Contrairement à ce que l’on prétend le plus souvent, être au milieu ne signifie pas toujours occuper la position la plus confortable qu’on puisse souhaiter. Ledit milieu n’est pas toujours aussi juste que l’on l’imagine et ce n’est que trop vrai quand on parle de la situation de travail du corps intermédiaire dans l’entreprise.
Soumis à une pression accrue ces dernières années, le middle management doit subir tous les effets « secondaires » des transformations dont il est le promoteur et le réalisateur effectif. D’autre part, placés entre la catégorie des cadres de direction et celle des employés, les gestionnaires intermédiaires doivent souvent essuyer des critiques venant tant des cadres supérieurs que de subordonnés de plus en plus contestataires et intolérants à l’égard du fonctionnement hiérarchique.
Avec une pression aussi forte agissant à la fois sens ascendant et en sens descendant, avec, d’autre part, un portefeuille de missions dont le nombre a carrément explosé ces derniers temps, il faut vraiment avoir des nerfs solides pour poursuivre son engagement et ne pas abandonner, ni basculer dans le burnout.
Chargés de tâches diverses, ils sont de plus en plus désinvestis de leur fonction principale.
Car la multiplicité des tâches autour desquelles ces cadres médians s’affairent tout au long de la journée prédispose inévitablement au syndrome d’épuisement professionnel. Mais pas seulement : situés dans l’« entre- deux » de l’entreprise, les managers intermédiaires sont aussi à mi-chemin du burnout et d’un bore-out provoqué par la démotivation et la démoralisation. Comme l’explique Paul Osterman dans son livre The Truth about the middle managers, obligés d’accomplir de nombreuses tâches, le plus souvent très variées et de nature très différente, étant désormais à la fois chefs d’équipe, fournisseurs d’information, évaluateurs, intervenants, négociateurs, médiateurs de conflit et même agents de commerce, les cadres du « milieu » voient leur fonction principale échapper et son sens stratégique se dissiper de plus en plus. Tant de choses qui bouchent l’horizon, tant d’entraves à la croissance professionnelle, tant de contraintes qui s’entre- posent entre le cadre et sa fonction principale
Pourtant, au départ, cette fonction principale était claire et très nettement définie : assurer le lien entre la direction et les employés, faciliter la communication entre ces deux catégories entre lesquelles, notamment, sur l’échelle hiérarchique, se situe le « middle management ». Le gestionnaire intermédiaire a comme responsabilité principale la charge de la médiation entre le « haut » et le « bas » : il transmet aux employés les objectifs de l’entreprise fixés par la haute administration, explique la nécessité de changements imposés par la réalisation de ces objectifs, justifie le bien- fondé de certaines restructurations. Faisant ceci, il prend en même temps le pouls de la situation d’« en bas » : il recueille des opinions, se renseigne sur l’esprit général qui règne au sein des subordonnés, étudie la manière dont les changements en sont perçus, s’informe sur les éventuelles inquiétudes et les interrogations des exécutants. Cette responsabilité accordait au cadre intermédiaire une marge importante de liberté d’action et un certain pouvoir décisionnel. Cela a longtemps été le cas.
Mais l’est de moins en moins aujourd’hui.
D’où une démotivation qui peut souvent se transformer en amertume, voire, comme certains observateurs le notent, en une attitude cynique envers tant subordonnés que supérieurs. Alors, que faire pour remédier à une telle situation ?
Comment revaloriser le travail des gestionnaires intermédiaires ?
Une récompense financière adéquate qui prend en compte les efforts redoublés de ces cadres ne résoudrait tout : leur démotivation persistera tant qu’ils ne retrouvent pas le sens stratégique de leur travail. Le re-«empowerment » de ces cadres passera donc par la valorisation de ce qui fait l’essentiel de leur travail et leur confère un réel pouvoir de décision, à savoir leur rôle susmentionné de médiateurs en même temps que de promoteurs effectifs de tout changement initié dans l’entreprise. Connaissant mieux que leurs supérieurs la manière dont les transformations prévues sont perçues par les subordonnés, les « intermédiaires » sont les seuls à pouvoir réaliser une analyse pertinente de la situation et à préparer des propositions concrètes en vue de l’application réussie de ces transformations.
C’est ce rôle stratégique d’analyse, de proposition et, par conséquent – de décision et de pouvoir réel sur la marche des choses que les gestionnaires intermédiaires devraient retrouver.