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Par Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo
2023 a été marquée par une forte augmentation d’allégations de greenwashing, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la finance[1]. Dans de nombreux cas, ces allégations ont donné lieu à des procédures judiciaires formelles et, dans certains cas, à des amendes[2]. Lutter contre le greenwashing de cette manière est un signe encourageant d’un marché qui fonctionne bien et qui ne doit pas être perçu comme la preuve que la science de la durabilité relève d’un « ordre du jour gaucho-wokiste » incompatible avec la notion de « marché libre ». Négliger les risques de durabilité sur cette base reviendrait donc, pour ainsi dire, à jeter le bébé avec l’eau du bain.
Notre compréhension globale actuelle des questions de durabilité bénéficie de l’appui d’un ensemble diversifié d’institutions universitaires internationales qui se concentrent sur une science des systèmes complexes. La croissance rapide de la surveillance géospatiale en temps réel des indicateurs d’eau, d’air, des sols, de la pollution et de la biodiversité ainsi que les avancées phénoménales en termes de puissance de calcul et de traitement, contribuent au développement de cette compréhension collective. Cet essor rapide des technologies de surveillance en temps réel par satellite fournit une perspective solide et pragmatique des risques émergents auxquels la planète est confrontée. Bien qu’il existe un consensus croissant parmi les organismes scientifiques mondiaux sur l’importance des risques de durabilité, les solutions donnent lieu à un différend politique grandissant.
Aux États-Unis, plusieurs hommes politiques ont adopté un discours « anti-ESG » et dans l’Union européenne, nous assistons à une « marche arrière » politique sur l’économie verte et les plans de décarbonisation, certains estimant qu’ils vont à l’encontre les politiques domestiques en matière de travail et d’économie. La politisation de plus en plus forte du thème global de la durabilité fait apparaître plus clairement que le greenwashing est simplement une « preuve » de la tendance persistante du marché à vendre les produits à mauvais escient. Sur ce point, la « finance verte » ne fait pas exception.
Une autre preuve de la maturation du monde de la finance durable est la prise de conscience croissante de la différence entre impact direct et impact indirect. En d’autres termes, les titres liquides cotés en bourse ont pour la plupart un impact direct, obtenu grâce à une exposition à des entreprises présentant des niveaux de risques ESG opérationnels plus faibles et/ou une exposition accrue à des « revenus verts ». En revanche, il est possible d’optimiser l’impact direct par le biais d’une exposition à des actifs sur les marchés privés, par exemple au moyen d’un investissement direct dans le capital privé d’une entreprise de protéines alternatives ou par le biais d’une allocation de dette privée à des infrastructures renouvelables ou à des logements abordables. À l’heure actuelle, seules les « obligations vertes/durables » et certaines stratégies actions de niche permettent d’avoir un impact direct via les marchés publics liquides.
Le taille des tickets d’entrées et les problèmes de liquidité se traduisent généralement par une sous-représentation des marchés privés dans les portefeuilles de gestion privée. L’exposition moyenne des portefeuilles sur les différents marchés mondiaux varie de 8 % à 12 %, l’immobilier étant l’alternative privilégiée des marchés privés. À titre de comparaison, l’étude 2023 BlackRock Global Private Markets Survey indique que les investisseurs institutionnels mondiaux ont une allocation moyenne de 24 % aux marchés privés[3]. Le fonds de dotation de l’Université de Harvard (Harvard Endowment) est connu pour avoir été l’un des premiers à attribuer une allocation à grande échelle et à long terme aux marchés privés, avec une allocation actuelle de 39 % exclusivement dédiée au capital investissement. Au sein de la communauté des family offices et des investisseurs fortunés, il existe désormais un intérêt croissant pour les actifs des marchés privés, qui s’explique par les avantages qu’ils offrent en termes de diversification, ainsi que par la reconnaissance grandissante du fait que cette classe d’actifs offre un accès direct aux opportunités de l’économie verte émergente.
En réponse à cette demande croissante émanant de la gestion de patrimoine, plusieurs plateformes, telles que Moonfare et I-Capital, ont vu le jour et offrent un accès digitalisé aux actifs des marchés privés. La plupart de ces plateformes permettent de bénéficier d’opportunités soumises à une diligence raisonnable de niveau institutionnel, présentent des prix/valorisations transparents ou permettent une intégration/un reporting numérique. Au-delà de cela, elles offrent la possibilité de réduire la taille des tickets d’entrée.
Du point de vue de l’impact, il est encourageant de constater que ces plateformes digitales reflètent naturellement les opportunités commerciales émergentes associées à des initiatives de réduction des émissions de carbone, d’utilisation efficiente des ressources et de promotion de l’inclusion sociale, à savoir la génération automatisée de rapport sur le bilan carbone des sols, le recyclage des déchets plastiques et les micro-entreprises d’énergie hors réseaux. Cet alignement technologique entre les capitaux privés à long terme, les actifs des marchés privés et les opportunités de croissance économique verte est une tendance positive pour le monde de la finance durable en général et pour les investisseurs fortunés en particulier.
[1] Banks behind 70% jump in greenwashing incidents in 2023 -report | Reuters
/ Report: Greenwashing incidents up 70% globally in 2023 (tradefinanceglobal.com) [2]
DWS to pay $25 mln to end US probe into greenwashing, other issues | Reuters [3]
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