Le cahier des charges: plaidoyer pour une définition claire des responsabilités. Par Claudia Schweizer

28 février 2012

Le cahier des charges: plaidoyer pour une définition claire des responsabilités. Par Claudia Schweizer

Imaginez un petit groupe d’amis réunis autour d’un plan de ville: ce pourrait être Genève ou Neuchâtel, ou toute autre ville quelle que soit sa taille. Ces amis cherchent, dans leur conversation, à délimiter le centre de la ville et sa périphérie. Le consensus est difficile à trouver: doivent-ils définir le centre en se basant sur des arguments géographiques, culturels, historiques ou économiques? Les arguments, tous pertinents, donnent la mesure de la complexité de la tâche.

Peu à peu toutefois un consensus se dessine, consensus qui tient compte des différents éléments évoqués et qui permet, aux yeux de tous, de dessiner les contours du centre de la ville et donc de sa périphérie.

Transposez maintenant cette discussion dans le cadre d’une entreprise autour de la définition des fonctions. Tout comme la discussion autour d’un plan de ville peut se révéler ardue, il n’est pas plus aisé de définir ce qui est central à une fonction et ce qui lui est périphérique: telle tâches ou responsabilité est-elle directement liée à la raison d’être du poste, ou peut-elle être considérée comme un « plus occasionnel »? Telle responsabilité doit-elle incomber à Monsieur Dubois ou à Madame Garnier?

Soit, direz-vous, mais ces questions ont-elles une importance autre que d’alimenter un débat au sein du département des ressources humaines et de justifier leur expertise?

Elles l’ont, bien entendu! L’expérience montre en effet que c’est dans les zones floues de chaque fonction, là où les postes ont tendances à se recouper parce que mal définis, que se situent les problèmes potentiels: problèmes de communication, problèmes de prise de décision, problèmes d’autorité, avec leurs corolaires que sont les conflits larvés ou déclarés, les attitudes de résistance passive ou de démission. Lorsque je ne sais pas avec certitude les responsabilités que je dois assumer et que mon collègue effectue des tâches qui, selon moi, devraient me revenir, je risque fort de me sentir en porte à faux vis-à-vis de ma hiérarchie ainsi que de mes collègues.

De nombreuses entreprises pourtant font encore l’impasse d’un cahier des charges, confiant à leurs collaborateurs le soin de trouver leur place dans l’organisation en se basant sur l’usage. Il s’agit là d’un pari dangereux qui met à rude épreuve la bonne volonté des collaborateurs, leur capacité d’adaptation et leur sens de la collaboration. Bien souvent, c’est lors d’une réorganisation interne, lorsque les fonctions et les processus de travail qui les lient sont appelés à se modifier, que la nécessité de définir clairement ce qui est attendu de chacun se fait jour. Le cahier des charges devient ainsi un outil au service du changement, un outil visant à diminuer l’incertitude par l’apport d’un cadre clair.

Toutefois, lorsque le cahier des charges existe, il souffre encore bien souvent d’approximations qui invitent à toutes sortes d’interprétations. Que penser en effet de tâches telles que « saisie de données sous SAP »? Le titulaire du poste est-il chargé de:

  • Organiser la saisie de données sous SAP?
  • Saisir les données sous SAP?
  • Superviser la saisie des données sous SAP?

On comprend sans peine comment, en privilégiant l’une ou l’autre de ces versions, le collaborateur risque d’en faire trop ou pas assez! Un tel cahier des charges ne favorise pas non plus une évaluation constructive de l’adéquation du titulaire aux exigences du poste, telle qu’elle peut être menée lors des entretiens annuels; les attentes en effet prêtent à trop de confusion pour qu’elles puissent servir de mesure à une appréciation du travail.

Un cahier des charges utile est donc un cahier des charges dans lequel les missions, tâches et responsabilités ont été clairement définies à l’aide d’un verbe qui marque le territoire d’action de la personne. Outre les exigences formelles, il sera idéalement assorti d’une liste des compétences à la fois techniques, relationnelles, personnelles voire managériales dont le titulaire devra faire preuve pour assumer au mieux sa fonction. Ces indications permettront au titulaire de comprendre ce qui est attendu de lui et à son encadrement de définir dans quelle mesure il répond aux attentes, voire de formuler le cas échéant des propositions visant à développer les compétences manquantes, c’est-à-dire celles qui, insuffisamment développées, l’empêche d’assumer ses responsabilités à satisfaction. Un tel document permet de réduire les marges d’interprétation à laquelle est soumise toute prise de responsabilité au sein d’un organisme, ainsi que d’empêcher les imprécisions de devenir le catalyseur de difficultés.

Consultante pour le cabinet conseil cbva SA, Claudia Schweizer collabore avec Le Monde Economique en qualité d’experte

 

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