La face féminine du manager

2 juin 2015

La face féminine du manager

Voici peu de temps encore, on n’aurait jamais osé parler de « management émotionnel ». L’Intelligence émotionnelle elle-même était un univers quasiment inexploré voici une trentaine d’années. Ce n’est qu’en 1995 qu’un « illuminé », du nom de Daniel Goleman, alors journaliste au New York Times, sort son livre « Emotional Intelligence », qui allait, aussi bien en anglais qu’en français, devenir une référence.

De là à appliquer cette notion au management, il y avait cependant encore un pas, sinon un fossé, que peu de leaders osent franchir encore aujourd’hui. En beaucoup d’endroits, on est plutôt prié de laisser ses émotions au vestiaire, pour passer aux… choses sérieuses.

D’ailleurs, dans les Années 90 encore, le fameux « QI », érigeait le rationnel en dogme et le rendait même indissociable de la réussite, au service souvent d’un machisme douteux, qui se cache davantage aujourd’hui, mais n’a pas totalement disparu.

La souffrance dans les entreprises est due essentiellement à des « managers toxiques », comme les appelle fort à propos Xavier Camby, dans son passionnant ouvrage « 48 Clés pour un management durable ». Sous leur influence, la démotivation et le stress se répandent comme une gangrène, tandis que les collaborateurs se sentent pressés comme des citrons.

Pourtant, les managers qui montrent et démontrent la voie juste de la réussite ne sont pas difficiles à trouver et leur exemple recèle une étonnante puissance.

Gottlieb Duttweiler, le génial créateur de la Migros ne déclarait-il pas « Ce qui n’est pas organisé est puissant, l’irrationnel est décisif » ? Toute son action, il l’a placée sous la maxime « L’Homme au centre des préoccupations », et ceci dans la première moitié du XXème siècle !

Nicolas Hayek s’exclamait, à l’aube de la grande crise horlogère des années 80 : « même si la crise devait être longue et dure, nous ne renverrons pas de personnel », tout en se définissant comme « un être normal, qui croit encore au Père-Noël et au miracle… » Dans les douze mois suivant, l’action de son Groupe se bonifiait de 110% !

Ecoutez aussi Jean-Claude Biver, autre incarnation du succès : « Ma devise est l’éthique basée sur l’amour » ou encore « Je suis prêt à écouter, à mettre en valeur, à me remettre en cause… »

A travers ces paroles, on perçoit très clairement que ces leaders d’exception possèdent en main tous les atouts de l’Intelligence émotionnelle. Des atouts qu’ils jouent à la perfection pour faire de leur management un art. Ils le vivent « dans la zone », comme on le dit des grands champions qui gagnent le match ou franchissent la ligne en tête.

Tout d’abord, une connaissance de soi parfaite est nécessaire afin d’être capable de capter ses états internes et de les gérer. Les émotions sont de l’énergie pure, qu’il s’agit donc de canaliser, c’est cela, l’Intelligence émotionnelle ! Elle mène à une saine et fiable confiance en soi et à une maîtrise de ses ressentis telle que l’on peut les exprimer sans diffuser autour de soi une image de faiblesse.

Ses principales caractéristiques sont volontiers qualifiées de « féminines », ce qui explique peut-être que certains hommes les écartent de leur management… Communiquer, comprendre, compatir, motiver en sont les composantes essentielles, auxquelles s’ajoutent courage et recherche de l’adhésion, compréhension et amour de l’autre, autrement dit, n’ayons pas peur des mots, pouvoir de séduction. Et la liste n’est pas exhaustive, il conviendrait d’y ajouter passion, foi et instinct, autrement dit le fameux « sixième sens ».

Ainsi pourrait-on penser que les femmes possèdent des atouts déterminants pour la réussite, ce qui rend d’autant plus exotique une situation misérable : elles ne sont que 6% à garnir le top management des cent plus grandes entreprises suisses !

Cela montre bien que le management accompli relève d’une alchimie complexe. Aussi bien pour les femmes qui ne doivent « singer » en aucun cas les hommes, pour lesquels l’enjeu est d’exprimer les compétences émotionnelles qui, loin de les affaiblir, vont amplifier leur action.

Je vous propose en point d’orgue de cette chronique de méditer cette belle formule du professeur Antonio Damasio : « Le cœur a ses raisons que la raison n’ignore pas ».

Passionnément à vous.

 

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