Par Dessy Damianova
Première à subir les effets sanitaires et humanitaires de l’épidémie du coronavirus, la Chine est aussi la première à être menacée des consternantes conséquences économiques de cette maladie. La croissance du géant asiatique s’oriente très nettement à la baisse, ce qui vient renforcer une tendance plus générale de ralentissement et d’essoufflement de l’économie chinoise amorcée depuis 2016 et affectant plus particulièrement le secteur des exportations.
En premier lieu – cette gigantesque initiative de construction appelée « La Ceinture et la Route » par laquelle, en se reliant aux autres continents par des liaisons maritimes et par des voies ferroviaires, la Chine veut à la fois restituer la gloire de sa mythique « Route de la Soie » et consacrer sa nouvelle gloire de puissance économique prétendant à l’hégémonie mondiale.
La crise du coronavirus en a pourtant décidé autrement. Au lieu d’une « Ceinture » chinoise autour du monde – des cordons sanitaires à l’infini, au lieu d’une hégémonie – une pandémie démarrée de la République populaire et se répandant partout sur la planète. Mais, en effet, que représentait « La Ceinture et la Route » dont le ralentissement est parmi les dommages les plus considérables causés par l’épidémie du coronavirus à l’économie chinoise et qui, d’autre part, à l’échelle mondiale et à l’heure actuelle, est bien la plus ample initiative économique à être mise entre parenthèses par ladite épidémie ?
Rappelons brièvement les principaux enjeux de l’initiative « Une Ceinture, une route » connue encore comme « La Nouvelle Route de la soie » et désignée en anglais comme BRI (« Belt and Road Initiative») ou OBOR (« One Belt, one Road »). Conçu pour devenir le symbole phare de la puissance économique chinoise, le projet représente donc avant tout une tentative grandiose de reconstituer l’ancienne Route de la Soie et d’étendre son trafic de biens et de marchandises à d’autres continents.
Inaugurée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, la BRI se présente comme un ensemble de projets de construction et d’exploitation de différentes infrastructures (le plus souvent routières ou liées au transport et au transfert) dans 62 pays des cinq continents, soit à peu près partout dans le monde. Pour l’instant, les bénéficiaires de l’initiative chinoise sont principalement des pays émergents de l’Asie et de l’Afrique. Ceux de l’Asie Centrale et la Russie se sont dotées de nouveaux oléoducs et gazoducs tandis que, toujours grâce à la campagne chinoise, l’Asie du Sud-Est a vu l’apparition, sur son territoire et parfois en un rien de temps, de nouvelles villes, des zones économiques libres et de réseaux de lignes ferroviaires à grande vitesse.
Oui, mais voilà. Il y a eu cette histoire de coronavirus et les projets faisant partie de « La Ceinture et la Route » qui au moment du déclenchement de l’épidémie étaient encore en chantier, menacent de le rester un bon moment encore.
A un moment où des vies humaines sont menacées, et où, d’autre part, subissant une paralysie sans précédent analogue, l’économie chinoise s’achemine vers une récession, la « Nouvelle Route de la soie » peut certainement attendre. Bien des projets de la BRI voient leur réalisation retardée et dans certains cas clairement compromise. L’imposition de la quarantaine dans la quasi-intégralité du territoire asiatique interdit le travail d’ouvriers chinois sur des chantiers considérés comme cruciaux pour « La Ceinture et la route ». Des projets évalués à des milliards de dollars stagnent en Indonésie, en Malaisie, au Pakistan et au Sri Lanka. C’est en vain si le Pékin officiel clame à qui veut l’entendre que l’influence de l’épidémie du coronavirus sur les projets d’OBOR est limitée et de courte durée : le ralentissement de ces projets est évident et le relâchement de la Ceinture (comme certains observateurs l’ont défini) est de plus en plus sensible.
La crise du coronavirus qui a secoué initialement la Chine, sa population mais aussi son économie, nous a démontré avec une netteté frappante à quel point notre monde est devenu « sino- dépendant » et à quel point l’économie mondiale subit l’influence du géant industriel asiatique. Un géant qui, de toute évidence, ne s’est pas laissé abattre par le malicieux petit virus et qui, à l’épreuve de l’épidémie déclenchée par celui-ci, s’est révélé comme un bâtisseur tout aussi colossal qu’il l’était dans son projet de la « Ceinture et de la Route » – un bâtisseur d’hôpitaux, cette fois. L’hôpital d’urgence à Wuhan a surpris tout le monde avec la rapidité de sa construction – en seulement 10 jours – et sa capacité d’accueillir des centaines de patients.