Espace de collaboration, le bureau est aussi, dans un certain degré, un espace de communication. Le lieu de travail est aussi un lieu de vie où l’on passe l’essentiel de la journée. Mais est-il pour autant l’endroit idéal pour les échanges et les épanchements verbaux ?
La tentation est effectivement grande de raconter quelques potins au bureau, de commenter les supérieurs à la cafétéria ou de se répandre en confidences dans ce lieu particulièrement prisé pour les échanges entre collègues qu’est le distributeur de boissons, témoin privilégié du flux quotidien d’une abondante information personnelle.
Mais la pratique et l’expérience montrent que parfois les élans de sincérité et les excès de spontanéité verbale finissent par se payer cher. Pour commencer, les critiques à l’encontre de supérieurs hiérarchiques et même de collègues peuvent mener à un licenciement motivé « pour faute grave ». Que ces critiques soient proférées sur le lieu du travail ou en dehors ne change rien ; invariablement assimilées au méfait de la diffamation, elles sont passibles de sanctions. Certes, les cas d’application de cette mesure extrême qu’est le licenciement sont plutôt rares et restent limités à ceux qui récidivent dans le dénigrement. La plupart du temps, le départ forcé est précédé de tentatives de conciliation et de la prise en compte de multiples facteurs.
Une critique constructive, directe en même temps que discrète.
Mais dès lors la question se pose de savoir si les ennuis que peuvent susciter les critiques et que tout employé aurait grand intérêt à s’épargner, ne tendraient pas à fermer la bouche à tout commentaire qui ne soit pas exclusivement positif ?
Non. Chaque entreprise qui veut aller de l’avant et évoluer de la meilleure manière doit permettre l’expression libre et accepter une marge de critique. Même négatifs, les commentaires et les observations doivent être toujours permis quand ils sont constructifs, ouverts et directs. Car la critique est plausible seulement quand exprimée devant celui qu’elle vise réellement, et c’est seulement alors qu’elle peut être, éventuellement, considérée comme libre de partialité malicieuse et d’aigreur personnelle. Directe, la critique doit en même temps être discrète : en l’exprimant ouvertement devant son destinataire, il faut veiller à ce que ce ne soit pas fait en présence d’autres collègues, chose qui nuirait à l’image et à la réputation de la personne visée, surtout si elle a des responsabilités managériales.
Surmonter « l’esprit de cafétéria » : renoncer au commérage, limiter ses confidences.
Plus « léger » et plus subtil que les détractions de type professionnelles, échappant aux poursuites et aux sanctions auxquelles peuvent être sujettes ces dernières, le commérage est une autre expression de volubilité indésirable qui, à sa manière subversive, peut attirer des ennuis à celles et à ceux qui la pratiquent.
En favorisant l’intrusion des détails de vies privées dans le domaine professionnel, les potins mènent à une détérioration de l’atmosphère de confiance qui règne dans l’entreprise. Dès lors, la réputation de colporteur de ragots n’est point enviable : une telle personne est considérée comme malveillante et peu crédible, y compris professionnellement.
Les confidences personnelles sont une autre grande tentation pour les volubiles dans l’entreprise. Beaucoup d’entre eux confondent la cafétéria avec une sorte de confessionnal ou de cabinet de psychanalyse. Ils s’y épanchent, s’y livrent entièrement. Une si naïve spontanéité ne tarde pas à se heurter à la dure réalité de la l’hypocrisie et de la traîtrise. Ceux qui, en milieu de travail, s’adonnent au facile exercice de la confidence privée ne doivent pas s’étonner de se voir trahir et constater bientôt qu’une bonne partie de leurs collègues et même de leurs supérieurs se régalent de détails croustillants de leur vie personnelle.
Bien évidemment, on ne peut pas museler les « libres- parleurs » (pris au large de ce mot) dans l’entreprise – tous ceux qui donnent libre cours verbal à leurs pensées, allant de la critique strictement professionnelle aux derniers détails de leur vie privée, en passant par des commentaires sur la vie des autres. Le seul conseil à donner, sans pour autant sous –estimer l’importance des échanges humains, est de ne pas oublier la vocation principale du bureau, celle d’être un lieu de travail plutôt que de communication libre, un domaine d’action plutôt que parole.
D’ailleurs, il n’y a que le travail assidu et consciencieux pour nous rendre plus équilibrés, modérer nos paroles, tempérer nos passions et nous infuser cette dose d’humilité et de discrétion qui nous est si nécessaire pour agir en équipe et contribuer à l’œuvre collective de l’entreprise.