Le dilemme de l’innovateur et le phénomène de l’innovateur, la théorie du phénomène de la firme

27 juin 2024

Le dilemme de l’innovateur et le phénomène de l’innovateur, la théorie du phénomène de la firme

Photo Alex Chenevrier © A. Chenevier

Modification de la définition des capacités organisationnelles 

Le plus grand problème concernant le domaine de la gestion stratégique est de comprendre comment les entreprises construisent et maintiennent un avantage concurrentiel sur le long terme (Teece, 2017). Face à ce dernier, persistant depuis longtemps, la macro-économiste Dambisa Moyo a recommandé dans son livre de « créer une croissance économique durable au XXIe siècle nécessite, rien de moins, que de réorganiser de manière agressive le plus grand moteur de croissance de l’histoire, […] le capitalisme lui-même ».

Le sujet s’est aggravé puisque la question du « capitalisme dans sa forme actuelle » réf. l’anthropologue Gillian Tett, chef éditeur du Financial Time, « n’est pas ce qu’Adam Smith a esquissé ». Cet argument a été motivé par notamment l’économiste Yanis Vafourakis décrivant l’avènement des « systèmes féodaux du cloud​​» dans son livre « Technofeodalism ».

Aujourd’hui, le « puzzle des compétences », c’est-à-dire « démarrer, pivoter, grandir, pivoter, re-tester, pivoter » aussi souvent que nécessaire, rencontre une certaine lassitude. Les théories, les cadres et les catégories ne sont sans doute pas convaincants. En fin de compte, ce qui devient clair, c’est que les entreprises ne peuvent pas espérer « acheter » un avantage concurrentiel durable sur des marchés ouverts. De tels avantages doivent plutôt être trouvés dans les ressources rares, imparfaitement imitables et non substituables déjà contrôlées par une entreprise (Dierckx & Cool, 1989). 
 
Dans cette optique, en se concentrant sur la théorie de l'entreprise, les théories évolutionnistes peuvent être considérées comme un sous-ensemble d'une classe plus large de théories, diversement décrites comme des théories des « capacités organisationnelles», « basées sur les ressources » ou « basées sur les compétences ».  Spécifiquement, il existe aujourd’hui un consensus et une admiration concernant les capacités organisationnelles, même s’ils conservent le caractère « abstrait » et donc « d’utilité limitée » (Chenevier, Teece, 2021).
 

Dans ce réaménagement, d’une ampleur unique, la recherche stratégique, chargée d’un immense corpus de grammaire obscurcissant, occulte le fait que l’avantage concurrentiel et la performance sont liés par définition et non par fonctionnalité (Powell, 2002). Cette description « de déplacement » ouvre la possibilité de requalifier l’entreprise en tant que phénomène économique. Cet article vise à introduire ce nouveau cadre, c’est-à-dire « déchiffrer le code du changement philosophique », en façonnant les phénomènes économiques – avec un répertoire complet et intuitif – qui périmètrent, équilibrent et enferment la complexité dans des îlots incluant alors leurs réciprocités.

Les phénomènes économiques sont composés d’abstractions

De manière décisive, Knight a déclaré que « la conception même d’une science exacte » implique l’abstraction, c’est-à-dire des chaînes individuelles de séquences par des processus ou comportements logiques, appelés lois, qui sont des descriptions des éléments séparés des phénomènes […]. Par la suite, la manière de trouver « la mère de l’invention » (Wiley, 1969), c’est-à-dire les intéractions entre la conscience pure et ses objets, peut être périmétrer dans la réduction phénoménologique, une méthode par laquelle toutes les connaissances factuelles et hypothèses raisonnées sur un phénomène sont établies de telle sorte que l’intuition pure de son phénomène puisse être trouvée et analysée (Husserl, 1931).

Kant (Kemp, 1968) a invoqué le schéma transcendantal, condition préalable à toute expérience possible. Senge (1990), apôtre de l’organisation apprenante, a mis l’accent sur la « pensée systémique » en tant que « discipline qui intègre les disciplines », articulant l’apprentissage génératif (c’est-à-dire actif) et adaptatif (c’est-à-dire passif) comme alternative philosophique ; […] au « réductionnisme » omniprésent de la culture occidentale – la recherche de réponses simples à des problèmes complexes -. Précisément, les capacités peuvent être considérées abstraitement comme des « biens intermédiaires » (Amit, 1993).

Les phénomènes économiques sont des taxonomies de 4 types d'abstraction qui équivalent à 4 types de capacités 
 
En réorganisant ces « biens intermédiaires » dans les enseignements d'Aristote (1937), chaque changement, y compris la naissance, prend en compte sa composition physique, sa forme essentielle, ses influences externes et son but ultime. Il s’agit ici d’apporter la version actualisée dans la théorie de l’entreprise, « la raison pour laquelle les entreprises […] existent est que leurs présences transfrontalières, leurs capacités entrepreneuriales et leurs capacités organisationnelles font partie intégrante du processus de création et de co-création de marché, tant en amont qu’en aval, et aussi latéralement. (Teece, 2014). 
 
Dans la même veine, Collis (1994) a enregistré quatre types de capacités organisationnelles, permettant l’analyse de toutes les actions et conséquences, de manière isolée : […] niveau zéro, améliorations dynamiques, « capable de reconnaître la valeur intrinsèque des autres ressources » et « méta-capacités »/ad infini. Formalisé d’une manière différente, les phénomènes économiques révèlent une lecture horizontale qui permet d’apprendre à regarder au-delà de ce qui est proche, […] à mieux le voir dans un tout plus vaste et dans une proportion plus vraie (Kaiser, 2014 : 3501).
 
Les 4 types de capacités sont composés de niveau zéro, ordinaire, dynamique -qui peuvent être divisés en deux groupes-
 
Sur les fondations indispensables construites par Dr Teece i.e. capacités ordinaires et dynamiques identifiées, il est désormais possible de mettre « au carré » le niveau zéro et la méta-capacité/infini aux deux extrémités du phénomène. Ainsi, les abstractions dans le domaine général de la connaissance sont des capacités organisationnelles dans le domaine de l’économie. Ils déploient un champ longitudinal d'études des phénomènes intra-organisationnels incl. niveau zéro, capacité ordinaire, dynamique et méta (Chenevier, 2024).
Phénomènes économiques
Niveau Zero level – Collis,Ordinaire- Teece,Dynamique – Teece,Collis – infinitum,
PS : Dans son livre sur le dilemme de l'innovateur, Dr Christensen - bien sûr - a légitimement suscité de l'anxiété chez les praticiens, mais [rétrospectivement] il a omis de déplacer ses découvertes dans des liens cognitifs, bien que disponibles dans les principes des capacités organisationnelles. Par conséquent, sa description « Les capacités organisationnelles d’une organisation deviennent leurs dysfonctionnements lorsque la perturbation/rupture est en cours » (2003 : 7) est désormais assimilée-systématisée dans la grammaire des capacités du Dr Teece, sous le nom de désactivé. (Chenevier, 2024)
 

Les phénomènes d’innovation transforment le piège de l’abstraction des capacités en une méthode significative

L’essentiel est que la compositionnalité est problématique […] dans le sens ou tout n’est pas seulement déterminé par le sens des parties, mais en réalité [aussi] les alimentent  produisant des changements dans la signification des parties. (Janssen, 1997)

À ce stade, une définition révisée de Teece, Pisano et Shuen (1997) est désormais disponible. « La capacité de l’entreprise à intégrer et à construire, avant de reconfigurer les compétences internes et externes pour faire face à des environnements en évolution rapide » peut désormais devenir « La capacité de l’entreprise à intégrer et à construire, avant de reconfigurer souvent de manière sélective, parfois simultanément, les compétences internes et externes pour faire face à des environnements en évolution rapide ». (Chenevier, 2024).

Phénomène économiques
Niveau zero – Collis,Ordinaire – Teece,Dynamique – Teece,Dynamique, – Chenevier
    
  Souvent de manière selectiveParfois de manière concurrentielle

Conclusion

Quoi qu’il en soit, cette analyse économique de l’entreprise [réf. le principe de capacités organisationnelles] renforcera et enrichira un rôle plus varié et positif pour les managers que celui des dirigeants larcins (théorie de l’agence) ou des automates anonymes (modèles de minimisation et d’optimisation des coûts) (Teece, 2014).

Peut-être que les phénomènes économiques sont une « résolution temporelle » du paradoxe (Volberda, 1988). En fin de compte, Lao Tseu a compris que la « réalité mondaine » pouvait être appréhendée à travers des distinctions perceptuelles et conceptuelles. Mais en réalité, toutes ces distinctions disparaissent. En accumulant des connaissances, nous sommes invités à renoncer au mental.

PS : Je suis très reconnaissant pour les commentaires et l’approbation du professeur Teece, UC Berkeley

Alex Chenevier Discontinuous Innovation specialist

alex.chenevier@managitech.com

 

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