LE CALIFORNIA DREAMING ET SES SUPPORTS HICH-TECH

1 novembre 2015

LE CALIFORNIA DREAMING ET SES SUPPORTS HICH-TECH

Dans les décennies précédentes, elle nous charmait avec son éternel été, ses plages, son Holywood et son « lifestyle » qui, s’exposant langoureusement dans des films et des séries télé, faisait rêver la planète entière. Qui, vingt cinq ans en arrière, aurait supposé que c’est justement sur les doux sables du « Golden State » qu’allait solidement s’enraciner la haute technologie numérique et qui pouvait imaginer des entreprises comme Google, Apple, Facebook et Twitter dans une Californie qu’on croyait réservée aux purs loisirs du beach, aux caresses du Pacific et au glamour de Holywood ? Et qui aurait cru à une Californie- centre non seulement du numérique mais aussi des biotechnologies, des nanotechnologies et du cleantech ? Certes, la Silicon Valley existait déjà mais peu nombreux étaient ceux qui connaissaient son ancrage californien ; les mots-clés évocateurs de la Côte Ouest étant bien plutôt « Malibu », « Santa Barbara », « San Francisco Bay », « Sunset Boulevard ». C’était tout un imaginaire d’évasion et d’oisiveté sensuelles qui, nourri en grande partie par une production artistique elle aussi holywoodienne- californienne, fascinait le monde et consacrait l’image de ce coin de l’Amérique comme d’un paradis terrestre. Alors, quel rapport entre, d’un côté, ce paradis de la détente idéale et, d’autre côté, l’image de la Californie comme épicentre mondial du grand bouleversement numérique et plus généralement technologique des dernières années ?

Les deux paraissent parfaitement incompatibles et pourtant il y quelque chose qui les relie. On peut le comprendre à la lumière de ce que les chercheurs Walker et Suresh avaient écrit à propos de cet Etat étonnant le décrivant comme une « terre de mythes, tournée vers les utopies de tous ordres ». Paradis terrestre dont la géographie raconte la légende dorée d’anges (Los Angeles) et de saints (San Francisco, Santa Barbara, San Diego), Eldorado vers lequel se ruaient les chercheurs du métal précieux, centre de la fiction cinématographique (avec Holywood), la Californie est désormais le laboratoire d’expérimentation de toutes les utopies ou demi- utopies du monde globalisé. Elle reste donc fidèle à elle-même – des mythes fondateurs du passé aux modèles visionnaires de l’époque Internet (à la diffusion duquel il a si largement contribué) en passant par la promotion de sa propre image comme, notamment, un paradis moderne, le « Golden State » n’a rien trahi de son esprit d’inventivité, de créativité et de son imagination. Dans ce sens, les hautes technologies développées ces dernières deux décennies n’apparaissent que comme le support parfait que l’astucieuse Côte Ouest aurait élaboré pour mieux diffuser son propre débordant imaginaire tout en devenant l’émetteur des rêves, des fantasmes et parfois des doutes et des appréhensions d’un monde désormais globalisé.

Mais les utopies du futur et les légendes dorées des saints, des chercheurs d’or et des cinéastes sont loin d’être les seuls récits émanant du sol californien. Il y a aussi les vraies histoires de réussite humaine et d’authentiques leçons d’économie appliquée. Comme celles, par exemple, qui nous apprennent que les miracles économiques ou technologiques n’ont souvent rien de surnaturel mais qu’ils sont le résultat d’une réponse audacieuse à des situations de crise mettant à l’épreuve l’esprit d’initiative et la volonté d’entreprendre. Une des nombreuses « success stories » californiennes peut parfaitement illustrer cela : nous l’avons choisie ici car, entre autres, elle dit quelque chose des origines de cette high-tech qui fait aujourd’hui la gloire éclatante de la Californie. Eh bien, c’est l’histoire de deux jeunes étudiants qui, dans les années suivant la grande crise de 1929, ont eu la sagesse d’écouter le conseil de leur professeur universitaire et d’essayer de monter leur propre entreprise au lieu d’aller chercher du travail sur la Côte Est. L’entreprise, ils l’ont montée dans leur garage à Palo Alto ; près de 80 ans après, on peut dire que, plus qu’une réussite, la petite création de 1938 des étudiants B. Hewlett et D. Packard est une véritable révolution dans le domaine de la technologie ! « Mythe fondateur » mais surtout une histoire vraie – et une vraie leçon d’humilité, de courage et d’initiative – l’histoire de HP est aussi une illustration de cette l’alliance sacrée que l’esprit californien a inaugurée entre la fantaisie artistique- intellectuelle et l’innovation technologique : en effet, la première commande que devaient remplir les copains Hewlett et Packard dans leur garage à Palo Alto provenait de Disney (lui aussi à ses premiers balbutiements) et consistait à produire des oscillateurs audio nécessaires pour l’un des premiers dessins animés, du nom de Fantasia.

La dernière en date « fantaisie » californienne relève de cette même alliance sacrée entre invention fictionnelle et innovation high-tech : adhérant à l’idée d’une sécession faisant de l’ « Etat d’or », désormais centre mondial de la technologie de pointe, un Etat à part – indépendant des USA – le co-fondateur de PayPal Peter Thiel investit depuis plusieurs années déjà dans un projet de « ville flottante » au large de la Californie. A ce projet fait écho la volonté de Larry Page, co-fondateur et CEO de Google, de voir la terre où s’enracine sa célèbre entreprise « mise à part » et affranchie des lois américaines qui, d’après lui, empêchent les innovateurs de tester « de nouvelles technologies controversées ».

 

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