L’innovateur, l’éternel perturbateur de l’ordre établi ?

17 juin 2014

L’innovateur, l’éternel perturbateur de l’ordre établi ?

Le terme « innovation » s’apparente, au sens littéral, à ceux d’ajustement, d’amélioration, de développement, d’étude/de projet pilote, d’expérimentation, voire de modernisation, de réforme ou de renouveau. Pourtant, au 17e siècle, le Dictionnaire Furetières définissait l’innovation comme un « changement d’une coutume, d’une chose établie depuis longtemps. En bonne politique, toutes les innovations sont dangereuses. Les innovations en matière de religion aboutissent à des schismes, à des guerres civiles » (1690).

Aujourd’hui, bien heureusement nous n’en sommes plus là. En effet, grâce, entre autres, à l’évolution des nouvelles technologies ce terme peut même, à présent, dans cette circonstance revêtir une connotation positive faisant la réputation de plus d’un esprit créatif et de quelques entreprises. Néanmoins, qu’en est-il de l’innovateur au sein de l’entreprise ?

De nos jours, la représentation de l’innovateur endosse deux facettes dichotomiques. D’un côté, il y a toujours cette conception de l’inventeur fou d’autre fois, incompris, esprit libre et créatif qui dérange, car dans sa quête d’innovation il devient le perturbateur de l’ordre établi. Il porte aussi l’apparat du visionnaire, avant-gardiste, admiré et adulé pour son talent, mais surtout son audace.

Les innovations qui plaisent sont de façon générale celles qui font rayonner l’entreprise et lui permettent de se positionner en pionnière à la pointe de son domaine. Je pense par exemple à toutes celles visibles et volontairement accessibles au grand public. Le concept de l’innovation est dans ce cas intégré dans la stratégie marketing de l’entreprise. L’innovation et les innovateurs deviennent ainsi rentables et souvent le moteur économique de l’organisation.

L'innovateur, l'éternel perturbateur de l'ordre établi ?À l’inverse, les innovations qui fâchent demeurent celles que l’on ne distingue pas, que l’on ne soupçonne pas. Il s’agit souvent de remettre en question des pratiques établies impliquant un changement. Cette modernisation, généralement nécessaire, coûte cher à l’entreprise et soulève une résistance au changement voire une peur de l’inconnu si les collaborateurs ne sont pas impliqués dans la démarche ce qui se révèle parfois un défi majeur pour le management.

Dans la course à la performance, face à la concurrence effrénée, l’innovation au sein des entreprises est inévitable et devient le leitmotif de nombreuses d’entre elles. Ainsi, n’est-il pas légitime de se poser la question de savoir s’il est judicieux d’innover par effet de mode, pour publicitairement tenir le devant de la scène, plutôt que de réfléchir à la nécessité d’un service ou d’un produit à commercialiser ou encore de s’attarder sur une modernisation attendue et réelle de l’organisation ?

La réponse ne m’appartient pas, néanmoins, il me semble pertinent de mettre en avant l’innovateur plutôt que l’innovation. Cette emphase signifierait que l’entreprise favorise l’acceptation de l’innovateur en son sein de manière formelle. En d’autres mots, il s’agirait de promouvoir la reconnaissance et la valorisation de son travail et de son esprit créatif. Pas d’affolement, tout le monde n’a pas la fibre de l’innovation et cela ne concerne que certains individus faiblement représentés, toutefois, les innovateurs insoupçonnés, cachés, deviendraient légitimes à proposer leurs idées, leurs créations et l’entreprise se surprendrait à découvrir, sans chercher, de nouveaux talents. Je souhaite clore cette réflexion en soulignant qu’il demeure toujours très peu évident, pour les collaborateurs des entreprises non issues des nouvelles technologies, de sortir des sentiers battus 14 ans après le début du 21ème siècle qui augurait, pour beaucoup, une grande ère de changement.

Dr Anne Mai Walder / Expert pour Le Monde EconomiqueDr Anne Mai Walder / Expert pour Le Monde Economique / www.WalderPublications.ch

 

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