pour la classe moyenne. L’enseignement supérieur serait-il une réponse à la reprise économique? Clairement, oui! Ce n’est plus seulement le privilège de quelques-uns, mais plutôt une condition pour la croissance de l’emploi et de l’économie américaine aujourd’hui.
L’université pour tous, sa massification, est un chemin emprunté par nombre de pays. Par exemple, le Canada demeure le pays de l’OCDE avec le taux le plus élevé de diplômés du supérieur parmi les 25 à 64 ans à 49% contre une moyenne de 30% (OCDE, 2011a). Dans la tranche des 25 à 34 ans, le taux effleure les 56%! 38 pour cent, c’est en moyenne la proportion de la population qui a été ou va à l’université. Par ailleurs, le pourcentage de personnes ayant obtenu un diplôme universitaire est passé de 10.9 % en 1990 à 22.2 % en 2012. Aux États-Unis, le taux de diplomation pour le bachelor avoisinait 59 % en 2011 (U.S. Department of Education, National Center for Education Statistics, 2013).
Avec un taux de croissance du PIB de 1.7% en 2012 pour le Canada et de 2.8% pour les États-Unis, deux pays où l’enseignement supérieur s’avère une priorité, il semble opportun de penser qu’il existe un lien de cause à effet entre l’enseignement supérieur et la reprise économique. S’il est indéniable que de nombreux facteurs internes et externes construisent l’économie d’un pays, je pense néanmoins que solliciter l’engagement aux études d’un peuple tout entier pour défier la reprise économique est un acte qui permet d’encourager l’apprentissage et le dépassement de soi. Cette « Higher education culture » garantit une main-d’œuvre hautement qualifiée et internationalement compétitive, mais permet surtout d’amener les talentueux praticiens et scientifiques à travailler ensemble vers un but commun, l’avenir.
Dr Anne Mai Walder / Expert pour Le Monde Economique / www.WalderPublications.ch