Souvent introduit comme un métier du droit, en pleine expansion en Europe depuis près de dix ans, le Contract Management est en réalité une profession singulière séduisant de plus en plus les recruteurs du fait du fort potentiel de performance qu’il déploie dans les grands groupes. Si les professions juridiques classiques (les juristes d’entreprises ou les conseils externes notamment) puisent leur reconnaissance dans leurs domaines historiques — l’application et l’interprétation de la loi —, les Contract Managers, eux, se réapproprient la matière contractuelle dans l’optique de l’approfondir et de la transporter vers une pratique à forte valeur ajoutée.
Mélange de savoir-faire juridique, de stratégie des risques, de maîtrise de l’art de la négociation et de la facilitation (résolution de conflit, gestion de crise), d’une sensibilité certaine à la gestion de projet, et de capacités à manier les mécanismes financiers d’un contrat, l’expertise du Contract Manager se révèle un atout certain dans la quête de pérennité et de développement des entreprises.
Le Contract Management (ou Gestion de contrat s’il fallait franciser) pourrait se définir comme l’activité qui consiste à développer et contrôler le cycle de vie d’un contrat complexe, de la phase d’initialisation jusqu’à son terme, par la coordination systématique et méthodique des ressources et des processus utiles à la maîtrise des risques et à l’optimisation financière[1].
On comprendra alors, que pour apporter une valeur ajoutée mesurable en jouant pleinement son rôle, le Contract Manager se doit de proposer une vision à la fois transversale (de toutes les typologies de risques et de toutes les problématiques susceptibles de surgir à l’occasion du déroulé du cycle de vie contractuel) et globale (il intervient aussi bien en avant-vente qu’en phase projet et interagit avec l’ensemble des acteurs présents à l’occasion du cycle : chefs de projet, consultants, techniciens, commerciaux, etc.)
Et, c’est justement cette vision transversale et globale, unique sur les contrats et les projets complexes, qui séduisent de plus en plus les organisations, principalement dans les secteurs des nouvelles technologies, les télécoms, l’industrie pétrolière et gazière, la construction, la défense et l’aérospatiale.
C’est pour elles, l’opportunité de s’assurer que l’optimisation du cycle de vie contractuel sera un objectif à satisfaire de façon continue : identification et actionnement des leviers commerciaux en vue de viser l’amélioration de la marge du contrat et la possibilité de revenus additionnels, par exemple.
Le Contract Management aussi une chance d’accentuer la prévalence d’un mode collaboratif dans la gestion des projets et la fourniture des services associés à de tels contrats. Le Contract Manager étant une plaque tournante, il échange au quotidien avec les prestataires, le client, les sous-traitants et, bien entendu, avec les intervenants de sa propre organisation. Il est, ainsi, à même de faciliter le développement d’une qualité relationnelle au cœur de cette toile tissée au jour le jour. Praticien de la résolution des conflits, il connaît la mécanique en jeu dans la dégradation d’une relation et les processus utiles à sa restauration ou à son évolution.
Ainsi, cette discipline offre une réponse à un constant établi en 2012 par IACCM[2] selon lequel les sociétés perdraient 9,2% de leur chiffre d’affaires annuel du fait des défaillances dans leur processus de contractualisation (mauvaise gestion des opportunités commerciales, manque de pérennisation dans les relations client-fournisseur, mesure des risques insuffisantes, etc.) L’ambition est, alors, de transiter du modèle traditionnel, purement transactionnel, vers un contrat relationnel où les cocontractants cherchent ensemble à démultiplier les bénéfices de leur partenariat.
Profession relativement nouvelle, elle attire de plus en plus les étudiants et les professionnels en reconversion de par son excellente santé sur le marché de l’emploi. Sur l’ensemble du continent européen, et tout particulièrement dans les régions francophones, l’offre de postes est supérieure à la demande. Il est, en effet, difficile de trouver des profils déjà expérimentés tant les propositions de formation sont encore faibles. Des initiatives récentes, à l’instar de l’Ecole Européenne de Contract Management (e²cm), ont, cependant, vocation à combler le vide en matière d’enseignement.
Gageons que croiser un Contract Manager dans les entreprises sera bientôt aussi fréquent qu’interagir avec un juriste ou un financier. Le Contract Management est, sans aucun doute, un métier d’avenir.
Grégory Leveau – Contract Manager et auteur de « Pratique du Contract Management »