Photo Coline Pavot © LFDE
Par Coline Pavot, Responsable de la Recherche Investissement Responsable chez La Financière de l’Echiquier
La voiture électrique, a-t-elle un avenir ? Plébiscitée par le Parlement européen qui a prononcé, début 2023, l’interdiction de la vente des véhicules thermiques et hybrides en Europe à compter de 2035, la pertinence environnementale de ces véhicules est remise en question par ses détracteurs. Malgré ce débat, tous les scenarii, dont ceux du GIEC[1], s’accordent : l’électrification des véhicules est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques et réduire notre dépendance au pétrole. Au-delà des enjeux environnementaux entourant son déploiement, nous souhaitons aujourd’hui dans cette lettre interroger les nombreux défis sociaux liés au développement de cette industrie.
Alors qu’outre-Atlantique, le plan de stock-options astronomique[2] proposé pour Elon Musk a été validé par les actionnaires de Tesla, au grand dam des investisseurs responsables, en Europe se pose le défi de l’accessibilité financière des véhicules électriques, essentielle à leur démocratisation. Si le coût d’achat d’une voiture électrique est estimé entre 25 et 50% plus cher qu’un véhicule thermique équivalent, elle serait à l’usage 36% moins chère[3]. Face à cet enjeu, le gouvernement français a instauré un dispositif de leasing social permettant aux foyers modestes d’accéder à une voiture électrique fabriquée en Europe, pour 100 € par mois. Victime de son succès, ce programme a dû être suspendu en février 2024, deux mois après son lancement. L’idéal de la voiture électrique pour tous semble s’éloigner.
Face aux subventions que Pékin accorde à ses constructeurs, l’Europe et les Etats-Unis ont déployé des mesures protectionnistes taxant les importations de véhicules électriques chinois. Cette augmentation des droits de douane a pour objectif de donner aux constructeurs le temps de travailler sur leurs coûts et rester ainsi compétitifs, dans la bataille commerciale sur l’accessibilité de ces véhicules. Elle doit également permettre d’accélérer la relocalisation de cette chaîne de valeur, créant des emplois en Europe, réduisant la dépendance à l’Asie et diminuant l’impact de la fabrication des véhicules grâce à un mix énergétique moins carboné.
Dans un contexte de guerre des prix, certains constructeurs adoptent des techniques de conception qui rendent la réparation économiquement inintéressante, voire techniquement impossible. C’est le cas par exemple du « giga-casting », procédé consistant à produire l’équivalent de plusieurs pièces automobiles d’un seul bloc. Ces pratiques, qui fragilisent la thèse d’impact environnemental positif de ces véhicules du fait de leur obsolescence programmée, posent des questions sociales liées à l’inflation du coût d’entretien des véhicules – réparation, assurance…. Un coût qui pourrait fragiliser les propriétaires de cette nouvelle génération de véhicules plus accessibles à l’achat. L’absence de normes garantissant la durabilité des véhicules vendus sur le marché européen risque d’aboutir à la généralisation de ces pratiques, créant un modèle de voiture électrique jetable. Il est urgent d’agir auprès des régulateurs et des entreprises pour limiter la diffusion de ces pratiques délétères.
Chez LFDE, nous nous efforçons d’accompagner la transition de cette industrie, en soutenant différents acteurs de la chaîne de valeur. Nous analysons en détail les entreprises ciblées – en particulier grâce à notre méthodologie propriétaire « Maturité Climat et Biodiversité » – afin de nous assurer de la maîtrise de leurs externalités environnementales négatives et de la bonne prise en compte des enjeux de transition juste dans leur modèle d’affaires. Ces thèmes, essentiels à la durabilité de leurs modèles d’affaires, font l’objet d’engagements approfondis, en particulier dans le cadre de nos fonds à impact, afin d’encourager l’adoption des meilleures pratiques.
[1] Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat.
[2] Le plan validé lors de l’AG 2024 est valorisé à près de 56 milliards de dollars.
[3] Pourquoi les voitures électriques coûtent moins cher que les thermiques ? lacentrale.fr 17/06/24.
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